Le premier dimanche de chaque mois, une délégation de membres de l’organisation Mères au front marche sur les plates-bandes de François Legault : un sit-in a lieu devant les bureaux du premier ministre à Montréal.

Il pleuvait et il faisait froid, dimanche dernier, quand je me suis présenté à leur rassemblement. Il y avait une toute petite poignée de mères et un nombre non négligeable de… parapluies.

Pourtant, malgré le temps de chien, les mères semblaient véritablement ravies d’être là.

« Ça fait du bien de se retrouver ensemble et d’avoir l’impression d’agir pour que la société avance, par amour pour nos enfants », m’explique Nathalie Ainsley avec enthousiasme.

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Hélène Charpentier et Geneviève Tardif

« On est contents d’être ici. La pluie ? Peu importe. Ça nous fait plaisir de nous retrouver. C’est formidable de pouvoir échanger avec des gens avec qui on va pouvoir avancer sur certaines causes », ajoute Hélène Charpentier.

Rapidement, je me fais l’avocat du diable. Malgré les pressions, nos gouvernements n’agissent généralement pas de façon assez décisive dans les dossiers environnementaux. Le travail des Mères au front est-il utile ?

La réponse est unanime.

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Catherine Sacchitelle arbore un cœur vert (symbole du mouvement) sur sa tuque et un autre sur son imperméable.

« Ah oui ! Moi, je suis convaincue que ça fait bouger les choses. Tranquillement. Sinon, je ne le ferais pas. Je ne serais pas ici aujourd’hui », dit Catherine Sacchitelle, qui arbore un cœur vert (symbole du mouvement) sur sa tuque et un autre sur son imperméable.

Une autre mère, Valéria Moro, se joint à la conversation. « C’est un travail de fond qu’on fait. C’est sûr qu’il faut que le gouvernement suive à un moment donné. Et si le gouvernement ne suit pas, il faut au moins que les milieux industriels et commerciaux, le milieu des affaires, suivent. Je pense que le mouvement de fond va faire ça. »

Nathalie Ainsley, qui a aussi posé un cœur vert sur sa tuque, souligne que faire partie de Mères au front se veut aussi, pour elle, un remède à l’écoanxiété.

« Les médias parlent maintenant d’environnement et c’est extraordinaire. Mais malheureusement, c’est souvent des mauvaises nouvelles, dit-elle. Dans Mères au front et d’autres organismes, il y a tellement de gens qui s’impliquent et qui font des choses extraordinaires : qui implantent des jardins communautaires, qui militent pour des pistes cyclables, etc. […] Entrer dans le mouvement te permet de voir ça. »

Geneviève Tardif est sur la même longueur d’onde. Son engagement est, à ses yeux, à la fois payant sur le plan individuel et porteur de changement.

Ce qui est bien avec Mères au front, c’est qu’on est vraiment dans le positif, dans la promotion de solutions. Les actions, c’est souvent un peu de poésie, de créativité. Donc ça fait du bien au moral.

Geneviève Tardif, mère au front

Précisons ici que les Mères au front ne se contentent pas de manifester devant les bureaux de François Legault le dimanche. Elles multiplient les initiatives diverses. Le matin même, certaines mères étaient au marché Jean-Talon pour une séance de sensibilisation. Elles dénonçaient l’absence d’installations de compostage.

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Action de sensibilisation de Mères au front au marché Jean-Talon

Elles annoncent d’ailleurs une nouvelle série de « rassemblements politiques et artistiques » les 11 et 12 mai, qui culmineront par une grande activité de mobilisation au parc Frédéric-Back à Montréal le jour de la fête des Mères.

« On sait que les solutions existent, dit Geneviève Tardif. On essaie de les pousser de façon positive. Des fois, ça dérange un peu, mais je pense que le fait qu’on soit des mères et des grands-mères aide à faire passer le message. »

Les entrevues se succèdent et je réalise que ces mères me font penser à la tortue de la fable de Jean de La Fontaine. Les coups d’éclat : très peu pour elles. Ce qui les caractérise, c’est la détermination et la persévérance.

Elles refusent d’accepter leur sort et s’engagent pour changer le cours de l’histoire. Leur rébellion prend la forme, en quelque sorte, d’une révolution tranquille.

C’est un peu ce que tente de m’expliquer Nolwen Mahé, à la toute fin de l’évènement, quand elle me vante les mérites du mouvement.

« L’action collective au niveau politique est nécessaire et Mères au front est une bonne manière d’y entrer tranquillement. Parce que tout le monde est de bonne volonté, positif, tolérant. Je pense que c’est une des plus belles choses qu’on puisse montrer : la ténacité tolérante. Ou la ténacité positive. »

On est bien loin de la philosophie d’organisations comme Extinction Rebellion, qui avait bloqué le pont Jacques-Cartier il y a quelques années. Bien loin du catastrophisme, aussi.

Au lendemain de mes entrevues, j’ai téléphoné à Hugo Séguin, auteur du livre Lettre aux écolos impatients et à ceux qui trouvent qu’ils exagèrent, pour obtenir son avis sur Mères au front.

« Je vois ça d’un très, très bon œil dans le sens du changement social que plusieurs appellent pour les changements climatiques et l’environnement, lance-t-il. Sans penser que ça va être l’initiative miracle, car ça n’existe pas. Sans penser que ça va être une vague qui va tout emporter sur son passage. »

Mais ça fait partie des gestes significatifs posés au Québec en termes de mobilisation au cours des 10 dernières années.

Hugo Séguin, auteur

Et d’ajouter : « Il est significatif parce qu’il a visé quelque chose qui manifestement résonnait chez des gens et significatif parce que, contrairement à bien des organisations et des initiatives, ça a perduré dans le temps. »

Sans le savoir, il faisait écho aux propos de Francis Waddel, un des pères au front (ils sont les bienvenus au sein du mouvement) rencontrés dimanche dernier. Ce papa évoquait tout autant la constance du mouvement que son avenir.

« C’est facile d’être négatif et de se dire que tout va mal. Mais j’aime mieux voir le verre d’eau à moitié plein en me disant qu’il y a des gens à rencontrer pour, ensemble, concrétiser la suite du monde. »

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  • 2020
    Le mouvement Mères au front a été fondé par Laure Waridel et Anaïs Barbeau-Lavalette cette année-là.