Chaque vendredi, nous revenons sur la semaine médiatique d’une personnalité, d’une institution ou d’un dossier qui s’est retrouvé au cœur de l’actualité

La semaine a commencé par une terrible histoire d’agression dans le métro. Un homme de 67 ans attaqué par deux individus à la station Jean-Talon. Comme la victime est le père d’une personnalité publique, l’humoriste et créateur de contenu Alexandre Champagne, l’incident a été médiatisé. M. Champagne a accordé plusieurs entrevues au cours desquelles il s’est désolé de l’agression, évidemment. Mais il a aussi déploré l’apathie des usagers qui ont assisté à la scène sans broncher.

Je laisse aux psychologues et autres experts du comportement humain le soin d’expliquer l’indifférence des gens quand ils sont témoins d’une agression, mais je propose tout de même un début de réponse : se peut-il que les témoins de l’agression aient eu peur ? Peur de la réaction des agresseurs qui sont souvent des personnes en situation d’itinérance intoxiquées, désorganisées et affichant un comportement imprévisible ?

Des incidents dans le métro, il y en a désormais quotidiennement. Outre le fait qu’on retrouve de plus en plus de gens qui dorment sur les bancs du métro ou dans le recoin d’une station (ceux-là ne dérangent habituellement personne), il y a tous ceux et celles qui se promènent dans les wagons en divaguant, en interpellant agressivement les passagers qui détournent le regard dans l’espoir de ne pas attirer l’attention.

En 2023, les constables spéciaux de la STM ont répondu à 47 000 appels. C’est 5000 de plus qu’en 2022 et 22 000 (!) de plus qu’en 2017-2018. Mardi, ma collègue Ariane Krol rapportait que les attaques à l’endroit des employés de la STM avaient augmenté de 6 % l’an dernier⁠1.

Au cours des derniers mois, je ne compte plus le nombre d’incidents dont j’ai été témoin. Quelques exemples en vrac : une personne itinérante qui s’allume une cigarette dans un métro bondé, à l’heure de pointe du matin, et personne qui ne dit mot pour ne pas la provoquer. Une personne qui crie à fendre l’âme, une autre, très agitée, qui se frappe la tête sur la vitre de la porte du wagon en hurlant. J’ai aussi vu une dame faire pipi par terre à l’entrée d’une station. Et c’est sans compter la sortie du métro Place-d’Armes, en plein quartier touristique, occupée par des petits groupes plus ou moins agités selon l’heure de la journée.

Est-ce que ça donne envie de prendre les transports publics ? Pas vraiment.

J’ajouterais que les usagers que je croise tous les jours dans le métro sont au mieux courtois et patients, et au pire indifférents. Je suis certaine que la grande majorité pense comme moi : ces personnes itinérantes et souvent intoxiquées devraient avoir un endroit pour se réfugier qui est plus accueillant et adéquat qu’une station de métro.

Une situation qui va durer

Que peut faire la STM face à cette nouvelle réalité dans les transports publics ?

Premièrement, soyons honnêtes, la situation est la même dans toutes les grandes villes occidentales. Et on connaît les coupables : la crise des surdoses combinée au manque de ressources en santé mentale et à la crise du logement. C’est une vraie tragédie.

À Philadelphie, la société de transport a embauché des travailleurs sociaux pour rediriger les personnes itinérantes ou en crise vers les bonnes ressources. Le nombre d’incidents a diminué du tiers environ.

À New York, on a fait appel à des militaires pour rassurer les usagers du métro.

À Toronto, après la vague d’agressions de l’hiver 2023, on a ajouté des policiers, puis on les a graduellement remplacés par des travailleurs sociaux et des représentants du service à la clientèle de la société de transport. Le Toronto Star rapportait récemment qu’un an plus tard, on observe une diminution modeste du taux de criminalité et un retour graduel du sentiment de confiance des usagers et du personnel.

À la STM, un sondage effectué le mois dernier montre que le sentiment d’insécurité est à 38 % chez les usagers. Près des deux tiers (62 %) des usagers se sentiraient en sécurité. Je prédis que cette proportion ira en diminuant au cours des prochains mois.

Le métro de Montréal est à un point de bascule et il faut donner un sérieux coup de barre pour renverser la tendance.

J’ai demandé à la STM ce qu’elle faisait concrètement pour répondre à cette situation. J’ai apprécié les réponses du président de la société de transport, le conseiller municipal et membre du comité exécutif Éric Alan Caldwell. Il ne se défile pas et ne réfute pas mon diagnostic.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

Le président de la STM, Éric Alan Caldwell

La STM fait face à une situation qui n’a plus rien à voir avec la pandémie et qui est là pour rester. Pour des gens vulnérables en situation précaire, le métro est devenu le dernier refuge.

Éric Alan Caldwell, président de la STM

On le sait, la STM vit des moments difficiles sur le plan financier, elle est en mode restrictions budgétaires. « On a coupé 238 postes récemment, me confirme M. Caldwell, mais on a ajouté 60 postes en sécurité. »

Au total, en plus des ambassadeurs qui patrouillent dans le métro, il y a l’Équipe mobile de médiation et d’intervention sociale (EMMIS) et, depuis novembre dernier, l’Équipe métro d’intervention et de concertation (EMIC) qui tentent de créer des liens avec les personnes en situation d’itinérance. M. Caldwell reconnaît qu’il faudra ajouter des ressources et étendre les plages d’intervention.

Chaque fois que je prends le métro, j’ai peur d’être témoin d’un accident grave ou violent. Je me dis qu’à un moment donné, ça va mal se terminer et quelqu’un va perdre la vie.

Les ministres qui passent une partie de la semaine à Québec sont-ils conscients de la nouvelle réalité du métro ? « C’est sûr qu’on peut juste comprendre la situation si on la vit », me lance Éric Alan Caldwell, qui dit prendre le métro plusieurs fois par semaine.

J’aurais envie de dire aux ministres Christian Dubé et Lionel Carmant qu’on ne peut pas demander à une société de transport qui manque déjà de ressources de devenir une succursale du ministère de la Santé et des Services sociaux. Qu’est-ce qu’on attend pour aider la STM ?

Lisez le dossier « STM : les agressions contre les employés en hausse » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue