Au nom de l’Alliance des patronats francophones, le Conseil du patronat du Québec accueillait plus tôt cette semaine à Québec la troisième rencontre des entrepreneurs francophones. Au menu, des discussions sur les occasions offertes par la transition énergétique, l’avenir technologique en 2035, la décarbonation et la compétitivité ainsi que la résilience des chaînes logistiques.

Après ceux de Paris et d’Abidjan, ce rassemblement est l’initiative du regroupement de grandes entreprises issues de 28 organisations patronales provenant de 28 pays.

Certes, le dynamisme des organisateurs et le charme de la ville de Québec opèrent, mais le danger qui nous guette est de nous adonner au militantisme et au tourisme d’affaires sans véritables feuilles de route et sans objectifs clairs. Depuis une vingtaine d’années, on ne compte plus le nombre d’évènements qui ont tenté, avec plus ou moins de succès, de propulser la francophonie économique.

Une avalanche de réseaux

En mai 2008, la ville de Québec a accueilli la première rencontre internationale de la francophonie économique (RIFÉ 1). Quatre ans plus tard, la RIFÉ 2 s’y est réunie à nouveau dans le cadre du Forum mondial de la langue française. Un peu comme si on avait arrêté le temps, les mêmes recommandations que lors de la RIFÉ 1 ont été faites à quelques mots près, dont la mise sur pied d’un visa d’affaires pour favoriser la mobilité des acteurs économiques.

Apparaît aussi sur l’écran radar une recommandation visant à développer un espace numérique francophone au service des acteurs économiques et à doter la francophonie d’une marque d’excellence en matière économique.

En y ajoutant le développement durable et la résilience des chaînes logistiques, la plupart de ces thèmes ont été à nouveau abordés 10 ans plus tard, en juillet 2022, lors des Rendez-vous d’affaires de la francophonie organisés par Québec international, le Centre des congrès et la Conférence permanente des chambres consulaires africaines et francophones (CPCCAF). Et l’invitation est déjà lancée pour accueillir la deuxième édition des Rendez-vous, à l’été 2024.

À cette avalanche de réseaux et d’organisations, il faut ajouter des électrons libres comme le Forum francophone des affaires (FFA), le Groupement du patronat francophone (GPF) et encore bien d’autres qui se disputent souvent les mêmes clientèles et se sont développé une petite industrie de l’évènementiel à l’international.

Moteur économique

Ce survol historique montre le caractère éphémère de ces évènements, aussi intéressants soient-ils sur le plan relationnel et bénéfiques par les retombées économiques en termes touristiques. Bien qu’il soit toujours difficile et hasardeux de mesurer les impacts de telles activités de réseautage, il faut pourtant se questionner sur leurs retombées réelles en l’absence de feuilles de route, de suivis, de projets structurants à réaliser et de comptes à rendre.

Car la Francophonie peut contribuer aux grands défis économiques mondiaux par ses nombreux réseaux, par les valeurs qu’elle promeut, par les leviers financiers de ses grandes institutions nationales (la CDPQ, par exemple), par la solidarité et les partenariats nord-sud et sud-sud.

Il faut rappeler que fort d’un taux de croissance annuel de 7 % et comptant pour 16 % du PIB mondial, l’espace francophone a le potentiel et la légitimité pour devenir un véritable moteur économique.

Le simple fait de négocier entre deux pays appartenant à cet espace permet d’ailleurs à ceux-ci d’augmenter de 18 % leurs flux commerciaux et de 4,2 % en moyenne leur richesse par habitant.

Caractérisée par un marché de 540 millions de personnes, la francophonie devrait atteindre les 700 millions en 2050 sous l’impulsion de la démographie africaine. L’espace francophone compte pour 20 % des échanges mondiaux de marchandises et abrite 14 % des réserves mondiales de ressources minières et énergétiques. Ce potentiel est nettement sous-exploité.

De plus, il n’y a pas de doute que la vitalité de la langue française dans le monde est directement liée aux flux économiques, dont la communication et les transactions se font en français. Il en va de même pour le marché du travail. Cela est d’autant plus vrai pour la jeunesse, qui choisira la langue française à la condition de pouvoir vivre en français sur le marché du travail.

Traduire les idées en actions pérennes

La mobilité des gens d’affaires, la culture entrepreneuriale, l’accès au financement, la création de plateformes numériques et de conditions gagnantes pour affronter les grands défis socioéconomiques de l’espace francophone étaient d’actualité il y a 15 ans et le resteront demain. À ces enjeux se superposent aujourd’hui les questionnements fondamentaux sur les opportunités liées au développement et à la mobilité durables, à la transition énergétique, à l’intelligence artificielle et au développement de chaînes logistiques.

Le grand défi à présent n’est plus seulement de formuler et d’échanger des idées lors de grands rendez-vous d’affaires internationaux. Il faut passer à un autre niveau et traduire ces idées en actions pérennes et structurantes. C’est la seule façon de créer une marque d’excellence francophone sur le plan économique qui soit durable.

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