Il y a une semaine, j’ai raconté que ma fille avait été frappée au visage par une dame agitée qui sortait d’un wagon à la station de métro Lionel-Groulx. Le même soir, à la même station, un sans-abri avait été poignardé par un groupe de jeunes. Cette chronique m’a valu un abondant courrier et beaucoup de sympathie. Ma fille va bien, merci, elle soigne son œil au beurre noir et a repris le métro dès le lendemain. Pas le choix, c’est son seul moyen de transport.

Parmi la centaine de courriels reçus, plusieurs personnes âgées m’ont confié ne plus prendre le métro le soir parce qu’elles ne se sentaient plus en sécurité, quitte, comme M. Daoust, 71 ans, à se priver de son abonnement au théâtre.

Plusieurs parents m’ont avoué être inquiets de laisser leur ado prendre le métro seul. Comme Mme Morin, dont la fille de 15 ans est revenue traumatisée après avoir dû composer le 911 parce qu’un homme intoxiqué a été pris de convulsions sous ses yeux.

Ou de Mme Wellens, dont la fille de 14 ans a été témoin de trois incidents à caractère violent sur le chemin du retour à la maison. Des témoignages qui sont loin d’être des exceptions.

Des constables bien en vue

Bonne nouvelle, la STM a (enfin !) pris des mesures pour améliorer la sécurité des usagers du métro.

Réassurance, c’est le nom de l’opération, prévoit l’ajout de constables spéciaux et d’ambassadeurs de sûreté dans 10 stations jugées chaudes, dont Lionel-Groulx, Beaudry et Jean-Talon1.

C’est un bon début.

Des agents visibles dans les wagons et sur les quais rassurent les gens, surtout le soir quand les lieux sont presque déserts. L’opposition officielle à Montréal a proposé de s’inspirer de la Ville de Toronto pour mettre en place un système de texto et de clavardage qui permet une intervention rapide en 90 secondes en cas d’incident. C’est assurément une voie à explorer.

Jeudi, mon collègue Maxime Bergeron écrivait que la STM envisageait aussi de nouvelles technologies pour détecter des situations dangereuses à distance à l’aide de l’intelligence artificielle.

C’est sûrement une bonne idée, mais avant de faire appel à ChatGPT et Yoshua Bengio, peut-on commencer par des gestes simples comme changer les néons brûlés au plafond afin d’éclairer les escaliers et les recoins sombres du métro ?

Peut-on améliorer la propreté sur les quais, dans les couloirs et dans les wagons de métro (mon dernier voyage sur la ligne jaune m’a levé le cœur tellement c’était sale) ? On devrait également s’assurer que les écrans afficheurs fonctionnent correctement dans toutes les stations. Et que les commerces qui s’installent dans le métro soient propres et attirants.

Ce sont tous des gestes à la portée d’une société de transport qui ont un impact immédiat sur le sentiment de sécurité des usagers.

Silence radio

Je me réjouis que la STM prenne enfin l’enjeu de la sécurité au sérieux, mais en même temps, je rappelle qu’elle n’est pas un CLSC. Sa mission première est de transporter des usagers, pas de prendre en charge des toxicomanes ou des gens souffrant de troubles de santé mentale.

Et ce serait assez injuste de la laisser assumer seule les conséquences directes de la crise du logement qui fait en sorte que des gens qui n’ont plus d’autres choix se retrouvent à la rue ou dans le métro.

Je trouve gênant le silence des ministres responsables de ces dossiers.

Celui de Geneviève Guilbault, d’abord. La ministre des Transports et de la Mobilité durable (un titre qu’elle a tenu à ajouter, mais qui sonne creux ces temps-ci) se fait bien discrète. J’ai vérifié sur son compte X, elle est toujours en vie et a même salué mercredi l’annonce de l’ARTM concernant la recharge de la carte Opus avec un téléphone intelligent. Pas un mot sur l’enjeu de sécurité dans le métro, par contre. Serait-elle aussi silencieuse si des incidents violents avaient eu lieu dans les autobus de la Ville de Québec ?

Le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, est tout aussi discret. Son cabinet a rappelé mercredi à mon collègue Henri Ouellette-Vézina les investissements de la dernière année en itinérance et n’a pas fermé la porte à une aide supplémentaire. Soit. Mais c’est loin d’être suffisant.

À quand des ressources pour les cas les plus lourds qui ne trouvent pas de place dans les refuges traditionnels ?

Ce n’est pas parce qu’une personne sans-abri qui souffre d’un problème de santé mentale s’installe dans le métro qu’elle devient soudainement le problème exclusif de la STM. Les services sociaux doivent s’impliquer davantage et cesser de toujours renvoyer la balle aux organismes communautaires. Quant aux constables spéciaux de la STM, on ne peut pas exiger d’eux qu’ils remplacent les travailleurs sociaux.

Le printemps est à nos portes, les personnes sans-abri vont bientôt quitter le métro pour s’installer dans les parcs et sur les places publiques. J’espère que les autorités concernées sont déjà en train de planifier l’automne. J’espère surtout que les mesures temporaires adoptées par la STM ne sont pas qu’un pansement appliqué hâtivement pour faire taire la clameur et baisser l’attention médiatique. Les usagers du métro méritent mieux.

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