Nous nous réjouissons des modifications apportées à la nouvelle mouture du cours de culture et citoyenneté québécoise (CCQ) en lien avec la laïcité. À la suite du dévoilement du programme provisoire à l’automne 2022, nous avions déploré l’absence presque totale de la laïcité et de repères pouvant définir la citoyenneté québécoise. Comment concevoir un cours de citoyenneté sans tracer les contours d’un projet social commun ?

Le cours d’éthique et de culture religieuse (ECR) ayant soulevé d’innombrables critiques – notamment en raison de la place suréminente accordée aux pratiques, croyances et dogmes religieux dans une posture de « reconnaissance absolue » – était basé sur la « laïcité ouverte » découlant de la conception multiculturaliste canadienne de la gestion de la diversité religieuse. Les manuels scolaires traduisaient bien cette vision, en accordant une place prépondérante aux signes religieux. Comment ne pas reproduire les mêmes erreurs qu’ECR si l’on n’opère pas un changement de cap, si le modèle de laïcité de l’État n’est pas assumé dans le nouveau cours de citoyenneté québécoise ?

Nous sommes heureux de constater que c’est maintenant chose faite. Le programme CCQ qui vient d’être dévoilé stipule qu’il s’agira de promouvoir les idéaux d’un État de droit laïque. L’importance de promouvoir la laïcité fait partie de la finalité « poursuite du bien commun ».

De plus, la laïcité de l’État et les valeurs qui la sous-tendent (séparation de l’État et de la religion, neutralité de l’État en matière religieuse, égalité de tous les citoyens et citoyennes, liberté de conscience) sont maintenant inscrits dans les concepts obligatoires à aborder dans le thème « démocratie et ordre social ».

Cela permettra assurément de changer l’orientation du cours et de ne pas perpétuer, dans les manuels scolaires, l’identification des jeunes en fonction d’appartenances religieuses.

De plus, lors du lancement du cours, le ministère de l’Éducation faisait valoir l’importance de promouvoir l’esprit critique et une discussion citoyenne ouverte, équilibrée et respectueuse, afin de remédier au climat ambiant de censure, d’acrimonie et de polarisation sociale. De fait, le programme met l’accent sur le développement de la pensée critique et de la liberté de parole. Cet élément semble même être le fil conducteur qui lie les différents thèmes. Nous nous réjouissons de cette orientation du cours qui, contrairement à ECR, sait enfin distinguer respect de la personne et respect absolu de ses orientations spirituelles et idéologiques au nom duquel on interdisait toute critique.

Il est également heureux de constater que le programme n’accorde pas de place aux concepts les plus dogmatiques et politiquement orientés de la nouvelle sociologie inspirée par la « théorie critique de la race », comme la « race », le « racisme systémique », le « décolonialisme », la « déconstruction », etc. Ce sont des concepts aux contours flous et aux définitions tendancieuses, souvent circulaires, propices à l’endoctrinement, et source de stigmatisation, de repli identitaire et d’appels à la censure.

Glossaire peu scientifique

Malheureusement, toute vigilance disparaît dès lors qu’est abordé le volet éducation à la sexualité qui occupe pourtant une place significative dans le programme. Au mépris de la rigueur scientifique et du bon sens, le Ministère semble avoir donné carte blanche aux partisans d’un changement de concepts.

Ainsi, selon le glossaire du programme, le sexe serait une « catégorie sociale qui répartit la population entre femmes et hommes à partir de caractéristiques physiologiques ».

Cette définition confond les concepts de sexe et de genre et laisse entendre qu’une personne aurait le choix de se placer dans l’une ou l’autre de ces catégories.

Or, le sexe n’est pas une catégorie sociale. C’est une réalité biologique, ayant des composantes certes physiologiques, mais également génétiques et anatomiques immuables.

Cette confusion entre les concepts de « sexe » et de « genre » porte atteinte aux droits des femmes (droits conférés sur la base du sexe biologique et non d’un « sexe » social) et à l’égalité entre les femmes et les hommes – une valeur fondamentale pourtant inscrite en préambule de la Charte des droits et libertés du Québec, ainsi qu’en préambule de la Loi sur la laïcité de l’État où elle est décrite comme un élément distinctif de la nation québécoise.

Ainsi, autant nous nous réjouissons du changement de cap du cours CCQ vers la laïcité de l’État et le développement de la pensée critique, autant nous nous étonnons que le gouvernement ait donné son aval à un glossaire aussi peu scientifique dans le cadre de l’éducation à la sexualité. Il est inconcevable d’introduire de tels détournements de sens dans un programme ayant pour vocation d’orienter la production de matériel pédagogique et qui, en raison des compétences transversales, pourraient influencer l’ensemble de la formation de l’école québécoise.

Nous demandons au gouvernement de supprimer cette définition idéologique et non scientifique du mot « sexe ». Il ne faudrait pas que tout ce travail de refonte du cours ECR n’ait servi, au bout du compte, qu’à remplacer un dogmatisme par un autre.

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