Une étudiante de la classe d’Isabelle Morin s’est sentie interpellée par sa lettre où elle demandait : « Où es-tu, mon bel étudiant ?»

Je suis ici, cachée discrètement au fond de la classe, moi aussi derrière mon écran, par habitude d’éviter les situations d’interactions avec mes pairs. Je suis bien consciente du problème, je le constate, je le vis quotidiennement et j’en souffre comme toi, chère enseignante.

Entre ces quatre murs de classe, j’écoute ton cours avec tellement d’intérêt, de curiosité, de soif d’apprendre sur les enjeux si intéressants de notre drôle de monde. Apprendre par plaisir, pour soi-même, pour le bien-être collectif et non pas sous la pression de la vilaine cote R.

Je tente d’écouter parmi les distractions infinies de cet environnement pas du tout propice aux apprentissages : mon collègue devant moi qui « prend des notes sur son ordinateur portable » – dont le seul onglet ouvert affiche un petit jeu insignifiant –, le son des notifications de la personne derrière moi qui planifie son prochain party, et les deux à ma droite, tête bien détendue sur le bureau, profitant du cours pour faire un power nap.

Je suis là, présente dans ce local créé par le même architecte engagé pour la réalisation de n’importe quel pénitencier, sans fenêtre.

Je laisse de côté pour toi, chère enseignante, mon angoisse sociale pour être une des trois ou quatre personnes engagées dans la discussion du cours et répondre aux questions afin d’éviter le poids étouffant du silence d’une salle de classe.

Pourtant, si l’on souhaite non seulement réussir, mais aussi apprendre sur le monde, sur notre société et sur nous-mêmes, on ne peut pas passer ces années apparemment si formatrices la tête baissée, soumise à notre cellulaire.

Malgré tout ça, je me sens rechargée chaque semaine grâce à ce cours qui me motive à imaginer une société plus équitable, consciente des problématiques actuelles. Celles qui, même derrière un écran ou quand l’on dort, ne peuvent nous échapper.

Les plus belles années

On m’a toujours dit que le cégep est formateur, que ce sont les plus belles années de notre vie, qu’on apprend qui l’on est vraiment et que les amitiés au cégep sont les plus importantes. Malheureusement, en tant qu’étudiante en fin de DEC, je constate que tout cela est erroné pour de nombreux étudiants et que ce parcours est beaucoup moins alléchant en réalité. Le sentiment d’isolement social n’a jamais été aussi présent que dans une classe avec 40 autres étudiants.

J’aurais aimé être née à l’époque pas si lointaine où créer des amitiés significatives au collégial allait de soi.

Je suis plutôt dans une époque de transition sociale où une génération d’étudiants a perdu le désir de s’instruire. En 2024, c’est une minorité qui souhaite apprendre réellement, simplement pour le plaisir d’accumuler des connaissances et pour acquérir des savoirs.

À toi, chère enseignante, sache que je suis là, que je te suis reconnaissante de poursuivre malgré tous les défis des étudiants de ma génération. Et à toi, cher collègue de classe, en rangeant ton cellulaire, en écrivant tes notes à la main et en prenant part aux activités pédagogiques qui te sont offertes, tu verras que l’école n’est pas si plate que ça et que tu peux y trouver ta place.

1. Lisez « Cellulaire en classe : où es-tu, mon bel étudiant ? » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue