Les auteurs s’adressent au premier ministre François Legault et à la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau

Tous les Québécois, toutes les Québécoises vous ont entendus ces derniers jours minimiser la crise du logement. Au moment où des milliers de personnes, locataires pris à la gorge ou jeunes familles incapables d’acheter leur premier appartement ou leur première maison, sont dans une situation précaire, vous discutez des droits des propriétaires ou alors d’un Québec supposément « pauvre » qui doit bien assumer les désagréments d’une hausse immobilière sans précédent. C’est absolument navrant.

Et voilà que des femmes aînées sont évincées de leur logement et se retrouvent dans des refuges pour femmes itinérantes⁠1 ! À briser le cœur.

Les intervenantes font leur gros possible pour les accueillir, mais manquent déjà de places et de bras pour assumer leurs responsabilités habituelles. Voilà pourquoi nous vous écrivons ensemble aujourd’hui. Le projet de loi 31 déposé récemment par la ministre de l’Habitation, en plus de comporter plusieurs problèmes relevés par les organismes actifs dans le secteur du logement, ne fait aucune place à la question des locataires aînés.

Un rappel

En 2016, dans un geste rarissime pour un parti d’opposition, Québec solidaire a réussi un tour de force en faisant adopter le projet de loi 492 visant à interdire les évictions de personnes âgées de 70 ans et plus vivant dans leur logement depuis au moins 10 ans et ayant des revenus modestes.

Depuis sept ans, cette loi a permis à beaucoup d’aînées et d’aînés de rester dans leur logement sans avoir peur de se faire évincer. Il est plus que temps d’élargir la portée de cette loi. Jeter des aînés à la rue pour faire des flips immobiliers, des Airbnb ou des condos de luxe alors qu’on vit la pire crise du logement au Québec en 20 ans n’a aucun sens. Ce n’est pas ça, prendre soin de celles et ceux qui ont beaucoup donné à la société québécoise et méritent un respect élémentaire.

Quand le rénovicteur en série Henri Zavriyev a mis la main sur les 200 logements de la résidence pour aînés de Mont-Carmel avec l’intention d’en évincer les locataires et de « faire une piastre », c’est tout le Québec qui a été choqué. Avec raison.

Le combat des personnes aînées de Mont-Carmel est devenu un symbole de résistance face aux spéculateurs immobiliers. Mont-Carmel, c’est le lieu emblématique de la lutte pour le droit des aînés au logement, pour le droit à la dignité. Mais nous devons penser aux nombreuses personnes aînées dont la détresse est silencieuse et méconnue. Des femmes, surtout. Elles n’ont pas encore 70 ans et ne sont pas protégées par la loi 492.

Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est un moyen concret pour mieux protéger les aînés des évictions : élargir la portée de la loi actuelle afin d’inclure les personnes de 65 ans et plus qui vivent dans leur logement depuis au moins cinq ans, et rehausser le revenu maximal des personnes protégées par la loi.

Cela permettrait de mettre un plus grand nombre de personnes aînées à l’abri des évictions. Et savez-vous quoi ? Ça ne coûterait pas un sou à l’État !

Nos parents et nos grands-parents ont bâti le Québec d’aujourd’hui ; ils et elles méritent de vieillir dans la dignité et dans la sécurité. Si vous avez du cœur et de la considération pour les personnes aînées du Québec, élargissez la portée de la loi adoptée en 2016 et votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale. Y compris par vous, Monsieur Legault !

1. Lisez l’article de Lila Dussault dans La Presse : « Poussée à la rue à 67 ans » Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion