Alors qu’on souligne les deux ans de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine le 24 février prochain, les plaies de la guerre ne cicatrisent pas depuis 2014. Dix ans d’occupation, cinq régions annexées illégalement, des centaines de milliers de tués et des millions de déplacés : la guerre génocidaire⁠1 menée par la Russie continue à détruire les vies des Ukrainiens au quotidien.

Une guerre conduite au nom d’un impérialisme et d’un révisionnisme historique fondamentalement dangereux pour l’avenir de nos démocraties, mais que nous pouvons arrêter. Aidons l’Ukraine à vaincre.

Un aveuglement à prix élevé

Il y a exactement 10 ans, entre le 18 et 23 février 2014, les forces de l’ordre de Viktor Ianoukovitch tuaient des manifestants sur la place de l’Indépendance à Kyiv. Au même moment, les forces russes faisaient leur première apparition en Crimée. « Ne demandez pas à l’Ukraine quand la guerre prendra fin. Demandez-vous plutôt pourquoi Poutine est encore en mesure de la poursuivre », a affirmé Volodymyr Zelensky à la Conférence sur la sécurité de Munich le 17 février dernier. Il est en mesure de la poursuivre car nous avons collectivement échoué en 2014 et risquons l’échec en 2024 si rien ne change.

Alors que la Russie annexait la Crimée, transgressant les fondements mêmes du droit international, nous avons fermé les yeux et nous sommes contentés de « condamnations » et de maigres sanctions. Alors que la Russie envahissait l’Est de l’Ukraine et y abattait un avion civil de Malaysia Airlines sous prétexte de prévenir un « génocide des populations russophones », nous l’avons laissé faire en encourageant des « négociations ».

Les ambitions impériales de la Russie ne datent pas du 24 février 2022. Elle conduit des assassinats politiques sur son sol et à l’étranger depuis le début du siècle et terrorise ses voisins depuis tout aussi longtemps.

Déjà en 2014, alors que les Ukrainiens sortaient par millions dans les rues pour défendre leur liberté, la Russie évoquait un « coup d’État nazi » qui aura servi à justifier les invasions subséquentes.

Entre les centaines de milliers de crimes de guerre et les appels à l’extermination, le caractère génocidaire de la guerre menée par la Russie en Ukraine est indéniable. Face à cela, nous n’avons pas d’autre choix que de redoubler d’efforts. La Russie n’a pas réussi à effacer la nation ukrainienne, et ne réussira pas si, cette fois-ci, on ne la laisse pas faire.

Nous devons en faire davantage

En mars 2022, lors d’une conférence à Paris, j’ai posé une question à Charles Michel, président du Conseil européen. En tant qu’Ukrainienne, il m’est apparu comme crucial de lui demander face à face de soutenir mon pays. Il m’a répondu que les alliés de l’Ukraine n’ont en fait pas d’autre choix que d’en faire davantage mais a veillé à rappeler que la troisième guerre mondiale n’était pas un risque à négliger. M. Michel a donc proposé deux solutions pour vaincre la Russie : l’appui à la résistance ukrainienne et les sanctions internationales. Aujourd’hui, deux ans plus tard, quel bilan ?

Le récent retrait des troupes ukrainiennes de la ville d’Avdiïvka signifie que la Russie se rapproche du citoyen européen et nord-américain de quelques kilomètres, conséquence d’un déficit d’armements créé artificiellement.

À Munich, le Danemark vient tout juste d’annoncer qu’il transférait tout son stock d’artillerie à l’Ukraine. Et nous pourrions en faire tout autant. Malgré des discours grandiloquents, affirmant qu’Ottawa soutiendra l’Ukraine « aussi longtemps qu’il faudra », le Canada n’a en fait aidé l’Ukraine qu’à hauteur de 0,32 % de son PIB, ce qui le place 31e sur 39 pays alliés. Pour offrir un contraste, les chiffres de l’Estonie et de la Lituanie atteignent les 1,5 % du PIB.

Pourtant, on produit des obus de 155 mm en sol canadien, si nécessaires pour les Forces armées ukrainiennes. Les compagnies industrielles militaires sont prêtes à en fournir davantage, alors pourquoi stagne-t-on ? Nous avons été trop parcimonieux. Investir dans la défense aidera tout autant les Ukrainiens que les Canadiens : il s’agit de protéger nos alliés tout en stimulant l’emploi et l’innovation. On ne manque pas de capacités. On manque de volonté politique et de sentiment d’urgence pour soutenir l’Ukraine.

L’Ukraine saigne et on la laisse se vider de son sang, alors que nous avons les garrots. Il faut réduire les délais de réaction. Débloquons des fonds. Investissons dans notre industrie de défense, stimulons l’emploi au Canada. Livrons des munitions et des missiles à longue portée de manière constante et régulière. Décroisons les bras. Pavons le chemin de la liberté aux Ukrainiens qui donnent corps et âmes pour ne pas la perdre, car pour eux, c’est la liberté ou la mort.

1. Lisez « Ukraine : entre génocide et natiocide » Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue