Le futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants doit avoir plus de pouvoirs.

On peut être horrifié, scandalisé, ému ou en colère en lisant les nombreux reportages sur les enfants de la DPJ publiés dans La Presse et Le Soleil dernièrement.

Mais notre trop-plein d’émotions ne changera rien à la réalité des jeunes vulnérables.

Ce dont ils ont besoin, c’est de quelqu’un qui veille spécifiquement à leur bien-être. Quelqu’un qui défend leurs droits sur la place publique et au sein du labyrinthe qu’est l’État québécois.

Cette personne, c’est la ou le futur commissaire au bien-être et aux droits des enfants prévu dans le projet de loi 37. Il s’agit d’une des principales recommandations du rapport de la commission Laurent, rendu public il y a trois ans déjà. Une institution sur laquelle tout le monde, y compris le ministre responsable des Services sociaux, Lionel Carmant, fonde beaucoup d’espoir.

Malheureusement, dans sa version actuelle, le projet de loi 37, déposé en octobre dernier, ne va pas assez loin. Il propose une version édulcorée de ce que la commission Laurent avait proposé. Une version qui soulève de sérieux doutes quant à la capacité de ce futur commissaire à accomplir sa tâche.

Priorité : indépendance

La commission Laurent recommandait qu’on s’inspire de ce qui se fait ailleurs au pays. En effet, des provinces comme le Nouveau-Brunswick, l’Ontario et l’Alberta ont toutes un protecteur de l’enfant alors qu’au Québec, il n’existe aucune institution dont le mandat exclusif est de promouvoir et défendre les droits des enfants, une obligation de la Convention relative aux droits de l’enfant de l’ONU.

PHOTO GRAHAM HUGHES, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Régine Laurent, présidente de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse, a déposé son rapport – et ses recommandations – il y a bientôt trois ans.

Le futur commissaire, plaidaient les auteurs du rapport Laurent, devrait être indépendant et jouir des mêmes pouvoirs que le protecteur du citoyen, le vérificateur général et la Commission des droits de la
personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ). Concrètement, cela signifie qu’il devrait être nommé par l’Assemblée nationale, à qui il devrait rendre des comptes. Son mandat de sept ans serait renouvelable et il recevrait un financement récurrent pour réaliser sa mission.

La Commission estimait en outre que ce poste de commissaire devrait être intégré à une éventuelle charte des droits de l’enfant.

Ces recommandations sont essentielles. Le futur commissaire ne doit pas devenir un fonctionnaire de plus qui « s’assoit autour de la table » pour réfléchir « au meilleur intérêt de l’enfant ».

La personne qui portera la voix des enfants doit pouvoir aller à leur rencontre partout au Québec. Elle doit pouvoir enquêter, intervenir et sonner l’alarme au besoin.

La CDPDJ montrée du doigt

Jusqu’à maintenant, ce sont surtout les journalistes qui alertent l’opinion publique. Semaine après semaine, mes collègues déterrent des histoires d’horreur : abus sur lesquels l’entourage s’est fermé les yeux, exploitation sexuelle, violence, conditions de vie déplorables et inadéquates, lésions de droits… Personnellement, je connais des chiens et des chats qui sont pas mal mieux traités que certains enfants sous la protection de la DPJ.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Déposé en octobre dernier, le projet de loi 37 ne va pas assez loin, selon notre chroniqueuse, proposant une version édulcorée de ce que la Commission Laurent avait proposé il y a bientôt trois ans.

Vous trouvez ça normal ? Moi non plus.

La CDPDJ est montrée du doigt : des avocates et même certains de ses anciens employés estiment qu’elle ne joue pas son rôle de chien de garde. On lui reproche son inaction et sa passivité.

En entrevue il y a un mois, le président de la Commission, Philippe-André Tessier, me disait qu’on avait ajouté des ressources jeunesse et qu’on était plus présent en région. Il m’expliquait aussi que le rôle de la Commission était mal compris. « On fait notre travail, on le fait bien, nos délais sont bons », avait affirmé M. Tessier, en rappelant que la commission Laurent prônait une déjudiciarisation des dossiers jeunesse. Selon lui, l’intervention de la CDPDJ devant les tribunaux, aussi essentielle soit-elle, doit être une exception. « Ce qui est bizarre dans ce dossier, me disait-il il y a un mois, c’est qu’on se retrouve à se défendre de ne pas aller assez à la Cour alors que tous les rapports disent qu’il faudrait y aller moins souvent. »

« S’il faut qu’on aille à la Chambre jeunesse, poursuivait-il, le temps qu’on fasse ça, la situation n’est pas corrigée. C’est quoi la façon la plus efficace pour régler la situation rapidement ? C’est ça la priorité. »

MTessier concluait que la Commission devait mieux communiquer. Je ne suis pas une experte en droit de la jeunesse, mais il me semble en effet que tout ce beau monde devrait apprendre à se parler.

Un triste anniversaire

Les audiences sur le projet de loi 37 sont suspendues pour une période indéterminée, a-t-on appris la semaine dernière. On devrait profiter de cet arrêt pour revenir aux fondamentaux de la commission Laurent. C’est entre autres l’avis du vice-président de la Commission, André Lebon, un avis que je partage.

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Mardi, on soulignera le 5e anniversaire de la mort de celle qui est désormais connue comme la fillette de Granby.

Le ministre Carmant doit refaire ses devoirs et il doit agir rapidement. Les jeunes ont assez attendu. Quand on sait qu’il faudra attendre six mois après l’adoption du projet de loi pour nommer le commissaire, chaque journée compte.

Mardi, on soulignera le 5e anniversaire de la mort de celle qui est désormais connue comme la fillette de Granby.

À l’époque, le premier ministre François Legault avait promis qu’il y aurait un avant et un après Granby.

On attend toujours l’après.

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