Les médecins qui travaillent en cancérologie au CISSSO veulent alerter la population de l’Outaouais concernant leurs inquiétudes à propos des répercussions causées par le manque criant de technologues en radiologie et radio-oncologie, ainsi que d’infirmières aux blocs opératoires et en cancérologie au CISSSO.

Faisant suite aux sorties médiatiques récentes par les urgentologues et par les chirurgiens du CISSSO, nous affirmons que le manque de professionnels en Outaouais entraîne des délais qui affectent déjà la survie des patients atteints de cancer dans notre région. Nous interpellons les élus pour qu’ils agissent maintenant afin que la population de l’Outaouais puisse recevoir des soins de qualité qui se comparent à ceux des autres régions du Québec.

Plusieurs de nos patients atteints de cancer considèrent qu’ils subissent de l’oubli, frôlant l’indifférence et l’abandon, par rapport au reste de la province, et ce, même s’ils paient les mêmes taux d’imposition qu’ailleurs au Québec. Comment cela se fait-il ?

Même avant la crise récente causée par le manque de technologues en radiologie, nos patients souffraient déjà des délais d’accès en imagerie.

En 2021, l’Institut national d’excellence en santé et en services sociaux (INESSS) du Québec établissait que la survie globale des patients atteints d’un cancer pulmonaire en Outaouais était la plus basse au Québec (7,5 mois de survie, comparativement à une moyenne de 12,2 mois pour le reste du Québec).

Pour expliquer cet écart, entre autres, l’INESSS rapportait qu’en 2017-2018, l’Outaouais était la région où la proportion des demandes de tomodensitométrie en attente de plus de trois mois était la plus élevée au Québec, avec un taux de 50,9 % comparativement à 18,3 % pour l’ensemble de la province.

Primes temporaires

À la suite des sorties médiatiques des dernières semaines, des primes ont été offertes aux technologues en radiologie aux hôpitaux de Hull et de Gatineau... mais seulement pour une période de deux ans ! Est-ce suffisant pour rattraper les retards radiologiques accumulés depuis des années ? Est-ce suffisant pour éviter le départ de technologues qui se font courtiser par les hôpitaux d’Ottawa, qui offrent un salaire de base récurrent beaucoup plus élevé ? Ne pourrait-on pas planifier, pour une fois, de façon permanente pour éviter les départs continuels ?

En raison du manque de technologues en radiologie, l’appareil IRM à l’hôpital de Gatineau, annoncé par la CAQ le 30 janvier 20191, doit maintenant cesser ses activités. De plus, comme l’indiquaient les chirurgiens du CISSSO le ler mai 2024, les cas oncologiques en attente d’intervention chirurgicale en 2023-2024 ont augmenté de 29,5 % au CISSSO, comparativement à 7 % dans le reste du Québec. Comme les traitements en cancérologie dépendent intimement de la radiologie et des blocs opératoires, nous, médecins œuvrant au Centre de cancérologie du CISSSO, craignons sérieusement pour la survie de nos patients. Le système de santé en Outaouais est encore plus précaire qu’en 2021, lors de la publication du rapport de l’INESSS. Ainsi, il ne faudra pas être étonné si la survie globale des patients diminue sous le seuil de 2021.

Il y a à peine 20 mois, il y a eu en radio-oncologie une crise identique à la crise actuelle en radiologie. Des primes temporaires ont encore une fois été offertes aux technologues en radio-oncologie. Malheureusement, la situation continue de se dégrader. Récemment, l’équipe de radio-oncologie a dû traiter des patients en temps irrégulier pour compenser le manque de technologues afin d’être conforme aux normes du MSSS.

Il est impossible de traiter tous les patients cancéreux dans les heures d’ouverture du Centre de cancérologie. Force est alors de constater que les « primes temporaires » NE SONT PAS la solution pour régler ce genre de crise.

Or, le 29 septembre 2022, le ministre Christian Dubé affirmait dans Le Droit : « Les primes c’était une chose à faire […] mais là, on a une occasion incroyable d’aller avec une nouvelle convention collective qui va se négocier avec le Trésor, en collaboration avec la santé. Je ne parlerais plus de primes, je parlerais vraiment d’avoir l’ajustement salarial […] qui permet d’être plus compétitif avec l’Ontario. » « Nous, on est prêts à remettre ça en jeu parce qu’on veut travailler pour que tout le monde ait le bon salaire au bon endroit. » Quel est le plan maintenant, en mai 2024, après les récentes négociations des conventions collectives ?

Pour un plan pérenne

La survie des patients atteints de cancers en Outaouais est plus précaire que jamais à la suite de départs de personnel occupant des postes critiques.

Étant donné la situation urgente, nous demandons à Christian Dubé, ministre de la Santé et des Services sociaux, et à Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor, d’élever leur niveau de sensibilité vis-à-vis de la population de l’Outaouais et d’établir de façon urgente un plan pour offrir des salaires compétitifs avec ceux offerts en Ontario.

Ce plan ne peut se limiter à des primes de durée limitée.

Le plan doit avoir une pérennité afin que l’Outaouais puisse, comme ailleurs au Québec, atteindre des résultats concrets à court et à long terme et offrir aux patients de l’Outaouais les soins auxquels eux aussi ont droit.

Voici un bel exemple où vous, élus de l’Outaouais, pouvez agir ensemble, maintenant, pour que l’écart de survie des patients atteints de cancers en Outaouais ne se creuse pas davantage par rapport aux autres régions du Québec.

La situation est anormale, et cela ne dépend pas de la qualité des services offerts au CISSSO. Cela dépend des retards qui ne cessent de s’accumuler tout au long de la trajectoire du patient atteint d’un cancer en Outaouais.

Voici une occasion de mettre en œuvre la résolution adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale du Québec en octobre 2019 lorsqu’un statut particulier a été reconnu en santé pour l’Outaouais. Vous devez agir, et vite !

* Cosignataires du CISSSO : la Dre Maryse Bélanger, cheffe de service en pneumologie ; le DDaniel Plouffe, chef de service en hémato-oncologie ; la Dre Gabrielle Gauvin, cogestionnaire médicale de la cancérologie ; le Dr Éric Forget, chef du département de médecine spécialisée

1. Lisez l’article de Radio-Canada « L’Hôpital de Gatineau aura son appareil d’imagerie par résonance magnétique » Lisez le témoignage « Manque de personnel hospitalier en Outaouais : je suis partie » Lisez la lettre ouverte « Urgences : la population de l’Outaouais “est en danger” » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue