(New York) Le nom de « l’éléphant qui n’est pas dans la pièce » a franchi les lèvres des modérateurs de Fox News pour la première fois à la 52e minute du premier débat télévisé entre les candidats républicains à la présidence, mercredi soir à Milwaukee.

L’animateur Bret Baier, qui a utilisé cette description imagée pour parler de Donald Trump, a fini par prononcer son nom en demandant aux huit participants s’ils appuieraient l’ancien président comme candidat à l’élection présidentielle de 2024 s’il était reconnu coupable de l’une ou l’autre des quatre affaires criminelles qui le visent.

Six d’entre eux ont levé la main, dont Ron DeSantis, qui a jeté un coup d’œil à ses rivaux sur la scène avant de s’exécuter. Son hésitation, qui pourrait fournir un des moments viraux de l’affrontement, a tout de suite été dénoncée sur les réseaux sociaux par l’équipe de campagne de Donald Trump.

Mike Pence, Nikki Haley, Tim Scott, Vivek Ramaswamy et Doug Burgum ont également levé la main. Seuls Chris Christie et Asa Hutchinson ont refusé de le faire.

Le moment était évocateur : malgré son avance considérable sur ses rivaux, Donald Trump a largement été épargné par ses rivaux au cours d’un débat de deux heures où ses déboires judiciaires ont été abordés brièvement après des questions sur l’économie, le changement climatique, l’avortement et la criminalité.

Et les rivaux de Donald Trump qui l’ont critiqué le plus sévèrement ont été copieusement hués par les membres de l’auditoire.

« Quelqu’un doit cesser de normaliser ce comportement. Que vous pensiez que les accusations criminelles soient justifiées ou non, ce comportement est indigne de la fonction de président des États-Unis », a déclaré l’ancien gouverneur du New Jersey Chris Christie, qui avait également essuyé des huées lors de sa présentation à l’auditoire.

PHOTO MORRY GASH, ASSOCIATED PRESS

Chris Christie, ancien gouverneur du New Jersey

Ron DeSantis a par la suite refusé de répondre directement à la question de savoir si Mike Pence avait bien agi en refusant de céder aux pressions de Donald Trump le 6 janvier 2021.

« Voici ce que nous devons faire : nous devons mettre un terme à l’instrumentalisation du département de la Justice. Cette élection ne porte pas sur le 6 janvier 2021. Elle porte sur le 20 janvier 2025 », a déclaré le gouverneur de Floride.

Pressé plus tard de répondre à la question, il a dit : « Mike a fait son devoir, je n’ai rien à lui reprocher. »

DeSantis éclipsé

Même s’il s’est exprimé d’une voix animée sur les autres questions, Ron DeSantis a été éclipsé plus d’une fois par Vivek Ramasamy, qui grimpe dans les sondages et menace de le rejoindre ou de le dépasser au deuxième rang.

« Permettez-moi de répondre à la question que tout le monde se pose ce soir à la maison », a déclaré l’entrepreneur de 38 ans en se présentant à l’audience.

PHOTO MORRY GASH, ASSOCIATED PRESS

Vivek Ramasamy

Qui est ce type maigre avec un drôle de nom de famille et que fait-il au milieu de cette scène de débat ? Je vous dirai que je ne suis pas un politicien. C’est vrai. Vous avez raison sur ce point. Je suis un entrepreneur.

Vivek Ramasamy

Le néophyte politique a été celui qui a essuyé le plus d’attaques au cours du débat. Chris Christie lui a reproché d’être « un type qui ressemble à ChatGPT » et d’avoir volé à Barack Obama sa façon de se décrire. Mike Pence a déclaré que les États-Unis n’avaient pas besoin d’une « recrue » à la Maison-Blanche. Et Nikki Haley lui a reproché d’appuyer un « tueur » en faisant allusion à son attitude complaisante à l’égard de Vladimir Poutine dans le dossier de l’Ukraine.

Mais Vivek Ramaswamy a répliqué à ses critiques avec vivacité et défendu ses idées de la façon provocatrice qui l’a fait connaître.

« Le programme climatique est un canular », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « La réalité, c’est qu’il y a plus de gens qui meurent à cause des mauvaises politiques de lutte contre le changement climatique qu’à cause du changement climatique proprement dit. »

Les candidats avaient été invités à lever la main pour signifier leur accord avec la théorie voulant que l’action humaine contribue au changement climatique.

« Nous ne sommes pas des écoliers, débattons de la question », s’est exclamé Ron DeSantis en refusant de se plier à la demande du modérateur, qui est restée sans suite.

Échanges vigoureux

La question de l’avortement a donné lieu à des échanges vigoureux entre Mike Pence et Nikki Haley. Le vice-président s’est dit favorable à une interdiction de l’avortement après 15 semaines de grossesse dans tous les États américains qui n’ont pas de restriction plus sévère en la matière. L’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud lui a reproché de ne pas être honnête avec les Américains.

« Aucun président républicain ne peut interdire l’avortement », a-t-elle dit en expliquant qu’une telle mesure nécessitait l’appui de 60 sénateurs, ce qui est impossible. « Vous devez être honnête avec les gens. »

Seule femme sur la scène parmi sept hommes portant tous une cravate rouge, Nikki Haley a fait allusion à son sexe lors d’un échange cacophonique sur le climat.

PHOTO BRIAN SNYDER, REUTERS

Nikki Haley, ancienne gouverneure de la Caroline du Sud

C’est exactement la raison pour laquelle Margaret Thatcher a dit : “Si vous voulez que quelque chose soit dit, demandez à un homme. Si vous voulez que quelque chose soit fait, demandez à une femme.”

Nikki Haley

Le débat s’était ouvert sur une allusion à la chanson de l’heure aux États-Unis, Rich Men North of Richmond, d’Oliver Anthony, qui exprime les frustrations des cols bleus américains face aux élites.

En réponse à une question sur les propositions économiques qu’il pouvait offrir à ces cols bleus, Ron DeSantis a promis de mettre fin à la Bidenomics, expression utilisée par Joe Biden et la Maison-Blanche pour vanter sa gestion de l’économie.

« Nous devons inverser la Bidenomics pour que les familles de la classe moyenne aient à nouveau une chance de réussir », a-t-il déclaré.

Le gouverneur de Floride a également cité sa réponse à l’épidémie de COVID-19 comme modèle à suivre à la Maison-Blanche.

« Je ne laisserai jamais les bureaucrates de l’État profond vous mettre en quarantaine », a-t-il déclaré en secouant l’index droit. « On ne prend pas quelqu’un comme Fauci pour le dorloter. On fait venir Fauci, on le fait s’asseoir et on lui dit : “Anthony, tu es viré” », a-t-il ajouté dans une attaque voilée à Donald Trump.

Ron DeSantis a provoqué une des réactions les plus enthousiastes au sein de l’auditoire en s’attaquant aux procureurs soutenus financièrement par le philanthrope George Soros, auxquels il a reproché de ne pas poursuivre les criminels.

« En tant que président, nous allons poursuivre tous ces gens », a-t-il dit.

Appui important

La décision de Donald Trump de boycotter le débat de Milwaukee se comprend facilement. À moins que la course ne change radicalement, il est peu probable qu’un de ses rivaux obtienne l’investiture républicaine.

Selon la moyenne des sondages nationaux, l’ancien président jouit de plus de l’appui de plus de 50 % des électeurs républicains, une donnée qui est demeurée stable après chacune de ses quatre inculpations.

Or, aucun candidat à la présidence n’a perdu l’investiture de son parti avec une telle avance. Et aucun candidat républicain n’a joui d’une avance aussi importante dans une course n’impliquant pas un président sortant en plus de 20 ans.

Et c’est en faisant allusion à cette avance que Donald Trump a justifié sa décision de participer à une entrevue avec l’ex-animateur de Fox News Tucker Carlson qui a été diffusée sur X, anciennement Twitter, pendant le débat.

« Il va y avoir des flammèches », a-t-il écrit sur Truth Social mercredi matin pour aiguiser l’intérêt de ses partisans.