Il y a quelques années, dans une école primaire, des collègues ont gagné le respect de toute l’équipe-école. Une des classes de leur niveau présentait un groupe très difficile en totale « perte de contrôle » à la suite d’une triste « brochette » de pauvres suppléantes qui partaient aussi rapidement qu’elles arrivaient…

L’enseignante titulaire devait revenir de son congé de maternité et il s’avérait clair que la tâche de ramener un climat propice à l’apprentissage dans cette classe serait colossale, voire impossible. La réussite scolaire de plusieurs élèves était en jeu. Les enseignantes ont donc proposé de prendre chacune une partie des élèves du groupe en dérive dans leur classe pour le reste de l’année scolaire ! Un ajout de plusieurs élèves dans chaque classe.

L’enseignante titulaire du groupe en question est alors devenue « prof-ressource » de ses collègues en s’occupant de la planification des cours, de la préparation de matériel pédagogique, de la correction de travaux et surtout, d’enseignement en petits sous-groupes ayant des besoins ciblés.

Une solution originale, courageuse et temporaire qui a sauvé une situation urgente.

Aux grands maux les grands remèdes

À beaucoup plus grande échelle aujourd’hui, la pénurie d’enseignants qualifiés représente une situation de la plus grande urgence. Des milliers d’élèves s’apprêtent à commencer leur année scolaire sans enseignant qualifié. Étant moi-même enseignante retraitée et ex-conseillère pédagogique à la CSDM, les manchettes de la semaine à ce sujet me fendent le cœur. Pourtant, des professionnels de l’éducation et moi discutons depuis plusieurs années d’une piste de solution que personne ne veut même nommer. Une mesure à laquelle l’ex-directeur d’un collège privé m’a avoué avoir recours… Une solution originale, courageuse et temporaire en situation de crise.

D’abord quelques prémisses. En temps normal, un conseiller pédagogique (CP) est un atout indéniable pour aider à la formation continue des enseignants. Cependant, il faut bien l’admettre, le travail du conseiller pédagogique auprès des enseignants qualifiés demeure un « plus » ou un « extra » puisque les enseignants qualifiés, après quatre années universitaires, possèdent les compétences et les habiletés requises pour remplir leurs fonctions.

Le nombre de conseillers pédagogiques a augmenté dans les dernières décennies. À mes débuts en 1988, ils étaient plutôt rares et peu visibles. Aujourd’hui, ils sont légion : dans les centres de services scolaires, au ministère (les nombreux RÉCIT) et au privé (CADRE21). Des centaines d’enseignants y ont vu une opportunité d’avancement offrant de bien meilleures conditions que celles d’un enseignant. Quitter les tranchées avec ses élèves en crise, ses bulletins et ses corrections de fin de semaine pour une position plus « prestigieuse » avec la mission très noble « d’élever » les compétences des profs. Qui refuserait ?

Or, nous ne sommes plus en « temps normal », et ce, depuis plusieurs années. Des enfants ne reçoivent plus l’éducation à laquelle ils ont droit, et dois-je ajouter qu’il y a fort à parier que les milieux défavorisés en souffrent davantage ? Nous sommes en « pandémie scolaire » et des mesures draconiennes, originales, courageuses et temporaires doivent être imposées. Un prof qualifié sans les services d’un CP le temps que la crise se dénoue OU un enfant sans enseignant ? Le choix est évident ! La voie à suivre s’impose !

Bien sûr… je vous entends déjà… Et les enseignants non légalement qualifiés (ENLQ) ? Les conseillers pédagogiques crieront haut et fort : « Qui s’occupera d’eux si nous retournons en classe ? » En temps de crise, ce rôle a merveilleusement justifié la raison d’être des CP. Pourtant, il y a quelques années, lorsque le nombre de CP était plus ou moins égal au nombre d’ENLQ, leur retour en force au « front » aurait peut-être pu changer la donne.

On se retrouve aujourd’hui avec un problème de type « saucisse Hygrade ». Plus on embauche d’ENLQ, plus on recrute de CP parmi les enseignants les plus compétents et expérimentés pour les former. Plus les profs quittent les classes pour devenir CP, plus on aggrave la pénurie d’enseignants.

Et pourquoi ne pas demander aux orthopédagogues de devenir titulaires (une mesure déjà instaurée dans certaines écoles) ? Tout simplement parce qu’on prive alors des élèves en difficulté d’apprentissage de précieux et trop rares services ! On déshabille Pierre pour habiller Paul.

Si demain, un ministre fort et courageux ramenait tous les CP en classe, des milliers de postes seraient immédiatement pourvus par des professionnels de l’éducation, reconnus pour leurs compétences et leur leadership. De plus, nul doute que la présence quotidienne de ces experts et « agents de changement » au sein des écoles s’avérerait bénéfique et pertinente. Leur apport pourrait contribuer, entre autres, à l’élaboration d’un plan d’encadrement « local » des ENLQ encore en poste. Des milliers et des milliers d’enfants entre bonnes mains de retour sur le chemin de la réussite scolaire.

Aux grands maux les grands remèdes.

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