On a appris récemment que la multinationale Glencore n’était pas certaine de vouloir investir les 750 millions requis pour réduire les émissions d’arsenic de la fonderie Horne à 15 ng/m⁠3 d’ici 2027, ce qui serait – rappelons-le – encore cinq fois plus élevé que la norme québécoise de 3 ng/m⁠3.

L’entreprise, dont les profits annuels sont de plus de 5 milliards en moyenne, dit envisager la fermeture de la fonderie. Cette menace ravive la crainte des conséquences socio-économiques qui découleraient d’une fermeture. Mais à quel point la ville de Rouyn-Noranda dépend-elle de la fonderie ? En surestimant son importance dans l’économie locale, on se sent « pris avec » : appelons ça le syndrome de Stuck-Horne.

Fermer ou ne pas fermer…

La question de la fermeture potentielle de la fonderie divise la population. D’un côté, on soutient que la santé n’est pas négociable et que l’usine doit fermer si elle ne peut respecter les normes. De l’autre, on prétend que la fonderie est essentielle à la vitalité économique de la ville et qu’il faut donc accepter sans se plaindre les conséquences de ses opérations.

La fermeture et le statu quo sont aux deux extrémités d’un spectre de situations possibles. Aucune n’est souhaitable et l’option acceptable est connue : Glencore doit agir en bonne entreprise citoyenne et se conformer aux normes.

Mais puisque l’entreprise préfère agiter la menace d’une fermeture, voyons quelles en seraient les conséquences.

À quelque chose malheur est-il bon ?

Glencore déclare employer 600 personnes à la Horne, soit moins de 3 % des emplois de la ville. Or, environ 3700 postes sont à pourvoir à Rouyn-Noranda chaque année, selon Emploi Québec. Advenant la fermeture de la fonderie, la majorité de sa main-d’œuvre se replacerait donc rapidement. Pour les autres, l’État pourrait suivre la recommandation de l’OCDE et soutenir financièrement leur requalification.

Et les 1850 emplois indirects que la fonderie dit générer ? C’est une grossière exagération qu’il faut dénoncer. Selon un modèle économique rigoureux développé par l’Institut de la statistique du Québec, il s’agirait plutôt de 350 à 550 emplois indirects. Comme nombre de ces emplois sont dans des entreprises qui refusent des contrats ou qui peinent à les honorer faute de main-d’œuvre, il serait surprenant que la fermeture de la fonderie les affecte réellement.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Des études économétriques réalisées aux États-Unis, en Europe et en Australie montrent que les effets sur l’emploi d’une fermeture de masse varient selon le contexte socio-économique : parfois c’est négatif, souvent, c’est sans effet, et parfois, même, c’est positif, quand l’économie se porte bien comme à Rouyn-Noranda.

Vitalité économique

Rouyn-Noranda a été pendant longtemps une «  ville fermée », une company town dont l’économie dépendait largement d’une seule entreprise. Mais ce statut n’aura été que transitoire.

L’économie s’est diversifiée et Rouyn-Noranda fait maintenant partie des 25 % des municipalités au Québec dont l’indice de vitalité économique est le plus élevé, selon l’Institut de la statistique du Québec.

Alors, faut-il fermer la fonderie ? Là n’est pas la question. Chose certaine, Rouyn-Noranda et Québec doivent se tenir debout devant une entreprise qui semble se préoccuper davantage de verser des profits à ses actionnaires que du bien-être de la collectivité.

Les mines et la métallurgie sont au cœur de l’identité régionale et le resteront. La main-d’œuvre en Abitibi-Témiscamingue est parmi les meilleures au monde dans ces secteurs. Il est déplorable que Glencore s’entête à opérer comme au XXe siècle. On peut faire mieux.

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