Combien le collège privé Sainte-Anne, situé à Lachine, a-t-il facturé en trop aux parents ? Est-ce 47 $ ou 1097 $ ? Au ministère de l’Éducation, la réponse varie au fil du temps.

La Presse a rapporté l’hiver dernier que sept écoles privées subventionnées ont dépassé en 2021-2022 les sommes maximales qu’elles peuvent exiger pour leurs services éducatifs. Ces sommes sont fixées par Québec chaque année.

Au collège Sainte-Anne, de Lachine, les droits de scolarité « dépassent largement les montants autorisés », lisait-on dans le rapport de la Commission consultative de l’enseignement privé.

Lisez l’article « Rapport du ministère de l’Éducation : des écoles privées ont facturé davantage que permis »

Le ministère de l’Éducation nous avait alors précisé que la somme excédentaire était de 47 $.

Or, des courriels échangés entre le collège Sainte-Anne et le ministère de l’Éducation au sujet de ce dépassement font état d’une différence de 1097 $.

C’est la députée de Québec solidaire Ruba Ghazal qui a obtenu ces courriels en vertu d’une demande d’accès à l’information.

Un maximum de 4803 $ au total

Le jour de la publication de l’article, le directeur du collège Sainte-Anne, Ugo Cavenaghi, écrit à Claudia Angers, de la Direction de l’enseignement privé du Ministère.

« J’imagine que vous avez lu le bel article sur le collège ce matin dans La Presse ! Les journalistes sont plus intéressés par ce genre de polémiques que tout ce qu’on a à proposer comme innovation pédagogique dans le monde de l’éducation », écrit Ugo Cavenaghi le 17 février dernier.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Le PDG du collège Sainte-Anne, Ugo Cavenaghi

« Cela dit, j’aimerais comprendre comment la journaliste a déterminé qu’on dépasse la limite de 47 $ », poursuit-il. « J’imagine que ce montant, que nous n’avons jamais eu, vient d’un calcul de votre ministère. Serait-il possible de m’éclairer sur ce point ? »

Trois jours plus tard, l’employée du Ministère lui explique qu’en vertu de la Loi sur l’enseignement privé, l’école peut facturer « 4803 $ au total, pour les frais d’inscription, les frais pour les services éducatifs et les frais pour les services de même nature pour 2021-2022 ».

« Or, le contrat de services éducatifs de cette année-là montrait bien que ce maximum était dépassé. Ainsi, ces frais représentaient un total de 5900 $ », poursuit-elle.

« Cela avait aussi été soulevé dans le rapport de 2020 et l’établissement n’avait pas procédé aux modifications nécessaires [bien] qu’il se soit engagé à le faire », lit-on également.

« Des frais accessoires »

Comment expliquer un tel écart entre les chiffres fournis à La Presse en février dernier et ceux dont fait état le courriel envoyé au directeur de l’école ? Au collège Sainte-Anne, on se dit « surpris ».

Le calcul que vous faites n’est pas juste. Les maxima à respecter sont uniquement en lien avec le montant demandé pour les services éducatifs [ce qui inclut les frais d’admission, d’inscription et de même nature]. Les autres frais sont à part.

Nancy Gendron, directrice de marque et communications du collège Sainte-Anne

Le ministère de l’Éducation explique qu’une « analyse du contrat de services éducatifs a été effectuée, et il a été constaté que certains montants, inclus dans les services éducatifs, étaient en fait des frais accessoires ».

« Le montant chargé en trop pour les services éducatifs n’était plus de 1100 $, mais de 47 $ », nous dit-on.

Il n’y a pas de « limite légale » aux frais accessoires. « Les frais accessoires impliquent en effet une relation contractuelle entre une entreprise privée et son client. Ainsi, la loi permet au MEQ d’intervenir sur les frais de scolarité, mais non sur les frais accessoires », nous avait écrit le Ministère en février dernier.

Un non-respect de la loi, selon Ruba Ghazal

Dans le cas du collège Sainte-Anne, on joue sur les mots, dit Ruba Ghazal.

« [Le Ministère] se limite à dire que les seuls frais éducatifs ne dépassent que de 47 $ le maximum permis dans cette catégorie. Mais quand on lit la réponse à la [demande d’accès à l’information], on voit bien que le maximum permis inclut d’autres frais que les frais éducatifs », dit Mme Ghazal.

Dans ce même courriel, Québec écrit que « l’établissement a été mis au fait, une fois de plus lors du renouvellement de l’an dernier, que le contrat ne respectait pas les maxima ».

« À cet effet, il m’a été demandé qu’elles seraient les conséquences si vous ne vous pliiez pas à ceux-ci. À ce moment, le Collège Sainte-Anne ne s’est pas engagé à modifier le document », poursuit-on.

Ces écoles sont subventionnées et les frais sont plafonnés, rappelle Ruba Ghazal, qui trouve « scandaleux » que la Loi sur l’enseignement privé (LEP) ne soit pas respectée.

PHOTO JOSIE DESMARAIS, ARCHIVES LA PRESSE

La porte-parole de Québec solidaire en matière d’éducation, Ruba Ghazal

Ce qui me choque le plus, c’est que la Commission consultative de l’enseignement privé leur donne le permis même s’ils facturent des frais illégaux. C’est illégal de faire ça.

Ruba Ghazal, porte-parole de Québec solidaire en matière d’éducation

Pourquoi le permis du collège a-t-il été renouvelé ? Le Ministère répond qu’il « renouvelle le permis d’un établissement qui a démontré la disponibilité de ressources humaines, matérielles et financières requises et adéquates, de même que la qualité de son organisation pédagogique ».

« Dans l’ensemble, le dossier déposé par le Collège Sainte-Anne répondait aux exigences ministérielles », écrit son porte-parole Bryan Saint-Louis.

Une école qui ne respecte pas la Loi sur l’enseignement privé peut « recevoir un avis demandant de se conformer, voir la durée de validité de son permis diminuée, voir son agrément retiré, recevoir des amendes selon les sanctions prévues aux articles 128 à 137 de la LEP ou voir son permis révoqué ou non renouvelé », précise-t-il.