Plusieurs professionnels joignent ici leurs voix pour réclamer rapidement des soins en santé mentale de qualité, adaptés aux besoins variés de la population, afin que nul ne soit laissé pour compte.

Je suis psychologue et j’exerce en cabinet privé depuis l’an 2000, portant un titre réservé me permettant d’assumer d’importantes responsabilités.

Jusqu’en 2010, lorsque mon jugement clinique indiquait une problématique nécessitant une approche plus soutenue ou l’apport d’une équipe interdisciplinaire, il m’était possible d’orienter le bénéficiaire de soins vers l’hôpital et favoriser sa prise en charge dans un cadre indiqué à la nature ou l’intensité de ses difficultés. Dans l’attente, j’étais confiante d’assurer la transition en veillant à « contenir » un état qui s’avérait préoccupant, mais temporairement contrôlé.

Puis le temps a passé. L’accessibilité aux équipes du réseau public s’est détériorée, principalement en raison du manque croissant de psychologues et du désintérêt de la part des candidats à cette profession à intégrer un système leur reconnaissant peu d’avantages salariaux et toujours moins d’autonomie professionnelle.

Vers 2010, il est devenu difficile, voire impossible, de m’engager auprès de personnes présentant certaines conditions particulières, car il devenait évident que ces clientèles n’auraient plus accès aux équipes interdisciplinaires du réseau.

Malheureusement, aux yeux du système public, leur état ne représentait désormais plus les niveaux de risque suffisants pour obtenir un tel support.

En regard des responsabilités déontologiques m’imposant à reconnaître les limites de mes services en pratique privée, j’ai dû me résoudre à refuser certaines prises en charge ou à mettre un terme à des démarches s’avérant contre-productives dans ce contexte clinique. Bien qu’il s’agisse là de décisions difficiles prises à contrecœur, je n’avais désormais plus le choix et je devais renoncer à traiter ces personnes et espérer qu’elles donnent suite à mes recommandations en cas d’aggravation d’un état devenant susceptible d’attirer l’attention du réseau public.

Ces derniers temps, l’actualité témoigne d’une souffrance psychologique collective devenue palpable. Des gestes d’une violence inouïe aux conséquences traumatiques se multiplient, accentuant l’anxiété ambiante, entraînant à son tour plus de besoins. Les cliniques et urgences médicales sont plus que jamais bondées de personnes qui en arrachent sur le plan psychologique.

Comme professionnels en santé mentale, nous redoutons que la souffrance qui mène aux actes désespérés se présente désormais parce que certaines personnes ne parviennent plus à obtenir l’aide spécialisée dont elles ont besoin : au privé, à cause des coûts ou de la nature du problème ; au public, en raison du manque de ressources qualifiées.

Pourtant, la santé mentale demeure le parent « pauvre » du système de santé. Ne serait-il pas venu le temps d’en faire une réelle priorité gouvernementale ?

Les psychologues sont les professionnels les mieux formés pour évaluer et traiter les différentes conditions psychologiques, ayant une formation d’une durée et d’un niveau de spécialisation comparable à celle d’un médecin psychiatre. Ils peuvent avoir un impact déterminant face aux besoins actuels et préserver des vies. Faisons en sorte qu’ils soient nombreux dans le réseau public afin de pouvoir répondre aux appels à l’aide de la population.

Depuis plus de quatre ans, la Coalition des psychologues du réseau public québécois suggère des solutions afin que tous puissent avoir accès sans tarder et gratuitement aux psychologues. Mettons-les en place, ça presse !

En tant que professionnels issus de milieux variés, nous considérons urgent de redéployer massivement l’offre de services des psychologues dans le réseau public afin d’assurer la santé et la sécurité de chacun.

En tant que citoyens et potentiels bénéficiaires de services, n’attendons plus d’autres drames avant d’exiger de notre gouvernement les investissements incitant ces professionnels qualifiés à réintégrer le réseau public. Ainsi seulement deviendra-t-il possible de faire renaître l’espoir chez ces personnes qui errent, tourmentées, sans obtenir les soins requis par leur état.

* Cosignataires : DDavid Smolak, D. Psy., Ph. D, psychologue ; Dre Lory Zephyr, Ph. D., psychologue ; Marie-Soleil Sauvé, D. Psy., psychologue ; Dre Audrey Vermette, M. D., médecin et doctorante en psychologie ; Agnès Alonzo-Proulx, Ph. D., psychologue, et plusieurs autres

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