Les femmes migrantes arrivant au Québec doivent faire face à une double peine : être une femme et être migrante. Elles ont 13,6 fois plus de risque d’être victimes de violence conjugale. Notre gouvernement attend-il qu’elles rejoignent la liste macabre des femmes assassinées par leur conjoint ?

Au Québec, les femmes migrantes occupent une part disproportionnée des places dans les établissements d’hébergement. En 2023, dans les 46 établissements membres du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale, elles représentaient les deux tiers des femmes dans la région de Montréal et la moitié à Laval⁠1.

Les femmes migrantes sont plus vulnérables à la violence conjugale. La difficulté de trouver un emploi ou un logement à cause des préjugés et du manque de reconnaissance de leurs qualifications les rend économiquement précaires.

Le manque d’information concernant leur statut et leurs droits à leur arrivée au Québec peut les réduire au silence.

Ainsi, l’idée de quitter un environnement abusif peut être découragée par la perspective de perdre leur source de revenus, leur logement ou même leur statut migratoire.

Ce problème a été souligné par le gouvernement dans sa Stratégie gouvernementale intégrée 2022-2027⁠2. La stratégie repose sur des financements qui ne servent qu’à la délégation des devoirs du gouvernement à des associations d’aide aux femmes migrantes et des maisons d’hébergement. Investir dans des associations est un début, mais c’est loin d’être suffisant. Il faut une réforme en profondeur, une volonté de briser les chaînes de l’ignorance et de l’inaction. Écoutons les travailleurs communautaires et l’ensemble des acteurs qui œuvrent au quotidien pour améliorer la situation des femmes migrantes arrivant au Québec.

Ces femmes sont réduites au silence : rendons-leur leur voix !

Entre injustice et indifférence : le système judiciaire en déroute

Le système judiciaire québécois n’est toujours pas équipé pour répondre aux besoins linguistiques et culturels des femmes migrantes. Comme l’explique Nicolas Côté, coordonnateur de projet en violence conjugale, nous ne pouvons pas parler de la violence conjugale de la même manière aux femmes issues de minorités ethniques et sexuelles.

Policiers et juges ne sont pas formés à la violence conjugale et aux spécificités liées à la migration.

Le manque de formation sur les questions culturelles et migratoires peut conduire à des jugements erronés, à des préjugés discriminants, ou à une mauvaise compréhension des besoins de ces femmes.

La dénonciation des violences est obstruée par la barrière de la langue. Elle rompt la communication avec la police et les tribunaux. Malgré la nécessité des services d’interprètes, le gouvernement ne semble pas favorable à reconduire ses investissements pour le réseau de banques d’interprètes qui offrent leurs services à 36 maisons d’aide et d’hébergement dans diverses régions du Québec⁠3.

Ces lacunes mènent à un manque de confiance des femmes migrantes envers les institutions. Manon Monastesse, directrice de la Fédération des maisons d’hébergement pour femmes (FMHF), affirme que moins de 25 % des femmes migrantes dans ses établissements ont signalé les violences dont elles sont victimes à la police⁠4.

Le système, semble-t-il, les a abandonnées.

Face à ces défis, il est impératif que le gouvernement du Québec prenne des mesures concrètes pour améliorer l’accès à la justice pour les femmes migrantes victimes de violence conjugale. Cela implique d’investir dans des ressources adaptées à leurs besoins. De nouvelles politiques et procédures qui reconnaissent et respectent leur diversité culturelle et leurs droits fondamentaux sont nécessaires.

Les femmes migrantes représentent 7 % de la population québécoise⁠5. Derrière ce chiffre se cachent des visages et des histoires. Le Québec se doit d’être leur refuge, pas leur prison.

Le temps des demi-mesures est révolu. Luttons pour le droit de toutes les femmes, car sans justice, pas de paix.

1. Lisez « Des immigrantes enfermées à double tour dans la violence conjugale » 2. Consultez le document Contrer la violence sexuelle, la violence conjugale et Rebâtir la confiance 3. Lisez « Rupture majeure de service d’interprètes pour les victimes de violence conjugale » 4. Lisez « Le long chemin des femmes marginalisées victimes de violence conjugale »

5. Conseil du statut de la femme, 2022

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