Le premier ministre Justin Trudeau doit témoigner ce mercredi devant la Commission sur l’ingérence étrangère dans le processus démocratique, présidée par la juge Marie-Josée Hogue. Une commission qu’il aura tout fait pour esquiver.

Ce qui est un peu surprenant puisqu’il savait depuis au moins 2023 qu’il y avait eu ingérence étrangère dans les élections canadiennes, a-t-on appris à la commission Hogue.

Cette indifférence s’explique en partie par la preuve entendue par la Commission au cours des derniers jours : s’il y a eu ingérence au cours des dernières élections, ce fut surtout par la Chine et contre des candidats du Parti conservateur du Canada.

Il faut être prudent, parce qu’à ce moment-ci, toutes les preuves n’ont pas été déposées et très peu de témoins ont été entendus. Mais ce qui est déjà sur la table est troublant.

Ainsi, on a appris que lors des campagnes électorales de 2019 et de 2021, la Chine est intervenue pour faire battre des candidats qu’elle estimait être hostiles à ses intérêts et a aidé au moins un candidat libéral.

On parle ici de campagnes de désinformation à propos du chef conservateur lors des dernières élections, Erin O’Toole, et de candidats conservateurs comme Michael Chong, qui a été ministre et candidat à la direction du Parti conservateur en 2017.

De plus, le député Han Dong – aujourd’hui indépendant, mais alors candidat libéral – avait reçu l’appui d’étudiants chinois au Canada qui étaient venus voter en grand nombre à son assemblée d’investiture à l’instigation du consulat de Chine à Toronto, selon ce qui a été soumis à la commission Hogue.

On remarquera une chose : l’ingérence étrangère passe par ce qui est le point faible de nos institutions démocratiques : les instances locales des partis politiques, au niveau de la circonscription et des investitures de candidats.

L’ingérence étrangère ne se passe pas du tout comme dans les romans d’espionnage : on ne cherche pas le jeune politicien ambitieux pour en faire une taupe qui sera en mesure d’influencer les décisions plus tard.

Ce que certains essaient clairement de faire, c’est d’obtenir un ou plusieurs députés qui pourront tenter d’influencer leurs collègues du caucus et, éventuellement, le gouvernement.

C’est d’autant plus facile que les partis politiques ont tendance, au nom de l’ouverture, à supprimer les exigences, en particulier pour les assemblées d’investiture.

Au point où, au Parti libéral du Canada, on ne demande plus à ceux qui veulent voter de détenir une carte de membre du parti, mais simplement d’être un « libéral inscrit », ce qui est ouvert gratuitement à tous ceux qui ont plus de 14 ans et disent « appuyer les objectifs du Parti libéral ».

Aux assemblées d’investiture, on ne vérifie même pas si les « libéraux inscrits » sont des citoyens canadiens ou même des résidents permanents.

Pas très étonnant que des pays voulant influencer nos politiques aient utilisé cette porte ouverte pour faire de l’ingérence dans les affaires canadiennes.

Cette pratique d’utiliser des « membres instantanés » est même utilisée depuis longtemps au Canada. On se souviendra que l’organisation de Brian Mulroney, lors de sa seconde campagne au leadership conservateur, en 1983, avait fait signer des cartes du parti et fait voter des sans-abri de la Mission Old Brewery, une anecdote qui fait maintenant partie du folklore politique canadien.

La pratique est encore largement répandue. Un parti politique peut penser qu’il se démocratise en élisant son chef au suffrage universel des seuls membres, mais cela implique aussi que le débat ne portera plus tellement sur les idées des candidats, mais deviendra un véritable concours de vente de cartes de membre.

C’est pour cela que la candidature potentielle d’un Denis Coderre, par exemple, dérange tant les dirigeants du Parti libéral du Québec. Dans sa longue carrière, M. Coderre a d’abord et avant tout été un organisateur politique. Et si la course au leadership libéral devait virer au « concours de vente de cartes de membre », il serait tout à fait dans son élément.

On a souvent reproché à nos partis politiques de concentrer les pouvoirs au sein d’une commission politique ou d’une direction générale qui décide des grandes orientations, laissant bien peu de place aux militants et aux membres du parti, à qui on ne demande plus que de faire des dons et de participer à quelques rares évènements où l’on parle bien plus d’organisation que de politiques.

Mais si nos partis politiques ne sont plus que des coquilles vides ouvertes à tous, peut-on vraiment se surprendre que des pays qui ne sont pas nos alliés profitent du point faible de notre démocratie et décident de l’utiliser contre nos intérêts ?

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