On annonçait depuis longtemps un match de hockey féminin au Centre Bell de Montréal. Quelque chose d’historique allait s’y produire. J’ai allumé mon téléviseur et je n’ai pas été déçue.

La foule réunie ce jour-là a battu le record mondial d’assistance pour un match de hockey féminin, dépassant celui établi plus tôt en saison à Toronto. Au-delà de la partie elle-même, la tenue de ce match montre que, collectivement, nous avons enfin vaincu des décennies d’immobilisme et d’attentisme face à la place des femmes dans les sports « de gars ».

En m’imprégnant de l’euphorie de la foule, des applaudissements, des lumières et de la musique, en écoutant l’accueil des partisans, et surtout des partisanes, pour les joueuses qui défilaient sur la patinoire, j’en ai eu les larmes aux yeux. Ben voyons donc ! Tu ne vas pas te mettre à brailler pour une partie de hockey ! Mais c’était bien plus qu’une « game de hockey » pour les 21 000 personnes qui avaient payé pour voir ce match : c’était un évènement historique, parce qu’entièrement féminin.

Quand j’étais jeune, je regardais le hockey avec mon père. C’était un moment privilégié. Mais jamais, au grand jamais, aurait-on prédit qu’un jour, plusieurs décennies plus tard, par un beau samedi d’avril 2024, ce seraient des femmes, toutes des femmes, qui seraient mises en valeur. Qu’elles soient joueuses, commentatrices ou même arbitres !

Voir défiler toutes ces passionnées et expertes en hockey, et la réception enthousiaste qui leur était réservée, ça m’a tellement émue que j’ai écrit à mes trois sœurs, les informant qu’elles se privaient d’un rendez-vous féministe majeur si elles n’allumaient pas leur téléviseur.

Je pleurais en voyant l’accueil exalté de la foule, avec des ovations dignes des finales de la Coupe Stanley ! Tout ça pour honorer des filles, je le répète, des filles sous-payées, qui ne reçoivent qu’une fraction du salaire des messieurs. Elles sont payées un maigre 75 000 $ par année, de l’argent de poche pour leurs confrères masculins du Canadien, qui pourtant ne gagnent plus si souvent leurs matchs. Jusqu’à tout récemment, d’ailleurs, ces filles devaient assumer elles-mêmes de nombreuses dépenses pour parvenir à jouer, avec talent et raffinement, à temps partiel.

La foule enthousiaste nous a dit, à nous toutes : enfin ! Enfin, nous prenons notre place, enfin, nous applaudissons ces filles déterminées et fonceuses, en nous félicitant nous-mêmes d’être rendues là, à investir ce sanctuaire masculin de testostérone, de coups d’épaule et de bagarres !

On reconnaît le progrès d’une société quand on voit toute l’admiration que suscitent des femmes qui ont persévéré dans leurs ambitions. Et qui entrent enfin par la grande porte dans cet univers autrefois exclusivement masculin.

Ces joueuses de grand talent nous rendent fières quand elles font exploser de joie un Centre Bell plein à craquer.

Pour une scène de l’épisode finale STAT, l’autrice Marie-Andrée Labbé a eu ce flash formidable de faire appel à trois joueuses de l’équipe féminine de Montréal. Marie-Philip Poulin, Ann-Renée Desbiens et Ann-Sophie Bettez sont venues soutenir une jeune patiente, Romy, grande fan de leur équipe. Cette scène confirme que le hockey féminin est bel et bien entré dans l’imaginaire québécois. En particulier dans celui des jeunes filles qui, comme la petite Romy, n’ont d’yeux que pour elles, elles qui nous envoient le message que nous sommes capables, que « ça va bien aller ».

Ces larmes qui se sont invitées pendant la cérémonie d’avant-match, finalement j’en suis fière. Nous, les femmes, avons dû attendre tellement longtemps pour avoir la permission d’exister partout, d’être visibles et reconnues grâce à nos talents, y compris lors d’une magnifique partie de hockey.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

Des partisans de plusieurs générations ont assisté au match.

Si la fierté a un nom, si les joueuses de hockey peuvent être applaudies dans un environnement historiquement masculin, si tant de gens se sont déplacés pour les appuyer, c’est donc que nous avançons. Et c’est un baume quand on pense à d’autres enjeux tellement décourageants : la violence conjugale, les féminicides, les viols, les reculs sur le droit à l’avortement, la pauvreté, l’itinérance, et j’en passe. Les femmes ont toujours fait face à l’adversité et c’est cette détermination qu’on célébrait toutes ensemble, avec des hommes d’ailleurs, en ce samedi d’avril.

De tout temps, il y a eu des premières pour les femmes. Beaucoup d’avancées depuis un siècle, au Québec comme ailleurs, mais aussi des reculs.

Alors des femmes qui se font ovationner à tout rompre dans le temple du hockey masculin… ne sous-estimons pas l’importance du moment.

Nous avons toutes et tous besoin de ces moments de fierté. Les milliers de spectateurs l’ont compris et se sont rués sur les billets pour ce match historique.

Soyons conscientes de faire partie d’un mouvement féminin qui ne s’arrête pas et dont ce match de hockey a été une étape emblématique. Il s’agit d’une longue marche vers la reconnaissance et la détermination, vers l’égalité, partout.

Le hockey vient d’entrer dans la liste des batailles presque gagnées par les femmes et ce succès doit être là pour de bon. Ce samedi-là, nous avons franchi un grand pas.

À la veille des séries, ne lâchons pas ces femmes. Soutenons-les pour qu’elles aient accès à des salaires compétitifs et des conditions de travail justes et équitables. J’espère que le nom qu’il reste à trouver pour l’équipe de Montréal reflétera le haut niveau de compétence de ces joueuses, dont l’excellence du jeu n’a d’égale que la fierté de s’affirmer dans un monde historiquement masculin.

Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue