J’ai grandi à Laval. Mes enfants ont grandi à Laval. Et depuis que je suis retraité de Bibliothèque et archives Canada, il y a quatre ans, je suis de retour à Laval.

C’est avec tristesse et étonnement que j’ai appris que les partis de l’opposition font front commun contre la construction d’une Grande Bibliothèque et d’un Centre de création artistique dans ma ville.

Laval est la troisième ville du Québec pour la population et il est inacceptable, au moment de son 58e anniversaire, qu’elle ne soit pas dotée d’une installation aussi essentielle qu’une bibliothèque centrale.

On a dit que Laval est déjà doté de neuf bibliothèques de quartier. C’est comme accepter qu’une équipe de hockey soit composée exclusivement de « plombiers » et qu’elle n’ait pas besoin d’un Wayne Gretzky, d’un Guy Lafleur ou d’un Cole Caufield !

On a dit que le centre-ville de Laval est à 25 minutes en métro de la Grande Bibliothèque de Montréal. On répondra que la Place Bell est à 34 minutes en métro du Centre Bell et que cela ne l’empêche pas d’être florissante et le Rocket de Laval aussi.

On a dit que la construction de la bibliothèque centrale créerait un îlot de chaleur. On indiquera que la bibliothèque pourra être dotée d’un jardin ou d’un aménagement du même type – comme c’est le cas à Westmount, ou à la nouvelle bibliothèque Maisonneuve de Montréal ou, encore, à la Grande Bibliothèque, dont le jardin d’art abrite même une statue du grand Dany Laferrière. De plus, l’édifice abritant la bibliothèque pourra être carboneutre comme ce sera le cas d’Ādisōke, la nouvelle bibliothèque centrale que construit actuellement la Ville d’Ottawa, en partenariat avec Bibliothèque et Archives Canada.

On a dit qu’il serait préférable d’investir dans les bibliothèques de quartier ou même d’en créer de nouvelles. C’est un argument qu’on a souvent entendu au moment où la Grande Bibliothèque a été planifiée grâce à la volonté de Lucien Bouchard et de Lise Bissonnette. En fait, c’est tout le contraire qui s’est produit à Montréal et qui se produira à Laval.

Rappelons que la présence d’une bibliothèque centrale forte et moderne a eu un effet d’entraînement sur l’ensemble des bibliothèques montréalaises, augmentant à terme leur fréquentation et suscitant même la création de nouvelles bibliothèques de quartier – Benny Farm, Marc Favreau, Saint-Laurent, Maisonneuve – pour répondre à la demande grandissante des citoyens.

Car, une bibliothèque centrale en 2023, c’est beaucoup plus qu’une collection de livres qui attendent sagement qu’on vienne les emprunter. Bien sûr, c’est une collection robuste de documents, par exemple, tous les livres relatifs à Laval, qu’ils soient écrits par un ou une Lavalloise ou qu’ils portent sur Laval, en plus des best-sellers et des classiques de notre littérature et de celles des autres cultures.

Mais, c’est aussi une programmation publique forte : des rencontres avec nos auteurs, des colloques, des tables rondes, des expositions et des séances de l’heure du conte – non seulement en français, mais aussi dans les autres langues parlées dans notre ville –, une foule d’activités pour les enfants, les ados et les adultes, source de démocratie et d’intégration sociale.

À cause de leur gratuité, partout en Amérique de Nord, les bibliothèques sont de formidables outils de démocratisation culturelle.

Et les citoyens ne s’y trompent pas. La Grande Bibliothèque de Montréal, qui a été conçue pour accueillir 1,5 million de visiteurs par année, en recevait 2,5 millions avant la COVID-19, avec une pointe de 3 millions en 2009. À Halifax, une ville de 900 000 habitants, ce sont presque 2 millions de visiteurs chaque année qui franchissent les portes de la nouvelle bibliothèque centrale.

Le maire Stéphane Boyer doit faire connaître ses intentions au sujet de la bibliothèque centrale et du centre de création de Laval lors de l’assemblée municipale du 8 août prochain. Espérons qu’il est inspiré par Lucien Bouchard. La troisième ville du Québec ne mérite rien de moins.

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