Monsieur Serge demeure solitaire à sa nouvelle résidence pour personnes âgées (RPA). Il a parlé de ses enfants et de quelques amis restants de ses belles années. Il n’a plus l’autonomie lui permettant de les visiter, ses 80 ans ralentissent tout.

Déjà, plusieurs femmes ont tenté de voir s’il les accueillerait avec une chaleur amicale. Il s’est montré craintif, autant de sociabilité soudaine pourrait étouffer un ours solitaire.

M. Serge, Mme Solange et d’autres contribuent à la diversité de leur milieu. Mais difficile de dire sa diversité sans susciter la stigmatisation, le jugement des autres, l’inconfort possible face au passé. Et si quelqu’un n’aimait pas leur vie passée, que leur arriverait-il à la RPA ? Déjà, si on ne visite pas sa famille « choisie », elle n’existe soudainement plus et notre monde social peut s’effondrer. Alors que la diversité des milieux reste inconnue, personne n’indique non plus comment la diversité est bienvenue à la RPA.

Après ses expériences parentales, M. Serge a affirmé sa différence, fréquenté quelques bars, a connu une nouvelle jeunesse et un monde nouveau. Il s’est fait quelques amis, un copain aussi, H., qui a ensoleillé sa vie quelques années. Mais maintenant, en 40 ans de vie « de vieux garçon », comme on disait autrefois de ses semblables, M. Serge a perdu son entrain. Il a cessé de boire et sa curiosité du monde de la nuit s’est tarie. Restent quelques amis de sa famille « choisie », ses vrais petits-enfants qu’il voit à l’occasion. Chaque rencontre est devenue un évènement chéri.

La solitude s’impose, ne voulant ni décevoir la dame affectueuse ni risquer de dévoiler son intimité singulière et d’être jugé par les gens en retour.

Mme Solange a aussi une intimité singulière, toujours assumée. On ne la fera pas rentrer dans la garde-robe, mais elle sait bien que quelqu’un pourrait rire d’elle ou dénigrer son passé parce que ses amours de personnes de son sexe ont été le fondement de son parcours. Personne n’a besoin d’être militant ou de mener le défilé gai pour mériter son bonheur. Elle a été heureuse d’appuyer les causes, de donner lors des campagnes et de fréquenter le « Village », à l’occasion, parce qu’elle s’y plaisait.

Pour elle et lui, le monde quotidien a tourné autour des enfants qui étaient là, de leur travail ; et pour M. Serge autour de sa femme, avant qu’elle ne quitte ce monde, éprouvée par le cancer, il y a peu de temps. M. Serge a soutenu ses enfants et s’est consolé seul parce qu’il avait bien aimé sa femme et qu’il continuait à se préoccuper des siens. Ses amours l’avaient amené ailleurs, mais il ne niait pas avoir aimé être papa.

Mme Solange, pour sa part, n’a pas eu d’enfants, seulement ceux de ses conjointes, elle a aimé partager leur vie quelques années. Elle les voisine à l’occasion, mais le manque d’autonomie n’arrange pas les choses. Elle regarde venir les évènements autour du 17 mai et elle se dit que les jeunes en ont besoin, pour ne pas se creuser un avenir en marge de leur monde.

Une diversité de la vie

La Journée mondiale de lutte contre l’homophobie et la transphobie résonne dans le cœur de Mme Solange et de M. Serge. Pour que la diversité sexuelle soit simplement une diversité de la vie, se disent-ils. Pas une chose dont on rit dans les cours d’école ou qu’on met à l’écart sous un quelconque prétexte. Et pour que la différence sexuelle ne soit plus une raison pour emprisonner, assassiner ou nuire au cheminement des personnes dans leur vie, ici ou ailleurs.

Ce matin du 17 mai, en sortant pour leur marche matinale, ils ont été surpris de voir des arcs-en-ciel affichés dans le hall de la RPA.

Les employés et des bénévoles de leur club social souhaitaient à tout le monde de se sentir en paix avec le parcours de leurs amours et de leur sexualité. S’ils ou si elles voulaient raconter une part de leur histoire, entendre celle d’autres personnes ou bien échanger sur ces questions, ils étaient les bienvenus. Mme Solange est devenue soudainement plus souriante et s’est retournée vers M. Serge, qu’elle ne connaissait pas, pour lui souhaiter une belle Journée en ce 17 mai. Ils se sont regardés, puis ont souri d’un air entendu et heureux.

En ce jour qui veut réduire les discriminations et l’isolement dus à la diversité sexuelle, vous pouvez démontrer votre ouverture en souhaitant une belle journée du 17 mai à une personne inconnue qui pourra vous sourire et vous comprendre en retour.

Plusieurs groupes aident aussi les personnes âgées LGBTQ+, comme l’ARCG – Aînés et retraités de la communauté gaie⁠1 et la Fondation Émergence⁠2, celle-ci propose les ateliers « Pour que vieillir soit gai » qui s’adressent entre autres aux résidants et au personnel de résidences.

1. Visitez le site web de l’ARCG – Aînés et retraités de la communauté gaie 2. Visitez le site web de la Fondation Émergence Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue