Une semaine après une mise en service cahoteuse d’un tronçon du REM de l’Ouest, on apprend que CDPQ Infra planche toujours, en catimini, sur une antenne longueuilloise. On répond, ce faisant, à une commande de gouvernement de la CAQ qui n’a pas hésité, en 2021, à repousser du revers de la main – et sans aucune analyse justifiant ce rejet − un projet de tramway (LEEO) sur lequel on avait travaillé pendant quelques années.

Après avoir accaparé à bas prix la ligne de train de banlieue de Deux-Montagnes, avoir « privatisé » le tunnel sous le mont Royal et avoir mené le projet du REM de l’Est en faisant fi, avec condescendance, de toutes les critiques, réserves et appréhensions de nombreux experts et citoyens, CPDQ Infra continue à faire main basse sur la ville, au détriment d’une réelle et indispensable planification du transport collectif dans la région métropolitaine de Montréal. Le travail accompli par l’organisme consiste en effet essentiellement à valider le rendement d’une antenne du mode privilégié (un train léger automatisé) qui est d’abord et avant tout considéré comme un produit financier comme un autre.

En d’autres termes, il ne s’agit pas de choisir un mode de transport et des modalités d’implantation qui répondent de manière optimale – et en fonction de notre capacité de payer − aux besoins en mobilité d’une communauté métropolitaine, mais plutôt, et essentiellement, de déterminer si le jeu en vaut la chandelle du point de vue du rendement sur capital investi. C’est pourquoi ni l’Autorité régionale du transport métropolitain (ARTM), ni le Réseau de transport de Longueuil (RTL), ni la Ville de Longueuil ne font partie de l’équation. Pour CDPQ Infra, ça ne les regarde tout simplement pas, d’autant que la loi qui a permis la création de l’organisme lui a accordé tous les pouvoirs qui lui permettent d’agir avec une telle désinvolture et en toute impunité.

Il faut le répéter : CDPQ Infra n’a de comptes à rendre à personne, à l’exception de ses analystes financiers et des patrons de la Caisse.

Par conséquent, si on estime que le rendement attendu risque de ne pas être au rendez-vous, on retourne le dossier aux instances normalement responsables du transport collectif, qui devront dès lors s’en remettre au bon vouloir d’un gouvernement qui n’en est pas à un errement près en matière de transport et de mobilité. Autrement, on mettra l’ARTM, le RTL et la Ville devant le fait accompli, notamment du point de vue du financement global des transports en commun et des conséquences de l’option REM sur l’ensemble des autres agences, le tout avec la caution d’un gouvernement qui se montre réfractaire à toute planification.

Aussi est-il particulièrement inquiétant et désolant de lire que la mairesse de Longueuil s’est résignée à accueillir un REM aérien sur Taschereau au motif qu’elle aurait obtenu un REM au sol dans le secteur du Vieux-Longueuil.1 Sa résignation dans le cas de Taschereau serait justifiée, soutient-elle, par le fait qu’elle doit choisir ses batailles. Autrement dit, ce qu’on doit comprendre de cette position, c’est qu’à défaut d’être, comme il se devrait, des partenaires dans une démarche intégrée de planification de la mobilité et du transport, les municipalités doivent se contenter de se plier aux diktats de CDPQ Infra et, au besoin, tenter d’éviter le pire. Et ce, même si on est la cinquième ville du Québec en matière de population ! Mais doit-on réellement s’en étonner quand on sait que la médecine a été servie à Montréal dans le dossier du REM de l’Est et qu’il a fallu une mobilisation exemplaire pour obtenir le retrait de CPDQ Infra du dossier. Or, le combat évoqué par la mairesse ne se livre pas à armes égales, tant s’en faut. CPDQ Infra a des pouvoirs et des moyens qui ont été d’emblée refusés par le gouvernement Couillard à l’ARTM, aux sociétés de transport (STM, RTL et STL) et aux municipalités sur les territoires desquelles la filiale de la Caisse de dépôt et placement intervient.

Pendant ce temps, l’avenir du transport collectif dans l’est de Montréal est à la merci des caprices et des sautes d’humeur d’un premier ministre, dont les propos, lors des cérémonies d’inauguration du REM, n’avaient rien de rassurant pour quiconque s’intéresse à la planification des transports et à une intégration optimale des préoccupations en matière d’urbanisme et de transport.

1. Lisez le texte de Philippe Teisceira-Lessard : « Prolongement du REM : aérien sur Taschereau, au sol près du Vieux-Longueuil » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion