Les tempêtes s’enchaînent, mais ne se ressemblent pas : alors que les déluges noient notre été et que les feux rendent l’air irrespirable, ce sont les mots de Xavier Dolan qui ont déchaîné les réseaux sociaux et créé tout un tapage médiatique. À travers ce tumulte fut soulevée une question qui mérite certainement d’être posée pendant que la poussière retombe : à quoi bon faire de l’art alors que tout s’effondre ?

Si le travail d’un artiste peut sembler inutile devant toutes ces catastrophes annoncées, n’est-ce pas justement parce que l’art en est déconnecté ? En observant les dernières années avec un peu de recul, le constat est plutôt triste : si la population était au rendez-vous (autant dans la rue, lors des gigantesques manifestations, qu’à travers de nombreux combats et actions citoyennes), on ne peut pas en dire autant des arts.

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Certes, les artistes ont pris position par le passé, à travers le Pacte, entre autres. Mais, avec toutes les bonnes intentions du monde, l’initiative de Dominic Champagne a créé une situation bien particulière. Celle de faire appel aux artistes, non pas pour que leur art soit mis à contribution, mais plutôt parce qu’ils sont connus.

C’est donc tout le « star system » qui fut sollicité pour l’occasion. Une fois que les personnalités publiques en ont eu assez de se faire harceler et traiter de donneurs de leçons sur les réseaux sociaux, le pacte a été rompu.

L’intention était louable : celle d’attirer l’attention médiatique sur le sujet.

PHOTO ANDRE PICHETTE, ARCHIVES LA PRESSE

Dominic Champagne, en septembre 2019

Il faut se rappeler qu’à cette époque encore pas si lointaine, la réalité était tout autre. La crise environnementale n’était même pas un thème officiel du débat électoral provincial, il a fallu se battre pour en faire le sujet d’une ou deux questions.

L’art : un liant social

L’objectif fut donc atteint. Mais le temps d’une prise de conscience collective plus large est sans doute arrivé. À quoi peuvent bien servir les arts dans tout cela ?

Les arts, c’est le système nerveux de la population. C’est ce qui fait comprendre les émotions engendrées par une situation, une époque, un courant de pensée. C’est ce qui trace le chemin pour digérer des évènements et pour provoquer des questionnements autrement qu’à travers un texte à caractère journalistique ou scientifique.

C’est aussi un puissant liant social.

Au beau milieu de tout ce déni, de cette anxiété et cette paralysie collective que génère la crise environnementale, ainsi que de l’impasse politique et systémique qu’elle met en évidence, nous en avons cruellement besoin.

Nous devons saisir émotivement – dans nos tripes – ce qui est en train de se produire sous nos yeux et qui s’accélère sans cesse afin de comprendre la gravité de cette inaction qui menace de bousiller l’avenir de nos enfants de manière de plus en plus concrète.

Réintégrer le contexte dans l’art

Pourtant, l’art québécois ne nous en parle que très peu. Et encore… Si une série comme Après le crash peut exister, pour remettre enfin timidement (mais efficacement) en question le système capitaliste, n’y a-t-il pas quelque chose de troublant et dissonant dans le fait de voir une des comédiennes principales apparaître quelques mois plus tard dans des publicités sur l’« Adrénalinologie » de Nissan, pesant sans pudeur sur l’accélérateur de ce même système, nous enfonçant à pleine vitesse dans la culture du char ? Où sont les arts ? Où sont les réflexions profondes des artistes que nous aimons sur la question ?

Si on en arrive à penser que l’art ne sert à rien, c’est peut-être parce qu’on cherche à faire de l’art comme d’habitude, en faisant abstraction du contexte de crise sans précédent dans lequel on se trouve.

Pour survivre à ce que nous traversons et traverserons, je nous souhaite un monde rempli d’art. De l’art vivant et émouvant, connecté sur ce qui se passe, sur ce que la population vit. Un art qui nous pousse à repenser au « nous » plutôt qu’au « je », qui nous fait sentir que le tout est plus grand que la somme des parties et qui nous bouscule dans nos convictions, dans notre confort individuel et dans notre luxueuse inaction.

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