Des groupes de constables spéciaux et d’ambassadeurs de sûreté seront « beaucoup plus visibles » et plus nombreux dans une dizaine de stations de métro au cours des prochains mois, afin de lutter contre le phénomène grandissant d’insécurité.

« On va renforcer nos équipes de patrouilles dans trois pôles du métro, donc au sud-ouest, à l’est et au nord. Notre personnel va être ciblé aux bons endroits », a fait valoir mercredi le directeur de la sûreté de la Société de transport de Montréal (STM), Jocelyn Latulippe, en point de presse.

L’enjeu de la sécurité dans le métro est sur toutes les lèvres depuis déjà quelques mois. La semaine dernière, deux évènements violents sont survenus à la station de métro Lionel-Groulx – un sans-abri tabassé et poignardé par un groupe de jeunes et une jeune femme frappée au visage. Plus tôt cette année, le père de l’humoriste Alexandre Champagne avait été agressé à la station de métro Jean-Talon.

Baptisée « Réassurance », l’opération consistera à réaffecter des heures supplémentaires. Trois groupes de deux constables spéciaux et de deux ambassadeurs de sûreté sillonneront dorénavant une dizaine de stations, en tout temps, « afin de rassurer les gens ». Ces quatuors auront chacun trois ou quatre stations à couvrir, de l’ouverture à la fermeture du métro, et auront le mandat de se faire voir, d’abord et avant tout.

À l’est, les stations visées seront Joliette, Papineau, Beaudry et Frontenac, tandis qu’au sud-ouest, ce sera Lionel-Groulx, Atwater et Bonaventure. Au nord, les stations Mont-Royal, Jean-Talon et Jarry bénéficieront d’une surveillance augmentée. Ces dix stations sont celles où le sentiment de sécurité est le plus affecté. La station Berri-UQAM, où une forte surveillance est déjà en place, ne figure toutefois pas sur cette liste.

Notre cri du cœur des dernières semaines commence enfin à mener à des gestes concrets. Maintenant que tout le monde reconnaît le problème, les efforts doivent s’inscrire dans un plan à long terme.

Kévin Grenier, président de la Fraternité des constables et agents de la paix de la STM

Moins d’usagers en vue ?

Le président de la STM, Éric Alan Caldwell, ne cache pas qu’il craint de perdre des usagers, surtout occasionnels, en raison du contexte actuel. « On est inquiets quant à la fidélité de nos clients. Notre réseau a besoin qu’on soit présents », a-t-il martelé.

« Si on ne règle pas les enjeux d’habitation et de suivi clinique, les gens vont se réfugier dans le métro », a ajouté M. Caldwell, en réitérant que la Santé et le gouvernement devront en faire plus devant « la hausse des clientèles vulnérables, des enjeux de santé mentale, de toxicomanie ».

Au cabinet du ministre délégué à la Santé et aux Services sociaux, Lionel Carmant, on se dit « bien au fait de la situation dans le métro de Montréal », en ne fermant pas la porte à de nouvelles aides.

« Malgré qu’il ne soit pas de la responsabilité des équipes d’intervention des différents CIUSSS d’intervenir dans le métro, le travail de collaboration avec nos partenaires municipaux, les corps policiers et les organismes communautaires est primordial alors que le phénomène de l’itinérance augmente », dit-on.

Québec rappelle néanmoins avoir déjà investi 75 millions dans la lutte contre l’itinérance cette année seulement à Montréal. Il y a quelques mois, M. Carmant avait aussi annoncé une somme de 9,7 millions pour ajouter une centaine de places en refuges d’urgence, pour un total de 1900. Au total, plus de 7000 places sont disponibles dans la métropole pour loger des personnes en situation d’itinérance.

« Bidon », dit l’opposition

L’opposition officielle, de son côté, a dénoncé « une annonce bidon faite sur un coin de table ». « Ça démontre encore une fois que l’administration est réactive et ne prend pas les choses au sérieux », a déploré le chef d’Ensemble Montréal, Aref Salem.

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Le chef d’Ensemble Montréal, Aref Salem

Son parti a présenté mercredi un plan d’action pour rétablir le sentiment de sécurité dans le métro, en pressant Montréal de s’inspirer de Toronto et de mettre sur pied un service d’aide téléphonique, texto et clavardage pour les usagers qui auraient besoin d’une aide immédiate.

À Toronto, cette mesure a permis de faire en sorte que le délai pour obtenir de l’aide est en moyenne de 90 secondes.

Ensemble Montréal demande par ailleurs une augmentation de la surveillance effectuée par les équipes mixtes, les services de l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (EMMIS), mais aussi les policiers et les constables spéciaux. Le parti réclame que ces derniers « passent de 160 à 230 employés ».

On suggère aussi que des employés soient présents à toutes les stations, de l’ouverture jusqu’à la fermeture du métro, ainsi qu’une révision complète du système d’éclairage, la rénovation du mobilier et l’installation de toilettes publiques aux abords des stations.

« Le métro de Montréal demeure sécuritaire. Cela dit, il ne faut pas négliger le sentiment de sécurité », avait dit mardi la mairesse Valérie Plante, en marge d’un point de presse.

Elle a promis de « continuer à agir pour le métro ». « Il va y avoir plus d’agents dans le métro en prévision de l’été, il y a des escouades spéciales du SPVM, on a davantage d’ambassadeurs et de sécurité du métro. Et on va continuer ce travail-là. »

Mme Plante a également rappelé qu’il faudra « plus de soutien de la part de la Santé ». « Il y a des enjeux de santé mentale et la crise des opioïdes qui frappe extrêmement durement Montréal. Et finalement, la question de l’itinérance. Ça prend du temps, mais il faut trouver des solutions », a conclu la mairesse. « Ce sont des enjeux sociaux plus grands que le transport collectif. Il va falloir plus de ressources en santé mentale, en toxicomanie, en habitation », a aussi fait valoir la directrice de Trajectoire Québec, Sarah V. Doyon.