« C’est rendu comme Harlem, New York. » Au lendemain de deux évènements violents survenus à la station de métro Lionel-Groulx – un sans-abri tabassé et poignardé par un groupe de jeunes et une jeune femme frappée au visage –, des usagers témoignent d’un sentiment d’insécurité grandissant.

« Des fois, le soir, ça devient agressif. C’est une autre faune », dit Mark Landry, rencontré alors qu’il mendiait sur le quai de la station, vendredi soir.

Montrant une cicatrice qu’il porte sur l’épaule, l’homme raconte avoir été victime de jeunes voleurs, entre 17 et 25 ans, qui l’auraient assailli avec un objet pointu pour lui voler son violon, il y a environ deux semaines.

Employé d’un stand de bijoux installé sur une mezzanine de la station, Ijaz Ahmad constate lui aussi que de plus en plus de voleurs sévissent à Lionel-Groulx, particulièrement depuis deux ans. « Ce sont des enfants parfois, ou des personnes sans-abri », raconte-t-il au travers du brouhaha des usagers qui sautent d’une ligne de métro à l’autre.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, LA PRESSE

Cinq jeunes, dont quatre mineurs, ont été arrêtés après l’attaque jeudi soir d’un sans-abri dans l’édicule de la station Lionel-Groulx.

Pour plusieurs, qui ne font que passer, descendre à la station Lionel-Groulx n’est pas plus périlleux qu’avant, mais pour ces deux habitués, le constat est clair : l’endroit n’est plus sûr, surtout le soir. « C’est rendu comme Harlem, New York », lâche Mark Landry.

Un sans-abri poignardé

Vendredi, le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) a arrêté cinq jeunes, dont quatre mineurs, soupçonnés d’avoir battu et poignardé un sans-abri dans l’édicule de la station la veille.

Les suspects, âgés de 13, 15 et 17 ans, ont comparu vendredi au tribunal de la jeunesse. Leur présumé complice de 18 ans devrait quant à lui être accusé à une date ultérieure.

Certains des jeunes arrêtés étaient déjà connus des services de police.

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La station Lionel-Groulx, dans le Sud-Ouest

L’enquête est toujours en cours et un autre suspect demeure recherché par le SPVM. L’agression par le groupe de jeunes pourrait être liée au trafic de stupéfiants.

La victime a été poignardée vers 20 h 30. L’homme de 35 ans aurait repris connaissance à l’arrivée des policiers et ses blessures ne mettaient pas sa vie en danger. Selon nos informations, il s’agirait d’un sans-abri connu dans le secteur.

Une deuxième agression

Un autre épisode violent s’est produit quelques heures plus tard à la même station de métro. La fille de la chroniqueuse Nathalie Collard et de l’animateur et chroniqueur Richard Martineau a reçu un coup de poing en plein visage alors qu’elle attendait le métro, peu avant minuit. Une femme agitée, sortant d’une voiture du métro, a frappé la jeune femme qui se trouvait sur le quai.

Une dame s’est approchée pour aider la jeune femme ébranlée, qui n’a pas subi de blessures graves.

Pas question d’ostraciser les sans-abri. Personne n’en veut aux personnes itinérantes. On veut que le métro demeure sécuritaire.

Nathalie Collard, chroniqueuse à La Presse

Sa fille de 24 ans se déplace chaque jour uniquement en métro, a indiqué Nathalie Collard. « Ce genre d’évènement-là, ça arrive peut-être à plein d’autres citoyens chaque mois », a-t-elle ajouté, soulignant le sentiment d’insécurité grandissant pour des usagers comme elle et sa fille.

Il n’y avait pas d’agent de sécurité aux alentours au moment des faits ni de présence policière, a décrit la mère de la victime.

De nombreux effectifs

Or, le portrait était tout autre au lendemain de ces évènements, comme a pu le constater La Presse. Au moins trois policiers de la Section du métro du SPVM s’y trouvaient vendredi soir, en plus des constables spéciaux et de deux « ambassadeurs de sûreté », de nouveaux effectifs ajoutés cette année par la Société de transport de Montréal (STM).

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Un « ambassadeur de sûreté », entre autres, était présent près des tourniquets au passage de La Presse vendredi.

Pour certains usagers, cette présence n’est pas pour autant rassurante, surtout le soir. « J’essaie d’y être le moins possible dans ces heures-là », a indiqué l’une d’elles, Florence.

« Les agressions survenues [jeudi] à la station Lionel-Groulx sont inacceptables. Le SPVM a rapidement pris la situation en charge et une enquête est en cours », a réagi Alain Vaillancourt, responsable de la sécurité publique au comité exécutif de la Ville de Montréal.

Il a rappelé la mise en place du nouveau modèle d’intervention dans le réseau de transport, qui implique l’ajout de ressources pour répondre aux appels dans le métro. « La collaboration entre les forces de police, les constables spéciaux de la STM et nos agents de l’équipe EMMIS [Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale] est aussi au centre de cette nouvelle approche. »

La solution passe également par davantage de soutien en santé mentale et en toxicomanie avec l’implication de partenaires communautaires et institutionnels, a-t-il ajouté.