Ce texte est inspiré de l’allocution d’ouverture à la « IFIP 20th International Conference on Product Lifecycle Management » qui a lieu à Montréal du 9 au 12 juillet.

La Norvège a su bâtir le plus gros fonds d’investissement souverain au monde avec ses revenus pétroliers, transformant ainsi ses ressources naturelles en capital (dont les intérêts et non le capital permettent de payer l’épicerie). Pourquoi ne ferions-nous pas de même avec nos minéraux critiques ?

Contrairement au pétrole et au gaz qui disparaissent en fumée (toxique) une fois utilisés mondialement, les minéraux critiques restent et offrent ainsi une occasion en or de multiples gains monétaires à saisir.

Depuis le lancement de la Nouvelle Stratégie canadienne sur les minéraux critiques en décembre 2022, et l’annonce récente de la Vallée de la transition énergétique (troisième zone d’innovation), le temps est venu d’explorer de nouveaux modèles de création et de capture de valeur au sein de l’écosystème de la batterie du véhicule électrique.

Ancrée dans les principes de l’économie circulaire, cette stratégie s’appuie sur cinq segments de la chaîne de valeur des minéraux critiques, dont « la fabrication de pointe et le recyclage ».

L’utilisation du véhicule électrique est une étape importante entre ces deux derniers segments. Autant la conduite que les pratiques et fréquences de recharge influencent la durée d’utilité de la batterie, et ce, pour le véhicule en question et son second usage.

Chaîne de valeur

Développer un jumeau numérique de la batterie permettrait d’en suivre la santé en temps quasi réel (lors de chaque recharge par exemple).

On pourrait ainsi optimiser son exploitation, en suggérant le moment idéal du passage à une seconde vie et le type d’usage à favoriser : des bicyclettes électriques aux systèmes de stockage d’énergie à grande échelle pour les bâtiments.

Faisant miroiter les milliards, cette stratégie est par ailleurs muette sur les moyens de générer de tels revenus en matière de fabrication de pointe. La stratégie prône de limiter l’exportation des minéraux critiques pour ensuite les réimporter sous forme de biens, ce qui implique de « bâtir des écosystèmes industriels où toutes les étapes de la chaîne de valeur sont disponibles et intégrées au pays », réduisant ainsi la production de gaz à effet de serre reliés à leur transport.

PHOTO RONNY HARTMANN, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Batteries lithium-ion fabriquées par Volkswagen et destinées aux véhicules électriques

Or, la petite taille du marché canadien et le fait que nous n’avons pas encore de quotas de ventes de véhicules électriques nuisent à cette volonté qu’une grande partie de la chaîne de valeur demeure au pays. Car c’est bien de cela qu’il s’agit puisqu’on vise aussi la capture de la valeur de minéraux critiques en augmentant les exportations.

Il ne faut pas se leurrer. Une fois la batterie du véhicule électrique installée et exportée, cette batterie ne reviendra pas chez nous pour un second usage, son recyclage et la réinsertion des minéraux dans la chaîne de valeur. À toutes les étapes de la transformation de ces minéraux critiques, une portion non négligeable sort du pays.

Louons nos batteries !

Et si on louait la batterie du véhicule électrique plutôt que la vendre ? Après tout, Michelin mise bien sur la location de ses pneus ! Mettant à profit notre expertise en matière de traçabilité des aliments, nous avons certainement la capacité de mettre en place un système de traçabilité et de location des batteries des véhicules électriques.

Pour ce faire, une norme internationale pour la fabrication et l’usage de la batterie du véhicule électrique devrait voir le jour. Pour l’instant, la technologie n’est pas encore suffisamment stabilisée, et de nombreux grands acteurs bataillent ferme pour la domination mondiale.

Fort de sa deuxième place au classement des chaînes d’approvisionnement, le Canada est en excellente position.

Pour nous assurer que nos technologies deviennent les « conceptions dominantes » (dominant design) à l’international, nos petites entreprises ont besoin d’appuis pour naviguer l’appareil réglementaire, voire y contribuer, et s’imposer dans le développement des normes internationales. Une approche écosystémique est nécessaire et c’est là que la zone d’innovation de la Vallée de la transition énergétique trouve tout son sens.

Comme la plupart des Québécois ont encore en travers de la gorge le fer à « 1 cent la tonne », il est bon de rappeler que le Québec est encore un cancre au niveau des redevances minières.

Au lieu de brader nos minéraux critiques à des prix dérisoires à de grandes multinationales, pourquoi ne les louerait-on pas ? De cette façon, si les matériaux de pointe et les batteries de véhicules électriques sont exportés, ou que leur recyclage est fait dans un autre pays, des revenus de location pourraient contribuer à payer l’épicerie. La traçabilité des batteries et des minéraux critiques pour en faire la location pourrait par exemple exploiter les technologies de chaînes de blocs.

Refusant de se faire dicter sa conduite par les Meta et Alphabet, le Canada, tel un David, semble avoir développé une appétence pour les batailles contre les Goliath de ce monde. Pourquoi ne pas poursuivre sur cette lancée et réclamer notre dû en matière de minéraux critiques ?

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