En tant que chef d’entreprise ayant travaillé auprès de centaines d’OBNL, de fondations et d’associations, je vais oser m’adresser à vous aujourd’hui au nom de tout un secteur pour témoigner des difficultés qu’éprouvent ces organisations.

Des difficultés de tout genre, parmi lesquelles arrivent en tête de liste, vous vous en doutez, des préoccupations relatives aux finances et à la main-d’œuvre : financement difficile à obtenir, budget déficitaire, rareté de la main-d’œuvre et épuisement du personnel. Des difficultés que relatait Dan Clément, PDG de Centraide Canada, au printemps 2022.

Qu’en est-il, deux ans plus tard ? C’est toujours aussi difficile de faire rouler un OBNL, faute de moyens et d’attention. Il incombe toujours plus aux dirigeants et dirigeantes des organisations du secteur communautaire de trouver des solutions et de composer avec un stress exponentiel malsain.

Évidemment, travailler (trop) fort pour gérer les problèmes est le lot des leaders de toute organisation, du secteur communautaire comme d’ailleurs.

Environ 45 % des propriétaires d’entreprise au Canada disent éprouver des problèmes de santé mentale, en hausse comparativement aux taux de 38 % et de 32 % en 2022 et en 2021.

Cependant, la conjoncture économique frappe plus durement le secteur communautaire en entraînant une chaîne d’effets néfastes : les besoins des bénéficiaires augmentent plus vite que le financement, les salaires peinent à se faire concurrentiels, il devient donc difficile de recruter et de retenir le personnel, les ressources restantes et l’équipe de gestion pallient et s’épuisent… Est-ce normal que, selon l’Enquête de rémunération multisectorielle des gestionnaires d’OBNL du Québec de 2023, 83 % des directeurs et directrices d’OBNL fassent des heures supplémentaires ?

Et le comble : on leur tape sur les doigts sous prétexte qu’ils et elles devraient, individuellement, faire plus attention à leur santé mentale !

Prises de parole

À l’occasion de la Semaine de la santé mentale, qui se poursuit jusqu’au 12 mai, plusieurs personnalités publiques utiliseront humblement leur tribune pour se livrer au sujet de leurs défis personnels ou expériences vécues relativement à la santé mentale. Moi-même, j’ai beaucoup à vous raconter quant à mon propre combat, que j’ai décidé de livrer dans un témoignage disponible sur le site de l’Association québécoise de prévention du suicide1.

Toutes ces prises de parole, essentielles pour contribuer à sensibiliser la population à un enjeu d’envergure, sont individuelles, mais pas anecdotiques pour autant.

Leur prolifération lève le voile sur une réalité : les troubles de santé mentale sont répandus et méritent l’attention non pas de tout un chacun dans son coin, mais de nos systèmes et de la société en tant que tout.

Il en va notamment de l’avenir du secteur communautaire. Ses leaders portent les OBNL et organismes de bienfaisance à bout de bras, mais on ne peut pas garder les bras en l’air éternellement. Quand verrons-nous et soutiendrons-nous ces mains levées qui demandent de l’aide ?

Une partie de la réponse se trouve, je crois, dans la valeur que nous pouvons et devons – nous tous et toutes, collectivement, qu’il s’agisse des gouvernements, des individus ou des organisations en mesure d’aider – accorder à la philanthropie : il faut en parler, l’enseigner et l’appliquer, à petite et à grande échelle, pour l’inscrire dans l’ADN de notre société québécoise.

1. Regardez le témoignage de Pascal Lépine Qu’en pensez-vous ? Participez au dialogue