Un chercheur reconnu mondialement aurait fait vivre l’enfer à une femme alors qu’il venait tout juste d’être nommé professeur à l’UQAM. Étranglée à deux mains, mordue sévèrement, frappée à coups de poing : la femme a dépeint à quel point Brad Aeon était violent pendant leurs relations sexuelles, et même parfois en pleine rue.

« J’étais en mode survie. Je suis allée me cacher dans un espace dans ma tête. Ça devenait trop violent », raconte Violette* à la cour, en relatant un de ses nombreux rapports sexuels violents avec l’accusé.

Le procès de Brad Aeon s’est ouvert mardi au palais de justice de Montréal. L’homme de 35 ans est accusé d’avoir agressé sexuellement Violette à plusieurs reprises et de l’avoir blessée en la frappant en 2021 et en 2022. Une ordonnance de la cour protège l’identité de la plaignante.

Spécialiste en gestion du temps et en bien-être, Brad Aeon était professeur à l’UQAM au moment des faits. Sa carrière était en pleine ascension. Il était d’ailleurs cité par les plus grandes publications du monde. Il n’est plus à l’emploi de l’UQAM depuis sa mise en accusation en août 2022.

« Giflée extrêmement fort » dès le départ

« Quand je l’ai rencontré, il était prof à l’UQAM. J’ai fait toutes mes études à l’UQAM, c’était vraiment un espace de sécurité pour moi. Ça m’a vraiment donné confiance en lui », explique Violette à la barre.

Leur première relation sexuelle donne le ton au degré de violence allégué par la plaignante. Ce soir-là, elle est « très intoxiquée » par l’alcool. Pendant la soirée, dit-elle, Brad Aeon ne cesse de remplir son verre avec du rhum. Si ses souvenirs sont fragmentaires, elle se souvient très bien d’un incident « tellement violent ».

« Il a pris un grand élan et m’a giflée extrêmement fort. J’ai arrêté le deuxième coup avec mon bras », raconte Violette. Le lendemain, la femme a mal aux parties génitales. Elle constate avoir des bleus sur les bras.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Brad Aeon au palais de justice de Montréal

Leur seconde soirée est aussi marquée par la violence. « Out of the blue, il m’a sauté à la gorge. Il m’a étranglée à deux mains. J’ai été rapidement étourdie », raconte-t-elle en mimant le geste devant la cour. Quand Violette veut partir de l’appartement, Brad Aeon l’empêche de sortir en se plaçant devant la porte, poursuit-elle.

Des limites « claires »

Violette se disait « ouverte » au BDSM (sigle signifiant bondage, domination, soumission, sadomasochisme), mais maintient ne pas avoir consenti à de nombreux gestes violents.

« J’étais tellement fucking claire. J’étais tellement dans la négociation, le compromis, ça, je ne veux pas, ça, j’aime pas ça, ça, j’aime ça. J’essayais toujours de mettre mes limites et être claire. J’avais vraiment cette image-là que le BDSM, c’est clair, si tu mets tes limites, elles sont respectées », explique-t-elle.

Brad Aeon pouvait parfois lui mordre le bras « extrêmement fort », au point de lui laisser des ecchymoses violacées. Une fois, alors qu’il était allé chercher sa carte de nouveau professeur à l’UQAM, il a mordu la joue de Violette en pleine rue, sans l’annoncer, relate-t-elle. Par ailleurs, il lui disait parfois avoir l’intention de coucher avec des étudiantes, dit-elle.

Une fois, pendant un rapport sexuel, Brad Aeon commence à asséner des coups de poing sur les fesses de Violette. « J’avais des gros bleus et j’avais de la misère à m’asseoir. Ça faisait fucking mal », témoigne-t-elle. À une autre occasion, il l’a giflée si fort qu’elle était étourdie pendant un rapport sexuel.

« J’étais terrifiée »

Violette commence alors à se poser des questions sur Brad Aeon. « J’avais l’impression qu’il y avait une escalade. Je commençais à avoir peur qu’il soit un sadique, un vrai… et que c’était pas du jeu pour lui, le BDSM », résume-t-elle.

Quand ils sortent du visionnement du film d’horreur Candyman au cinéma, Brad Aeon lui dit qu’il aurait pu « venir » sur place en regardant une femme se faire trancher la gorge, raconte Violette. Il lui confie aussi faire des rêves où il découpe des femmes en morceaux, ajoute-t-elle.

Un épisode de violence en public a été particulièrement marquant pour Violette. Ce soir-là, la femme prend un verre avec une amie. Brad Aeon s’invite au bar. Quand Violette refuse de partir avec lui, ce dernier explose : il mord le bras de la femme « extrêmement fort ». « J’ai crié », lâche-t-elle.

En pleine rue Saint-Denis, Brad Aeon feint de l’attaquer avec son casque de vélo, poursuit-elle. « Il a fait semblant de me donner des coups de poing à la tête. J’ai eu peur de lui. J’ai figé de la tête aux pieds », dit-elle.

« J’étais terrifiée. C’était une attaque complètement gratuite », poursuit Violette.

La morsure lui a laissé une ecchymose pendant des semaines.

Son témoignage se poursuit mercredi devant la juge Marie Kettlyne Ruben.

MLauren Dahan représente la Couronne, alors que MAdam Ginzburg défend l’accusé.

* Nom fictif pour protéger son identité