La négociation dans le secteur public se tient dans un contexte d’une rare gravité. Nos services publics frôlent le point de rupture. Une priorité s’impose : retenir et attirer le personnel pour offrir des services essentiels à la population. Voilà qui explique l’exceptionnelle mobilisation des syndiqués et l’appui hors du commun de la population, qui juge sévèrement l’état de délabrement de nos réseaux publics.

Une entente négociée est la clé pour remettre nos services sur les rails. Elle passe par des salaires compétitifs, une charge de travail soutenable et des conditions d’exercice acceptables.

La négociation doit se faire loin des micros. Toutefois, certaines données publiques concernant les salaires et les conditions de travail négociées au Québec sont incontournables. Elles s’inviteront nécessairement dans les assemblées générales qui ont le dernier mot sur tout règlement.

À propos des salaires

Une étude du ministère du Travail indique que les salariés ont touché une augmentation moyenne de 9 % dès la première année des contrats signés en 2022. Ce pourcentage démontre que l’inflation de l’année précédente est prise en compte et même dépassée.

L’Institut de la statistique du Québec vient de publier une étude qui compare les salaires et la rémunération globale versés dans le secteur public, par rapport à ce qui est payé ailleurs au Québec. En prenant en compte les salaires et les autres avantages, l’écart est de - 17,2 % avec les employés du fédéral, de - 36 % avec ceux des municipalités et de - 7,4 % avec la moyenne des salariés québécois. Seul le privé non syndiqué arrive à parité avec le secteur public.

Le Front commun parle de rattrapage par rapport à la moyenne des salariés québécois. Pour le gouvernement, l’écart observé avec les employés fédéraux et municipaux ne devrait pas être pris en compte. Ces emplois existent pourtant bel et bien. Ils se comptent par milliers et sont les concurrents directs lorsqu’il s’agit de choisir un emploi.

Les comparaisons avec le reste du Canada mettent en lumière des écarts plus substantiels encore. Ces derniers ont néanmoins servi de base pour revaloriser les salaires des médecins, des juges, des députés, des policiers payés par des deniers publics. Difficile ici de croire que la forte proportion de femmes qui travaillent dans le secteur public n’a rien à voir dans ce débat : 12,7 % contre les 21 % offerts puis rejetés par les policiers de la Sûreté du Québec !

En matière de rattrapage, les parties disposent de plusieurs solutions pour trouver un terrain d’entente. Hauteur des correctifs recherchés, durée de la convention collective, formule pour y arriver font partie de la boîte à outils, comme en témoignent d’ailleurs certaines dispositions des conventions antérieures.

La question de l’organisation du travail

Cette question dont on parle moins est aussi centrale qu’inquiétante. Les deux parties n’envisagent pas de règlement possible sans qu’un sérieux coup de barre n’intervienne à cet effet. Pourtant, les solutions proposées par chacune des parties n’ont jamais été aussi éloignées et antagonistes.

Les projets de loi 23 et 15 qui viennent d’être adoptés à toute vapeur contaminent cette négociation. La restructuration autour d’un employeur unique comme Santé Québec soulève des questions majeures. Où les salariés seront-ils appelés à travailler ? Seront-ils amenés à des déplacements tous azimuts au mépris de la constitution d’équipes de travail stables, expérimentées, soucieuses de l’expertise de chacun et des liens d’appartenance si essentiels pour fidéliser les salariés et les amener à relever des défis importants ? Jusqu’où ces nouvelles conditions sont-elles conciliables avec de la prévisibilité, pour entre autres concilier famille et travail ? En éducation, c’est la composition de la classe, l’autonomie professionnelle et la précarité qui sont au cœur des enjeux de rétention et d’attraction.

Le gouvernement sent la pression populaire pour redresser les réseaux. Malheureusement, son niveau d’inquiétude à l’égard du succès des réformes qu’il vient d’adopter l’amène à privilégier une vision à court terme et des solutions de pompier qui entrent en contradiction avec des approches plus structurantes. Parer au plus urgent ne doit pas conduire à échapper l’essentiel.

Pire encore, les propos tenus par MM. Legault et Dubé qui réclament, au nom de la flexibilité, des pouvoirs absolus pour les « top guns » qu’ils veulent recruter pour diriger Santé Québec, entrent en contradiction avec l’économie générale de nos lois. Une entente entre un patron et un salarié doit être ratifiée par le syndicat, qui est le seul agent négociateur reconnu dans nos lois depuis 1944. Cela a mis fin aux durs conflits de reconnaissance syndicale. C’est une question de justice et d’équité. C’est nécessaire pour ne pas fragiliser les équipes de travail qu’on peine à rebâtir.

Cette dérive autoritaire doit être combattue. Vivement un retour aux tables de négociation. Ce sera plus productif et ça nous évitera de spéculer sur la souplesse et l’expertise des « top guns » loin du terrain par rapport à celles des infirmières et des enseignantes !

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