Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) est sans aucun doute l’une des plus grandes réalisations au Québec des dernières décennies. Mais depuis quelques années, force est de constater que l’un des trois piliers de BAnQ, la Grande Bibliothèque, se dégrade un peu plus chaque jour sous nos yeux. À l’image de Montréal elle-même, elle est souvent sale et déplorable.

Ouverte en mai 2005, la Grande Bibliothèque nous apparaissait alors comme un véritable joyau architectural, un haut lieu du savoir et de la culture générale accessible à tous, baignant les visiteurs dans la lumière. Un trésor national rempli de livres, de films, de journaux, de musique, de BD, etc. En somme, d’innombrables possibilités de découvertes. Or, depuis quelques années maintenant, l’état des lieux s’est nettement détérioré et une simple visite de la plus grande bibliothèque francophone d’Amérique du Nord vous suffira pour le constater.

D’abord, en y mettant les pieds, vous découvrirez que le bruit y est effarant, assommant. Truffé de cafés-restaurants et d’activités de toutes sortes, tant pour les adultes que pour les enfants, le hall d’entrée et le rez-de-chaussée ont parfois des allures de centre commercial, de foire de quartier, si ce n’est d’immense garderie.

Des gens de tous âges parlent fort, pendant que des enfants crient, courant dans tous les sens… Bonne chance, simplement pour y lire un magazine ou un journal.

Alors qu’on exigeait à une certaine époque un silence révérencieux, absolu, voire sacré, dans les bibliothèques publiques au Québec, aujourd’hui, trop de gens parlent sur leur cellulaire, discutent sur un gadget portable ou, pire, sont en réunion virtuelle au poste de travail juste à côté de nous. « Oui, alors aujourd’hui, à l’ordre du jour… » Non, mais vous déconnez ?

Et notons au passage que ce bruit immonde et épouvantable se décuple d’heure en heure, résonnant jusqu’aux troisième et quatrième étages.

Itinérance, drogue et crise psychotique

Étant située au cœur du Quartier latin à Montréal, à proximité du parc Émilie-Gamelin, la Grande Bibliothèque attire forcément une frange importante de sans-abri qui fréquentent ce coin de quartier mal aimé. Faute de services publics et de ressources externes suffisantes pour accompagner ces gens dans le besoin, bon nombre de sans-abri et de personnes aux prises avec un problème de santé mentale se réfugient à la Grande Bibliothèque pour pouvoir se reposer. Alors que certaines personnes parlent seules dans un coin, d’autres dorment dans un fauteuil confortable.

Les toilettes publiques ressemblent parfois à une piquerie et il n’est pas rare non plus d’observer des gardiens de sécurité devant intervenir auprès d’une personne en crise afin de l’expulser.

Et c’est sans parler des nombreux prédateurs et « téteux de filles » qui rôdent sans cesse à la Grande Bibliothèque à la recherche de (très) jeunes filles… Oui, c’est moi qui vous le dis.

Punaises, saletés et détritus

En 2019, il y eut également un long épisode de punaises de lit. Pour résoudre le problème, la Grande Bibliothèque a alors installé des fauteuils antiparasitaires⁠1. Or, depuis la pandémie, bizarrement, l’endroit semble faire face à un véritable déficit d’entretien et de nettoyage. Les surfaces de travail et les tapis sont souvent sales, et plusieurs fauteuils sont tachés, en mauvais état ou abîmés.

Des déchets et détritus gisent parfois au même endroit pendant des semaines, voire des mois, et si vous fréquentez l’endroit régulièrement, vous retrouverez les mêmes taches de café que la veille ou la semaine précédente. À croire que plus personne ne passe l’aspirateur sur les tapis, où circulent pourtant des milliers de personnes chaque jour, ni ne nettoie les surfaces de travail. C’est plutôt préoccupant et dégueulasse. Et si l’on se fie finalement au nombre de trappes installées sur les différents étages, la Grande Bibliothèque semble avoir un sérieux problème de souris – sans doute en raison des interminables excavations sur le boulevard de Maisonneuve juste à côté.

Bref, comme bon nombre de projets et d’individus, dans ce coin malfamé de Berri-UQAM, trop souvent laissés à eux-mêmes et négligés, notre trésor national qu’est la Grande Bibliothèque aurait-il aussi grandement besoin de soins, de silence et d’amour ?

1. Lisez l’article de Suzanne Colpron dans La Presse
Qu'en pensez-vous? Exprimez votre opinion