La démarche de réflexion sur l’avenir de la forêt, lancée il y a quelques mois par la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, vient de se conclure. Douze rencontres régionales, une rencontre nationale et une consultation publique en ligne ont été réalisées.

Certains constats intéressants semblent émerger de cet exercice, notamment que le statu quo n’est plus une option, mais les solutions mises de l’avant se concentrent vers une vision bien particulière où la forêt sert surtout à alimenter les usines de 2x4.

En matière d’aménagement forestier, il faut que la priorité du gouvernement soit d’assurer la pérennité de la forêt, et non seulement la pérennité des volumes de bois pour les compagnies forestières.

La forêt, c’est bien plus que du bois qui n’attend qu’à être coupé. C’est le lieu central de la culture de plusieurs nations autochtones, un territoire de ressourcement bénéfique pour notre santé physique et mentale, des paysages qui nous émerveillent et nous apaisent, et l’habitat d’une multitude d’espèces, dont le caribou forestier.

Ce sont des écosystèmes qui filtrent l’air et l’eau, qui régulent la température et qui captent et stockent le carbone pour atténuer la crise climatique. La forêt est aussi le cœur du récréotourisme, de la villégiature et des activités fauniques au Québec, et l’économie de nombreux villages et villes dépend d’une forêt en santé.

Pourtant, les thèmes abordés lors de la démarche de réflexion portaient surtout sur l’approvisionnement en bois et très peu sur tous les autres bénéfices et services que nous rendent les forêts. De plus, plusieurs des solutions soumises à la discussion par le ministère nous feraient reculer de 20 ans en matière d’aménagement forestier. La crise climatique ne doit pas être un prétexte pour se tourner vers une vision agricole de la forêt, dont la principale vocation serait de produire du bois.

La démarche de réflexion n’a pas non plus offert à la science la place prédominante qu’elle aurait dû avoir. Aucune synthèse scientifique des connaissances en écologie forestière n’a été fournie par le Ministère. Comment garantir alors que les discussions demeurent basées sur la science et qu’elles ne tournent pas en confrontations d’idées préconçues ?

Le débat sur le rôle des forêts dans la lutte aux changements climatiques en est le meilleur exemple. Alors que le discours dominant du lobby forestier est qu’il faut couper plus d’arbres pour sauver le climat, la science apporte des nuances importantes. S’il est vrai que la coupe d’arbres peut augmenter la séquestration du carbone dans certains contextes, elle peut aussi être une source importante de gaz à effet de serre. Le rôle de la conservation des forêts en tant que réservoir de carbone aurait aussi dû faire partie de la discussion.

Le secteur forestier va connaître dans un futur proche une période de grands changements. Nous assistons en ce moment à un appauvrissement des forêts qui, couplé à une augmentation de la fréquence et de l’intensité des incendies de forêt, aura des répercussions majeures.

Les arbres rentables pour l’industrie vont finir par manquer dans plusieurs régions et des fermetures d’usines sont à craindre, même s’il n’y avait pas de nouvelles mesures de protection du caribou forestier ni de création de nouvelles aires protégées.

Afin de protéger les travailleurs, les travailleuses et les communautés des impacts à moyen et long terme, le gouvernement doit travailler sur un plan de transition juste du secteur forestier. Par la modernisation de l’industrie du bois et la diversification économique des communautés forestières, il serait possible d’éviter que des villages ferment parce qu’une usine ferme. Il est primordial de veiller à la vitalité des régions et de créer des emplois durables et de qualité. Ce plan de transition juste doit être pensé et cocréé avec les syndicats, les travailleurs et travailleuses, les acteurs régionaux et les entreprises.

Malgré plusieurs lacunes, la démarche de réflexion est un bon premier pas. Ce dont le Québec a maintenant besoin, c’est d’un véritable processus de concertation avec le milieu pour améliorer la façon dont on traite l’écosystème forestier et les communautés qui en dépendent. Alors que nous risquons de connaître une saison catastrophique des incendies de forêt encore cet été, assurer l’avenir de la forêt devrait être une priorité.

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