Le gouvernement du Québec a annoncé son plan d’augmenter les droits de scolarité des étudiants non québécois dans les universités. Les contrecoups seront beaucoup plus graves pour les établissements anglophones, soit McGill, Concordia et Bishop’s.

Les fonds ainsi générés seraient transférés aux universités francophones. Si l’on fait abstraction de la politique linguistique, cette proposition soulève de sérieuses préoccupations économiques. L’augmentation des droits de scolarité dans les universités à des niveaux nettement supérieurs à ceux de leurs concurrentes aura des conséquences négatives imprévues, entraînant une baisse de la qualité de l’éducation et des recettes totales.

Les droits de scolarité pour les étudiants d’ailleurs au Canada passeront de 8992 $ à 17 000 $. À titre de comparaison, les droits de scolarité pour la plupart des étudiants de premier cycle sont 6118 $ à l’Université de York, 6392 $ à l’Université d’Ottawa, 6517 $ à l’Université de l’Alberta et 7625 $ à l’Université de la Colombie-Britannique. Certes, ils sont plus élevés pour certains programmes (droit, pharmacie et médecine, notamment), mais ces droits majorés ne concernent qu’une faible portion des étudiants. Les représentants du gouvernement disent comprendre que le nombre d’inscriptions diminuera. Néanmoins, ils prévoient disposer d’un excédent de financement qui pourra être transféré aux universités francophones, qui accueillent une plus grande proportion d’étudiants québécois.

Le problème est qu’il n’y aura pas d’excédent. La courbe de Laffer, un concept en économie permettant de représenter la relation entre les taux d’imposition et les revenus, montre que des paiements plus élevés ne conduisent pas toujours à une augmentation des recettes, même à supposer qu’il n’y ait pas de choix comparable. Dans ce contexte, la courbe illustre le rapport entre les droits de scolarité et le taux d’inscription : des droits de scolarité plus élevés peuvent diminuer les recettes totales d’une université.

Lorsqu’une université augmente ses droits de scolarité bien au-delà de ceux de ses concurrentes, elle part du principe que la hausse des recettes par étudiant compensera une éventuelle diminution des inscriptions. Cette hypothèse ne tient pas compte de l’effet des augmentations sur les étudiants potentiels et leurs familles. Des droits de scolarité plus élevés dissuadent les candidatures et les inscriptions des étudiants potentiels, en particulier ceux qui rencontrent des difficultés financières. Par conséquent, le nombre total d’étudiants qui choisissent un établissement donné diminue. Au-delà d’un point de basculement, cela conduit à une baisse des recettes totales issues des droits de scolarité.

Les problèmes ne se limitent pas à la courbe de Laffer. Des droits de scolarité élevés peuvent endommager la valeur perçue de ces universités et leur réputation. Accablées par un sous-financement structurel, les universités québécoises sont déjà en peine d’offrir à leurs étudiants des services comparables à ceux dont ils bénéficieraient dans le reste du Canada. Si le coût de l’éducation n’est plus à la hauteur des avantages perçus par les étudiants et leurs parents, les établissements auront du mal à justifier l’augmentation. Par conséquent, la valeur perçue de l’enseignement offert par l’université au Québec pourrait diminuer.

De plus, la diminution des effectifs due aux droits de scolarité menace la diversité du corps étudiant – qui est actuellement un atout des universités québécoises en question – entraînant ainsi une diminution de la qualité de l’éducation. La réduction du nombre d’étudiants limite la capacité des établissements à encourager le dynamisme de leur communauté universitaire, ce qui a un impact sur la qualité et la diversité des points de vue exprimés en classe ainsi que sur les activités extrascolaires. Des effectifs étudiants réduits se traduisent également par une diminution du choix des cours proposés, ce qui porte préjudice à l’expérience universitaire.

Ces constats ne signifient pas que les droits de scolarité au Québec ne devraient jamais changer. Pour éviter les conséquences négatives, le gouvernement doit trouver un équilibre entre les recettes par étudiant et l’accessibilité par l’entremise d’une approche stratégique.

La courbe de Laffer met en évidence les écueils de la proposition du Québec sur les droits de scolarité. Il est essentiel de comprendre les limites de l’augmentation des droits de scolarité comme outil pour stabiliser ou accroître les recettes. Québec pourrait ainsi concevoir des stratégies de tarification permettant d’assurer la viabilité de ses universités tout en maintenant l’accessibilité et la qualité de l’éducation pour nos étudiants. La politique annoncée échoue sur les deux plans.

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