Dans une lettre d’opinion parue le 28 juin, 14 mairesses et maires réclamaient du gouvernement du Québec l’instauration d’un registre des loyers comme solution pour assurer l’abordabilité des loyers. De toute évidence, leur revendication suit une logique politique plutôt qu’économique.

Présentement, la demande de logements est plus forte que l’offre. Cela crée une rareté qui contribue à pousser les loyers à la hausse. L’inflation des coûts de construction et la remontée des taux hypothécaires sont les principaux freins à l’accroissement de l’offre pour rééquilibrer le marché.

Ces mairesses et maires disaient : « Il faut des solutions pour stopper l’inflation ». Bonne idée. Ont-ils pensé à assouplir leurs innombrables exigences réglementaires pour construire, lesquelles accentuent la détérioration de l’abordabilité ? Si l’habitation est leur véritable priorité, pourquoi ne font-ils pas de meilleurs choix budgétaires afin de ralentir l’inflation de leurs taxes municipales qui augmentent plus vite que l’inflation générale ?

Au cours des 20 dernières années, le taux d’augmentation des taxes municipales a presque toujours été supérieur à celui de l’inflation (sauf en 2021, année électorale et lors de laquelle le gouvernement du Québec leur a transféré 800 millions pour les impacts de la pandémie, ainsi qu’en 2022-2023, où le taux d’inflation a bondi).

Il est commode de se servir des propriétaires immobiliers comme couverture pour refiler ces taxes dans les loyers, puis dénoncer que ces mêmes loyers sont trop chers. Les aînés dans nos résidences n’ont pas des revenus qui augmentent au rythme des taxes et des coûts inhérents au maintien en activité d’une RPA.

En économie, tout le monde sait que plus on impose des contraintes, plus on fait fuir l’offre, plus on accentue la rareté, plus les prix montent… Derrière leur discours, les mairesses et les maires le savent aussi. Un registre des loyers pour contrer les augmentations de loyer abusives ? Les tenants de cette option ignorent ce qu’est une augmentation de loyer abusive ; ils regardent la variation du loyer uniquement lors du déménagement plutôt que sur la longue période durant laquelle il progressait moins vite que l’inflation.

Plus de 500 résidences pour aînés (RPA) ont fermé au Québec depuis cinq ans. Pour la majorité, le modèle économique revenus/dépenses n’était simplement plus viable. Les aînés de certaines régions sont désormais moins bien desservis. Pourtant, le Québec a une population d’aînés qui augmente fortement et qui requiert davantage de ces précieux services qu’offraient ces RPA.

De très nombreux aînés paient des loyers nettement sous la valeur de l’unité qu’ils habitent et des services qu’ils reçoivent. Cela s’explique par le fait qu’ils y vivent depuis plusieurs années, parce que les gestionnaires de résidences sont conscients et se résignent devant leur incapacité de payer plus, aussi parce que des relations humaines étroites se développent en RPA, ce qui implique de mettre la calculatrice de côté. C’est admirable, mais ces RPA finissent par être déficitaires.

Instaurer un registre des loyers pour permettre aux nouveaux résidants de bénéficier de l’ancien loyer qui n’avait pas suivi l’inflation, c’est vouloir contrôler un prix sans s’intéresser le moindrement à l’évolution des coûts. Cela aurait assurément pour effet d’accélérer les fermetures parmi les 1467 RPA qui subsistent au Québec et de faire fuir quiconque songeait encore à en ouvrir une. À moins que les familles gardent auprès d’elles leurs aînés, le manque d’unités en résidences va coûter beaucoup, beaucoup plus cher aux gouvernements, tous paliers confondus, et donc aux contribuables.

La solution est évidente : il faut rééquilibrer l’offre et la demande en stimulant le développement de nouveaux projets immobiliers, des RPA comme des immeubles d’appartements, en utilisant les outils économiques et de simplification administrative à la portée du gouvernement du Québec et des municipalités. Il ne faut pas opter pour des mesures défensives provoquant l’effet inverse.

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