En lançant ce mardi No Going Back, ses deuxièmes mémoires depuis 2022, Kristi Noem, gouverneure républicaine du Dakota du Sud et colistière potentielle de Donald Trump, emprunte un sentier bien battu. En politicienne ambitieuse, elle veut profiter de la sortie du bouquin pour rehausser son profil à l’échelle nationale. Or, à en juger par ses premières entrevues, qui suivent un tapage assassin sur un passage sanglant du livre, elle est très mal barrée. Bilan préliminaire d’un fiasco politico-littéraire.

Tueuse de chien

No Going Back a accompli le rare exploit de provoquer une révulsion bipartisane après la publication dans le Guardian d’un passage concernant Cricket, une chienne de 14  mois. Kristi Noem y raconte avoir exécuté d’une balle le braque à poil dur en raison de son inaptitude à la chasse au faisan et de son comportement agressif. Selon la gouverneure, l’anecdote illustre sa capacité de se charger elle-même des tâches ingrates. Plusieurs Américains, tous partis confondus, ont plutôt conclu à un manque de jugement et de cœur. Qu’à cela ne tienne : Kristi Noem a récidivé dimanche en laissant entendre que Commander, le berger allemand de Joe Biden, méritait le même sort que Cricket. « Le chien de Joe Biden a attaqué 24 membres des services secrets. Combien de personnes faut-il attaquer et blesser dangereusement avant de prendre une décision au sujet d’un chien ? », a-t-elle dit sur CBS.

Fabulatrice de grande échelle ?

Si Kristi Noem demeurera une tueuse de chien aux yeux de certains Américains, elle deviendra peut-être aussi une fabulatrice de grande échelle pour d’autres, une sorte de George Santos des Grandes plaines. Dans la foulée du Guardian, le Dakota Scout, journal de Sioux Falls, a déniché un autre passage saisissant de No Going Back. La gouverneure y traite de sa « rencontre avec le dictateur nord-coréen Kim Jong-un » à l’époque où elle siégeait à la Chambre des représentants. « Je suis sûre qu’il m’a sous-estimée, n’ayant aucune idée de mon expérience en matière de lutte contre les petits tyrans (j’avais été pasteure pour enfants, après tout) », peut-on lire dans ses mémoires. Ailleurs dans le livre, on apprend que Kristi Noem a annulé à la dernière minute une rencontre à Paris avec le président français Emmanuel Macron en raison d’« un commentaire très pro-Hamas et anti-israélien à la presse ».

PHOTO FOURNIE PAR KOREAN CENTRAL NEWS AGENCY, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le dirigeant nord-coréen, Kim Jong-un, le 22 avril dernier

Les « erreurs » d’un prête-plume

Selon le Dakota Scout, l’Élysée nie qu’une rencontre entre Emmanuel Macron et Kristi Noem ait été à l’ordre du jour du président. Qu’en est-il de la rencontre avec Kim Jong-un ? Un porte-parole de la gouverneure du Dakota du Sud a déclaré qu’il s’agissait d’une des « deux petites erreurs » qui se sont glissées dans No Going Back. « Cette information a été communiquée au prête-plume et à l’éditeur. Kim Jong-un a été inclus dans une liste de dirigeants mondiaux et n’aurait pas dû l’être », a-t-il dit. Kristi Noem, elle, reste floue sur la question. « J’ai rencontré plusieurs dirigeants étrangers », a-t-elle dit sur CBS dimanche. « Je ne parlerai pas de mes réunions spécifiques avec les dirigeants mondiaux. Cette anecdote n’aurait pas dû être dans le livre », a-t-elle ajouté, donnant l’impression que ce sujet était un secret d’État. Kristi Noem a visité la zone coréenne démilitarisée.

La « menace » de Nikki Haley

Et qu’en est-il de l’autre « erreur » commise par le prête-plume qui a écrit No Going Back ? Le livre situe à l’été 2021 plutôt qu’en novembre 2020 une conversation téléphonique entre Kristi Noem et Nikki Haley. Mais c’est le contenu de cette conversation qui suscite la controverse. La gouverneure du Dakota du Sud raconte qu’elle a interprété cet appel comme une menace à son endroit. « Il était clair qu’elle voulait que je sache qu’il n’y avait de place que pour une seule femme républicaine sous les feux de la rampe. C’était bizarre », peut-on lire dans ses mémoires. La version d’un porte-parole de Nikki Haley : « Elle a appelé la gouverneure Noem en 2020 pour l’encourager lorsqu’elle a été critiquée pour avoir gardé son État ouvert pendant la pandémie de COVID-19. La façon dont elle a transformé cela en menace est tout simplement bizarre. »

PHOTO NICOLE CRAINE, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

L’ancienne gouverneure de la Caroline du Sud, Nikki Haley, dans un évènement partisan en février dernier

L’espoir d’être choisie

Malgré les controverses qui ont précédé la sortie de ses mémoires, Kristi Noem n’a pas abandonné l’espoir d’être choisie comme colistière de Donald Trump, loin de là. « Il sait que je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour l’aider à gagner », a-t-elle déclaré à Fox News Digital. « Mais chaque jour, il m’apparaît clairement que notre mode de vie est attaqué. Et à moins qu’il n’entre à la Maison-Blanche, ce pays va connaître des temps très difficiles. » De son côté, Donald Trump ne semble pas avoir rayé le nom de Kristi Noem de la liste de ses colistiers potentiels. « Kristi Noem s’est battue pour moi de manière incroyable », a-t-il déclaré lors d’une interview diffusée dimanche sur Fox News. « Elle a dit : “Je ne me présenterai jamais contre lui parce que je ne peux pas le battre.” C’était une chose très gentille à dire. »