Les auteurs s'adressent au premier ministre, François Legault

Monsieur le Premier Ministre, nous exhortons votre gouvernement à ne pas interjeter appel de la décision de la Cour supérieure du Québec, le 2 août dernier, concernant la constitutionnalité de la loi 40, soit la réforme de la gouvernance scolaire. La décision réaffirme les droits de la communauté d’expression anglaise de gérer et de contrôler son système scolaire. Un tel appel constituerait une dépense inutile de ressources publiques pour toutes les parties. Poursuivons ensemble l’application de cette décision plutôt que de prolonger la bataille juridique.

Dans une entrevue que vous avez accordée au journal The Gazette, publiée le 28 novembre 2022, vous avez déclaré que « les anglophones ont joué un rôle très important dans l’histoire de Montréal et du Québec. Ils ont tous les droits et je veillerai à ce qu’ils continuent de jouir de tous les services en anglais, en matière d’éducation, de soins de santé, de tous les services ». Bien entendu, nous estimons que nous faisons aussi partie de l’avenir du Québec…

Lisez l'entrevue du premier ministre avec la Gazette en novembre 2022 (en anglais)

Dans le numéro du 22 décembre 2022 du journal The Gazette, votre nouveau ministre responsable des Relations avec les Québécois d’expression anglaise, Eric Girard, a aussi indiqué que les relations entre votre gouvernement et la communauté d’expression anglaise « n’étaient pas parfaites pendant [votre] premier mandat ».

Le ministre Girard s’est avancé davantage en disant : « Nous avons la responsabilité de faire mieux… je veux dire d’améliorer les relations. »

La décision exhaustive et complète de la Cour supérieure du Québec sur la constitutionnalité de la loi 40 du 2 août vous fournit une occasion rêvée de « faire mieux ». Le Québec, comme plusieurs provinces et territoires du Canada, a aboli les commissions scolaires en février 2020.

Or, contrairement à toutes les autres juridictions au Canada, votre réforme comprenait le système scolaire de la minorité linguistique, dont la gestion et le contrôle par notre communauté sont protégés par la Constitution...

L’ensemble des neuf commissions scolaires anglophones et leur association ont contesté la constitutionnalité de la loi 40. Dans sa décision, le juge de la Cour supérieure du Québec Sylvain Lussier a invalidé diverses dispositions de la loi 40 telles qu’elles s’appliquent aux commissions scolaires anglophones parce qu’elles portent atteinte aux droits de la communauté d’expression anglaise de gérer et de contrôler son système scolaire. Cette décision est sans effet sur le système scolaire francophone du Québec.

Le juge Lussier a également pris soin de souligner, à deux reprises, que sa décision n’a aucune incidence sur la protection de la langue française au Québec. Il s’agit ici de l’organisation des services éducatifs par et pour les ayants droit de la communauté d’expression anglaise du Québec. La préservation des commissions scolaires gérées et contrôlées par la communauté d’expression anglaise du Québec n’a rien à voir avec la protection de la langue française...

Le taux de réussite du système scolaire anglophone dépasse de cinq points de pourcentage la moyenne québécoise. Cinq commissions scolaires anglophones se situent parmi les 10 premiers centres de services scolaires et commissions scolaires combinés en termes du taux de diplomation du secondaire sur sept ans...

C’est avec fierté que les commissions scolaires anglophones du Québec assurent le bilinguisme de leurs élèves. La majorité des élèves d’écoles anglaises sont inscrits dans un programme d’immersion en français ou de français intensif, programmes conçus par une commission scolaire protestante dans les années 1970.

Comme l’Association des commissions scolaires anglophones du Québec (ACSAQ) l’a écrit dans son mémoire sur le projet de loi 40 en 2019 : jugées au vu des résultats des élèves, les commissions scolaires anglophones sont un modèle de réussite. Nous devrions nous concentrer sur les moyens d’améliorer les commissions scolaires et non sur le modèle de remplacement qui doit être imposé à notre collectivité.

Tout aussi vrai aujourd’hui que ce ne l’était il y a presque quatre ans, cela est conforme à votre désir souvent exprimé d’améliorer la réussite des élèves du Québec.

Nous vous prions de tenir compte des trois importants constats suivants :

  • notre communauté a à cœur ses commissions scolaires ;
  • bien qu’il y ait toujours place à l’amélioration quant à la réussite des élèves, notre système surpasse la moyenne québécoise ;
  • des parties importantes de la loi 40 portent atteinte aux droits de notre communauté de gérer et de contrôler notre système scolaire.

Monsieur le Premier Ministre, l’occasion vous est donnée de faire ce qui s’impose, soit de ne pas interjeter appel de la décision de la Cour supérieure concernant la loi 40. Comme l’ACSAQ l’a écrit en 2019 : « Le gouvernement devrait travailler avec les commissions scolaires et les autres partenaires de manière consensuelle afin de renforcer le système actuel au profit de nos élèves. Nous sommes désireux de faire partie de ce processus. Nous espérons que le gouvernement l’est aussi. » Nous réitérons ce sentiment aujourd’hui.

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