L’actuel débat sur la majoration des droits de scolarité des étudiants des autres provinces canadiennes occulte un enjeu majeur : notre réseau universitaire manque de moyens pour accomplir ses missions, écrivent les auteurs de cette lettre, à la tête d’établissements francophones importants du Québec.

Beaucoup de choses ont été dites sur les droits de scolarité imposés aux étudiants du reste du Canada et de l’étranger depuis l’annonce des nouvelles mesures que le gouvernement du Québec entend mettre en place pour l’automne 2024. Pour sortir du portrait trop simpliste qui en a été fait, il importe maintenant de remettre des éléments clés en perspective.

Pour ce faire, il faut aborder trois sujets : les mesures annoncées et leurs retombées probables, ce qu’on a dit sur ces mesures au moment de les annoncer, et ce qui a été évacué du débat.

Le modèle de financement des universités est une mécanique complexe, mais on peut résumer simplement les changements proposés.

D’une part, le gouvernement cesse de financer les étudiants issus des autres provinces qui viennent étudier chez nous au premier cycle et à la maîtrise professionnelle, et leur refile la totalité de la facture. Leurs droits de scolarité vont doubler, passant de près de 9000 $ à 17 000 $. Plusieurs choisiront d’étudier ailleurs au Canada, pour beaucoup moins cher.

D’autre part, le gouvernement fixe un prix plancher pour les étudiants étrangers et redistribue les sommes ainsi perçues dans tout le réseau selon une formule qui est toujours inconnue. Ni l’une ni l’autre de ces mesures n’a fait l’objet de consultations préalables auprès des universités québécoises.

Nous croyons qu’il est raisonnable de tenter d’équilibrer les gains découlant de l’attractivité des universités québécoises et de la plus grande capacité de certaines d’entre elles de tirer parti de cette attractivité. Tout est dans la manière. N’importe quelle mesure qui mettrait en péril l’existence même d’une université, ou l’affaiblirait au point de la dénaturer, doit être exclue de la discussion.

Par ailleurs, certains commentaires malencontreux ont teinté l’annonce de ces mesures. Les étudiants issus de l’extérieur du Québec ont été présentés tour à tour comme des variables budgétaires, des menaces à l’essor du français, des pique-assiette ou des vaches à lait.

Il faut plutôt les voir comme des acteurs qui contribuent, comme les étudiants et étudiantes du Québec, à l’excellence, à la qualité, à la diversité et à la pertinence de nos établissements. Les universités partout dans le monde reconnaissent l’apport exceptionnel des personnes venues de l’extérieur de leurs frontières. Il faut attirer chez nous ces talents, contribuer à leur francisation, les intégrer et les retenir au Québec et à défaut, les exposer suffisamment à notre culture pour qu’ils fassent rayonner notre société distincte partout dans le monde. Nos universités veulent continuer de jouer ce rôle et ne peuvent y parvenir qu’en se présentant comme des espaces ouverts et accueillants.

Il faut parler enfin de ce qui a été occulté dans le débat des derniers jours. D’abord, toutes les universités au Québec sont des universités publiques qui ont le mandat de contribuer à l’essor du Québec en favorisant l’accès aux études supérieures, au savoir et à l’expertise pour le plus grand nombre. Ensuite, nous avons toutes la volonté de faire avancer la connaissance, et de mobiliser nos meilleures idées pour répondre aux grands enjeux contemporains, avec les meilleurs chercheurs et chercheuses partout dans le monde. En ce sens, toutes nos universités sont des universités de classe mondiale. Aucune ne souhaite s’inscrire uniquement dans l’espace local.

Pour réaliser ces deux missions, les universités ont besoin de l’appui de la population du Québec. La société québécoise a fait le choix de maintenir à un niveau très bas les droits de scolarité facturés aux étudiants et aux étudiantes du Québec. Par rapport aux universités du reste du Canada, le manque à gagner se chiffre aujourd’hui à plus de 1 milliard de dollars par année, que le gouvernement du Québec n’est pas encore parvenu à combler. Voilà ce qui n’a pas été dit : les nouvelles mesures n’ajoutent pas de financement à l’enveloppe attribuée au réseau universitaire québécois. Elles ne font que redistribuer les ressources actuelles, avec des retombées peut-être marginales.

Les vrais enjeux, celui de la place que doivent occuper nos universités, francophones comme anglophones, dans l’essor du Québec et son positionnement dans le grand concert des nations ; et celui des ressources que nous voulons consacrer à ce grand projet – ces enjeux-là demeurent entiers.

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