« L’autre jour, un homme m’a frappée. Il m’a donné un coup de pied et il est parti ! », s’exclame Nora Hammouch, pointant l’emplacement du coup sur sa cuisse.

Derrière elle, les tourniquets de la station Berri-UQAM s’activent à un rythme soutenu. De part et d’autre, des travailleurs pressent le pas.

Les chauffeurs d’autobus et les opérateurs de métro ne sont pas les seuls témoins de l’augmentation de la violence dans le réseau… ni les seules victimes.

Solliciteuse pour un organisme communautaire, Nora Hammouch récoltait des signatures dans la station lorsque l’agression est survenue, le mois dernier.

« J’étais en train de parler à un client quand un itinérant m’a frappé. J’étais choquée ! », s’exclame la jeune femme.

À côté d’elle, sa collègue opine de la tête. Elle aussi compte son lot de mauvaises expériences avec des usagers incivils, voire agressifs.

Des passants qui l’insultent parce qu’ils n’aiment pas la cause qu’elle représente. Des personnes intoxiquées qui s’agitent. « On se fait parfois crier dessus », dénonce Alice Caisse.

Ce sentiment d’insécurité, plusieurs usagers le partagent aussi.

Je me sens parfois nerveux de prendre le métro, surtout la nuit.

Max Peerless, croisé près des guichets

Son inquiétude n’est pas infondée. Il y a quelques mois, son amie s’est fait agresser à la sortie du métro. « On lui a volé son portefeuille », ajoute-t-il.

Encore récemment, le jeune homme a été témoin d’une bagarre entre des usagers. « Deux gars se battaient dans le train ! », raconte-t-il.

 « C’est dur de ne pas tomber dans la peur »

Dimanche, l’humoriste Alexandre Champagne rapportait sur les réseaux sociaux que son père avait été victime en plein jour d’une violente agression dans la station Jean-Talon.

Ce dernier attendait sur le quai lorsqu’il a été attaqué par deux hommes « visiblement intoxiqués », raconte-t-il en entrevue avec La Presse.

Ses assaillants l’ont frappé à la tête à plusieurs reprises, le blessant à un œil.

« Se faire attaquer gratuitement comme ça… », commence Alexandre Champagne. « C’est dur de ne pas tomber dans la peur, dans le cynisme. »

Sa frustration n’est pas nouvelle. Depuis des années, l’humoriste a l’impression de voir sa ville natale dépérir devant ses yeux.

« J’ai voyagé dans plein de pays et je ne me suis jamais senti en danger comme ici. Montréal est en train de devenir une vraie décharge », déplore-t-il.

En conférence de presse lundi, la mairesse de Montréal, Valérie Plante, a parlé d’une histoire qui « donne froid dans le dos ».

Tout en rappelant que la métropole « demeure une ville sécuritaire », elle s’est dite « d’accord » sur le fait que la population vulnérable a augmenté dans les dernières années, contribuant au sentiment d’insécurité dans la population.

La crise des opioïdes, c’est sérieux. Les problèmes de santé mentale, c’est vrai. Je suis d’accord avec [Alexandre Champagne].

La mairesse Valérie Plante

« On veut que les citoyens, les travailleurs, les touristes se sentent en sécurité dans le métro », a-t-elle conclu, ajoutant que la sécurité avait été bonifiée dans le réseau.

« Ce genre de choses arrive toutes les semaines »

Mais sur le terrain, l’augmentation de la surveillance tarde parfois à être observée. À la pâtisserie Cocobun, les employés s’affairent derrière le présentoir, d’où émane une odeur alléchante.

« Vous voulez que je raconte tout ce qui arrive ici ? Ça fait beaucoup de choses ! », s’exclame Mina, qui a souhaité ne pas donner son nom de famille.

Un exemple récent ? Une femme en situation d’itinérance a tenté de mettre le feu à un paquet de brownies à l’intérieur du commerce.

Quelques semaines plus tôt, un homme était entré dans le magasin avec une seringue dans les mains. « Il l’a jetée par terre. Ça a éclaté partout », raconte Mina, que plus rien n’étonne.

« Ce genre de choses arrive toutes les semaines », lâche-t-elle. Et particulièrement depuis la pandémie.

« On a déjà parlé aux policiers de la situation et on aimerait qu’ils se promènent un peu plus souvent ici. Ils disent que ce n’est pas évident avec leurs effectifs », conclut-elle.

Bon an mal an, la Société de transport de Montréal (STM) recense plus de plaintes d’incivilité dans certaines stations, dont Papineau, Beaudry, Lionel-Groulx, Berri-UQAM, Bonaventure ou encore Atwater.

Depuis peu, le transporteur tient d’ailleurs des « marches exploratoires » dans plusieurs de ces stations, afin de lutter contre l’insécurité des usagers.

Dans la dernière année, entre le 1er novembre et le 30 avril, la STM a dû raccompagner à la sortie pas moins de 7000 personnes dans le métro, à l’heure de la fermeture.

Avec Henri Ouellette-Vézina, La Presse