Vingt ans après la politique « Chez soi, le premier choix », est-ce normal que nos parents, nos grands-parents et nos proches doivent attendre d’être très malades pour recevoir des soins à domicile adaptés ? Peut-on accepter que les personnes âgées, celles qui ont contribué toute leur vie à notre société, soient hébergées en CHSLD prématurément, alors que des services offerts en amont auraient pu l’éviter ?

La Commissaire à la santé et au bien-être (CSBE) vient tout juste de publier le deuxième tome de ses rapports sur l’appréciation de la performance des soins et des services de soutien à domicile (SAD). Encore une fois, ce rapport souligne que le Québec fait bien piètre figure par rapport au reste du Canada et aux autres pays de l’OCDE. Très peu d’importance est accordée aux soins préventifs avant que la personne ne devienne très dépendante dans ses soins quotidiens.

À titre d’exemple, l’ouvrage de la Commissaire met en lumière une statistique bien préoccupante, soit que 10 % des utilisateurs de soins à domicile se partagent près de 70 % des services. Ces personnes très malades en ont absolument besoin pour éviter de se retrouver en CHSLD. Mais qu’en est-il de celles moins malades qui pourraient bénéficier d’aide à domicile pour préserver leur santé ? Il ne reste que très peu du budget pour elles, malheureusement ! « Nous sommes désolés, monsieur, vous n’êtes pas assez malade ». Voici ce que certains de mes patients me racontent avoir obtenu comme réponse.

La Commissaire rapporte également que seulement 13,5 % des patients en perte d’autonomie ou avec une déficience physique estimaient avoir reçu suffisamment d’heures de SAD pour combler leurs besoins.

Ainsi, presque 9 patients sur 10 ne reçoivent pas de services adéquats du réseau public de santé.

Rappelons également que 19 000 personnes sont actuellement en attente d’un premier service au Québec et que ces personnes risquent de voir leur santé continuer de se détériorer. De plus, leurs proches aidants, s’ils en ont, s’épuisent pour pallier les services inexistants. Dans un avenir rapproché, ces personnes et leurs proches nécessiteront encore plus de soins et engorgeront un système de santé déjà précaire.

La prévention est la clé

En tant qu’infirmière praticienne spécialisée, je suis très préoccupée de constater qu’avec le vieillissement de la population, la situation ne fera que se détériorer à la « vitesse grand V » si le gouvernement n’améliore pas le financement du SAD et ne vise pas à offrir des services à toutes les personnes qui pourraient en bénéficier.

Les soins à domicile ne devraient pas être offerts qu’aux personnes très malades, mais devraient viser autant le bien-être psychologique que physique et le maintien des capacités existantes.

Par exemple, une personne atteinte de la maladie de Parkinson devrait recevoir préventivement les soins d’un ou une kinésiologue à domicile pour de l’activité physique adaptée, afin qu’elle puisse préserver sa capacité de marche. De la même façon qu’un proche aidant épuisé doit recevoir du répit pour éviter de développer des problèmes de santé physique ou mentale, sans se faire répondre que les services lui sont refusés, car sa conjointe n’est pas atteinte de troubles cognitifs assez sévères. La promotion de la santé et la prévention de la maladie ne sont pas une dépense, mais un investissement pour le futur en prévenant un besoin de services plus important.

Alors que l’élaboration du plan d’action 2024-2029 issu de la politique « Vieillir et vivre ensemble » est en cours, nous encourageons toute la population à répondre à un court sondage visant à présenter vos idées de solutions aux enjeux du vieillissement. Le sondage est disponible jusqu’au 21 juillet 2023 et ne prendra que quelques minutes.

Afin que les proches aidants, les personnes âgées et nous-mêmes recevions des soins et services adaptés, il faut changer la mentalité actuelle. Il faut cesser de se préoccuper uniquement des personnes très malades et à l’hôpital afin d’opter aussi pour une approche plus préventive pour notre avenir. Il faut que la population fasse savoir qu’elle veut des soins à domicile adaptés et accessibles pour tous et qu’elle soit entendue dès maintenant ! Ce sont les petits gestes individuels qui se traduisent en grands changements.

* Cosignataires : Anne Bourbonnais, infirmière, professeure titulaire, Faculté des sciences infirmières (FSI), Université de Montréal, Chaire de recherche en soins infirmiers à la personne âgée et à la famille, et ses étudiants Vincent Thériault, infirmier, étudiant au doctorat (FSI), Paoula Pijeaud-Paul, infirmière, étudiante à la maîtrise (FSI), Justine Wu, infirmière, étudiante à la maîtrise (FSI) et Adriana K. Ferreira, étudiante à la maîtrise (santé publique) ; Maude Dessureault, infirmière, professeure agrégée au Département des sciences infirmières, UQTR ; Nicole Dubuc, infirmière, professeure titulaire et Didier Mailhot-Bisson, infirmier, professeur adjoint, École des sciences infirmières, Université de Sherbrooke ; Stéphanie Daneau, infirmière, professeure adjointe, FSI, Université de Montréal

Consultez le site de la consultation publique sur la politique « Vieillir et vivre ensemble, chez soi, dans sa communauté, au Québec » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion