Détérioration de la santé mentale chez plus de la moitié des jeunes de 12 à 15 ans⁠1, dramatique pénurie d’enseignants, de psychologues et autres professionnels, chute des taux de réussite scolaire aux épreuves du Ministère, plus de 4000 enfants en attente d’évaluation à la DPJ au Québec et des signalements en hausse d’année en année⁠2. Montée de la violence armée, exode des professionnels en santé et en éducation vers le privé ou vers d’autres métiers… les statistiques s’accumulent, et moi, j’ai mal à ma jeunesse.

Le manque de relève tant en santé qu’en éducation s’est installé et s’approche du point critique (s’il n’est pas déjà dépassé). Nous risquons d’être socialement pris dans un dangereux cercle vicieux où le manque de ressources aggrave les conditions de travail et l’état de la clientèle, ce qui crée plus de pression sur ceux qui restent et rend le domaine moins attrayant pour ceux qui sont à choisir leur emploi. Pendant ce temps, toute une génération de jeunes et de familles en paient le prix, ce qui aura inévitablement des conséquences sur l’avenir, notamment sur l’économie, la santé et la sécurité publique, des facteurs essentiels à la stabilité sociale.

Pourtant, il n’y a pas plus beau métier que de contribuer à former les générations futures à actualiser leur plein potentiel ! J’ai travaillé toute ma carrière en jeunesse, aux côtés de professionnels et gestionnaires qui exercent leur travail avec passion et engagement. Il faut redonner le goût aux jeunes de faire ce choix de carrière en valorisant et en priorisant ces secteurs.

La question peut se résumer ainsi : a-t-on les moyens, comme société, de ne pas tout mettre en place pour freiner cette hémorragie, voire cette épidémie qui frappe actuellement notre jeunesse ?

Comme le mentionnait la Dre Mélissa Généreux, chercheuse en santé publique, le 23 août dans La Presse : « L’éducation est reconnue comme l’un des plus importants déterminants sociaux de la santé. » L’inverse est également vrai : la santé (mentale notamment) est reconnue comme un déterminant puissant de la réussite scolaire. La santé et l’éducation sont étroitement intriquées chez un individu, elles sont des piliers fondamentaux du développement humain.

Un enfant en développement a besoin d’être considéré comme un être intégré, avec toutes les facettes de son développement (cognitif, social, affectif, relationnel, physique, sécurité, économique, etc.). Tous les secteurs doivent travailler main dans la main afin que l’individu puisse actualiser son plein potentiel et que nous puissions produire des générations futures fortes, en santé et en sécurité.

Revoir le contrat social

Nous avons créé une société qui requiert beaucoup de ressources pour fonctionner (infrastructures, technologies, soins et services, main-d’œuvre, etc.), probablement plus que les ressources disponibles dans les prochaines décennies. Une société à entretien élevé ou high maintenance society (ne googlez pas le terme, je viens de l’inventer !). Les valeurs liées au travail changent. Les générations futures n’auront probablement ni l’envie ni les moyens de soutenir ce lourd système.

Les années pandémiques nous auront appris ce qui est essentiel au fonctionnement d’une société et ce qui, bien qu’étant fort plaisant, réconfortant ou divertissant, n’est pas nécessaire à notre survie.

Quand une société prospère, tous les secteurs ont leur place. Mais quand la moitié des jeunes rapportent une détresse psychologique modérée à élevée, que le taux de réussite scolaire chute, que la violence est en augmentation et que les systèmes de santé/services sociaux et d’éducation se vident de leurs ressources primaires (les ressources humaines), il faut que le contrat social implique de prioriser ce qui permet de restaurer l’équilibre.

En psychologie, le concept de croissance post-traumatique renvoie au processus de rebondir après un drame, une tragédie. Il ne s’agit pas de revenir comme avant, mais d’être meilleur qu’avant, avec un système de valeurs revisité, une conscience accrue et des compétentes bonifiées ou nouvellement acquises. Le processus implique une reconstruction de différentes dimensions de l’individu au plan personnel, relationnel, spirituel et cognitif. Ce concept peut également être utilisé pour les groupes d’individus, les entreprises et les organisations. De cette ère post-pandémique, faisons une ère de croissance post-traumatique.

Alors soyons créatifs et acteurs du changement. Osons penser en dehors de la boîte, tolérer certains inconforts afin de reconstruire quelque chose de nouveau, de mieux, nous permettant de prospérer et de croître. Ça nous concerne tous.

1. Consultez l’Enquête sur la santé psychologique des 12-25 ans 2. Consultez le Bilan des directeurs de la protection de la jeunesse / directeurs provinciaux 2022 Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion