Les agressions contre les employés du réseau ont augmenté de 6 % l’an dernier, révèlent les chiffres de la Société de transport de Montréal (STM). La situation est telle que la STM lancera bientôt une campagne pour demander aux clients de respecter son personnel.

Au moins 348 agressions contre des employés ont été répertoriées l’an dernier, en hausse de 6 % par rapport à 2022, révèlent les chiffres fournis à La Presse par la STM.

Ce n’est que la pointe de l’iceberg, puisque ces données représentent seulement des agressions reconnues par le Code criminel, comme les voies de fait, les menaces et le harcèlement.

« Ces chiffres-là ne sont pas une surprise, on lit des résumés tous les matins. […] On est conscient que c’est en augmentation », commente la directrice générale de la STM, Marie-Claude Léonard, en évoquant « un phénomène social plus grand que nous ».

« On le voit dans d’autres organisations qui donnent du service client : la bienveillance, la longueur de la mèche, est différente de ce qu’elle était dans le passé. »

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, COLLABORATION SPÉCIALE

Marie-Claude Léonard, directrice générale de la Société de transport de Montréal

La STM lancera donc une nouvelle campagne d’affichage dans son réseau à la mi-avril. Et cette fois, on n’y verra pas d’illustrations colorées, mais des employés s’adressant au public.

« C’est vraiment une campagne de communication-sensibilisation qui va être claire et ferme à l’égard de l’importance de respecter le travail de nos employés. C’est un humain qui sert un autre humain. Plus on est bienveillant, plus c’est facile pour tout le monde. »

La campagne sera lancée le 15 avril, mais la STM ne donne pas de détails avant de l’avoir présentée à ses employés, dans la semaine du 8 avril.

Chauffeurs et constables agressés

Les trois quarts des signalements concernent des chauffeurs d’autobus (185 cas en 2023, en hausse de 8 %) et des constables spéciaux (83 cas, en hausse de 30 %).

« Pour les constables spéciaux, il y a des agressions qui peuvent venir de leurs interventions [lorsqu’ils sont] en train de tenter de désescalader [une situation] », précise Mme Léonard, en rappelant le « contexte social complexe » lié à la toxicomanie et à l’itinérance dans le métro.

C’est la station Berri-UQAM qui génère le plus de cas, soit une trentaine par an depuis deux ans. Mais plus de la moitié des agressions se produisent hors des stations de métro, montrent les chiffres de la STM.

Les chauffeurs d’autobus sont plus souvent ciblés qu’avant la pandémie, confirment les données compilées par leur syndicat, la section locale 1983 (SCFP–FTQ), qui représente également les opérateurs de métro, les agents de station et les chauffeurs du transport adapté.

En 2023, 411 incidents visant des chauffeurs ont été enregistrés, dont presque 65 % d’agressions verbales. Ces chiffres sont les plus élevés depuis 2019, la dernière année prépandémique.

« Ce qui a changé, c’est le type d’agression : les agressions verbales arrivent à une vitesse astronomique », témoigne le président du syndicat, Frédéric Therrien, qui a conduit des autobus jusqu’en mai dernier.

Seuls les cas graves sont consignés, assure-t-il. « Moi, en 15 ans, j’ai déclaré une agression et je me suis sûrement fait agresser 50 à 70 fois, au minimum. J’ai déjà eu des gens qui donnaient des coups dans le pare-brise parce que j’étais en retard. Je me suis fait engueuler parce que je ne dépassais pas une déneigeuse. »

Quand l’autobus fait un détour à cause d’un incendie, il arrive que « la personne se fâche, nous crie après », ajoute-t-il.

Ces incidents se multiplient même si l’achalandage est seulement à 80 % de ce qu’il était avant la pandémie.

« Ça ne reflète pas nécessairement le nombre de passagers, mais l’état de la population en général. Dans les commerces, vous voyez que le monde est un peu plus à cran qu’avant », note M. Therrien.

Ailleurs au Québec

Les chauffeurs montréalais ne sont pas les seuls visés.

La Société de transport de Trois-Rivières (STTR) a frappé un grand coup l’automne dernier avec une vidéo de rap réalisée par un duo d’humoristes, qui y rappellent des consignes élémentaires. « Pour TikTok ou pour d’la musique, y faut qu’tu mettes tes écouteurs », chantent notamment Doug & Jeff.

Voyez la vidéo produite pour la STTR

Ce clip diffusé au début de septembre n’a pas empêché trois employés d’être agressés physiquement en novembre et en décembre. Un chauffeur a été roué de coups, un autre s’est fait lancer de la monnaie au visage, et un superviseur s’est fait pousser.

« Pour la taille de Trois-Rivières, on n’avait pas affaire à ce genre de comportements avant », souligne le porte-parole de la STTR, Charles-Hugo Normand.

La STTR utilise maintenant une agence de sécurité privée pour « assurer la sécurité de [ses] chauffeurs et réduire les cas d’incivilité » et, dans la foulée, « regarder les billets pour réduire la fraude ».

Aucune autre agression physique n’a été rapportée depuis décembre.

Si on parle de violence verbale, ça ne servirait à rien de tenir un registre, dans le sens que des agressions verbales, il y en a chaque jour.

Charles-Hugo Normand, porte-parole de la STTR

« Il y a vraiment une augmentation majeure et les sociétés [de transport] les voient, les statistiques : ça explose, donc on ne peut pas faire abstraction de ça », témoigne Benjamin Reid-Soucy, conseiller en prévention à l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail, secteur affaires municipales (APSAM).

M. Reid-Soucy est responsable du groupe de liaison « chauffeurs d’autobus », une structure paritaire regroupant des représentants patronaux et syndicaux des neuf organismes de transport urbain de la province.

La situation est telle que l’APSAM a commandé une recherche à l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail (IRSST). Le mandat inclut notamment une revue de la littérature pour trouver des pistes de solution.