Jeudi soir dernier, un peu avant minuit, ma fille de 24 ans s’est fait frapper au visage par une dame agitée qui est sortie en trombe d’une voiture de métro à la station Lionel-Groulx.

Ma fille n’a pas eu le temps de voir venir la dame, encore moins le coup. Elle s’en est tirée avec une bonne frousse, un bleu au visage et un nez endolori.

J’ai raconté l’incident sur X le lendemain matin. Depuis quelques mois, je rapporte souvent les incidents dont je suis témoin dans le métro pour attirer l’attention des décideurs sur le quotidien des usagers.

J’ai également écrit une chronique il y a deux semaines dans laquelle j’observais à quel point le sentiment de sécurité dans le métro s’était détérioré au cours des derniers mois.

Lisez « Prendre le métro est devenu stressant »

Un reflet de notre société

Mon collègue Maxime Bergeron a passé une journée dans le métro récemment en compagnie d’agents de sécurité. Ce qu’il a observé apporte de l’eau au moulin des usagers qui, comme moi, trouvent que la situation est critique. « La misère d’une station à l’autre », écrivait Maxime en énumérant tous les incidents – consommation, violence, menaces, etc. – dont il a été témoin ce jour-là.

Lisez « Une journée dans le métro »

Montréal n’est pas différent des autres grandes villes dans le monde (New York, Paris, Toronto…), où la sécurité s’est dégradée aussi : surdoses, problèmes de santé mentale, crise du logement… Le métro est un microcosme – et un reflet – de notre société.

Si je me fais un devoir de parler régulièrement de ce qui ne tourne pas rond dans le métro, c’est aussi parce que j’y tiens, à « mon » métro. C’est mon moyen de transport quotidien et je veux continuer à l’utiliser sans me demander si quelqu’un me poussera sur les rails (c’est arrivé à New York et à Toronto) ou me crachera au visage.

Je n’ai pas envie que tous ceux et celles qui ont les moyens de se payer une auto ou un taxi le désertent. Je pense qu’il est important qu’on multiplie les reportages pour alerter nos décideurs et pour éviter qu’on atteigne un point de non-retour au-delà duquel il ne sera plus possible de renverser la tendance. C’est maintenant qu’il faut agir.

Rien ne va plus

Beaucoup de gens montrent du doigt les personnes sans-abri comme si elles étaient les uniques responsables du sentiment d’insécurité dans nos transports en commun. Mais la réalité, c’est que les personnes qui n’ont pas de toit, qui sont sous l’emprise de l’alcool ou de la drogue ou qui ont des problèmes de santé mentale graves sont, elles aussi, en danger dans le métro. La preuve ? Trois heures avant l’incident de ma fille, un homme sans-abri a été poignardé par quatre jeunes hommes dans la même station de métro.

Les personnes sans-abri ne devraient pas avoir à se réfugier dans le métro. Elles devraient avoir accès à des ressources, à un lieu sûr où se poser. C’est inhumain de devoir dormir par terre au milieu du va-et-vient.

En racontant l’incident de ma fille sur X, je savais que je rejoindrais beaucoup de monde. J’ai reçu beaucoup d’appels, de commentaires, et même des demandes d’entrevue, que j’ai refusées. D’abord parce que je n’avais rien à ajouter et ensuite parce que je crois que c’est aux dirigeants de la STM et de la Ville de Montréal de répondre aux questions des médias sur la sécurité dans les transports en commun.

Justement, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, vient de faire une virée dans le métro pour constater la situation de ses yeux. J’avoue que j’ai souri quand j’ai vu les photos où on la voit se déplacer avec son entourage d’une dizaine de personnes.

Lisez « La mairesse en virée pour constater l’insécurité »

Je ne sais pas en quoi cette visite a pu lui donner la moindre idée de la réalité quotidienne d’un usager de la STM. Personne n’aurait pu s’approcher d’elle.

Espérons toutefois que cette visite symbolique se traduise en gestes concrets.

Ce serait bien d’avoir des agents de sécurité très visibles en soirée, quand les quais et les voitures sont presque vides. Ce serait bien de remplacer les ampoules grillées afin que les recoins sombres du métro soient éclairés. Sans oublier l’ajout de ressources pour les personnes vulnérables.

Je continue à penser que si les puissants de ce monde utilisaient les transports en commun tous les jours, jamais ils ne toléreraient une telle situation. Alors pourquoi les usagers « ordinaires » devraient-ils accepter de telles conditions ? Est-ce qu’on considère les usagers du transport collectif comme des citoyens de seconde zone ? Je le crois de plus en plus.