La mise à jour du Plan québécois des infrastructures (PQI) en mars dernier montre encore une importante augmentation du déficit de maintien d’actifs (DMA) des infrastructures. Cet enjeu continue de préoccuper le comité des politiques publiques (CPP) de l’Association des économistes québécois (ASDEQ).

Des infrastructures publiques en bon état – réseaux de transport, écoles et hôpitaux – contribuent à la performance économique du Québec et à la capacité de l’État québécois de livrer les services promis à la population.

Comprendre le DMA

Le DMA représente la valeur des travaux requis immédiatement pour remettre dans un état acceptable les infrastructures publiques. Le DMA est une mesure dynamique : les travaux effectués dans une année pour le résorber le réduisent, mais l’usure du temps et les détériorations identifiées par les nouvelles inspections l’augmentent. Malgré les importantes augmentations du budget alloué au PQI dans les dernières années, le DMA a doublé, passant de 17,6 milliards de dollars en 2017 à près de 35 milliards en 2023.

Deux faits simples expliquent cette situation paradoxale. En premier lieu, les sommes allouées au maintien des actifs existants étaient insuffisantes en 2017, et ce, depuis plusieurs années.

De plus, de 2017 à 2022, les choix budgétaires du gouvernement ont priorisé la construction de nouvelles infrastructures plutôt que la remise à niveau des infrastructures existantes.

Comme le montre le tableau qui suit, les sommes allouées à l’ajout d’infrastructures ont crû quatre fois plus vite entre 2017 et 2022 (121 %) que celles allouées au maintien des actifs existants (30 %).

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L’inflation dans les coûts de construction nous rattrape

L’augmentation des budgets alloués aux infrastructures a eu un impact direct sur l’industrie de la construction. Les appels d’offres beaucoup plus nombreux ont entraîné non seulement une augmentation importante des heures travaillées, mais aussi une pression sur les entrepreneurs, architectes et ingénieurs. Sans surprise, l’inflation des coûts dans l’industrie s’est accélérée.

La Société québécoise des infrastructures (SQI) a observé que l’inflation dans les coûts de construction des bâtiments institutionnels a dépassé l’inflation générale de plus de 2 % annuellement entre 2017 et 2021.

Cet écart d’inflation a fortement augmenté en 2022. Les dépassements de coûts des rénovations de l’hôpital Maisonneuve-Rosemont et de la réfection du pont-tunnel Louis-Hippolyte-La Fontaine n’en sont que des exemples spectaculaires.

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Cette inflation démontre que la demande pour les travaux a maintenant atteint et même dépassé la capacité de l’industrie. Ce problème ne peut pas être résolu par des augmentations de budget qui ne feraient qu’amplifier l’inflation dans l’industrie. Cette inflation a aussi un impact direct sur le DMA en augmentant le coût des travaux nécessaires à la remise en état des infrastructures existantes. Elle rend aussi plus coûteux les investissements des entreprises dans leurs installations pour améliorer notre compétitivité.

Le gouvernement semble maintenant préoccupé par cette situation. Jusqu’à récemment, la SQI prévoyait une hausse annuelle des coûts de construction de 5 % d’ici 2027. Le ministère des Finances du Québec, responsable maintenant de ces prévisions, espère voir l’inflation dans la construction retomber à 2 % d’ici 2024 comme l’inflation générale. Aucun changement attendu dans l’offre et la demande pour les travaux de construction n’a été évoqué pour justifier ces nouvelles prévisions.

Urgence de corriger le tir

Le gouvernement a alloué au maintien d’actifs la plus grande partie des nouveaux investissements au PQI 2023-2033. Ce pas dans la bonne direction sera insuffisant pour arrêter la croissance du DMA. Il faut en urgence retarder les projets pour de nouvelles infrastructures, et réallouer les sommes économisées à la remise en état des actifs existants.

Compte tenu de cette situation, et tel que le CPP l’avait déjà recommandé, tous les projets pour de nouvelles infrastructures devraient aussi être soumis à des analyses coût-bénéfice rigoureuses pour déterminer si le besoin justifie la solution proposée, et pour trouver les solutions de rechange les moins coûteuses. Tel que le CPP l’a déjà indiqué, cette recommandation devrait évidemment s’appliquer au projet de troisième lien à Québec. Le CPP ne peut que constater à nouveau l’absence de telles études pour la nouvelle mouture de ce projet rendue publique récemment par le gouvernement.

À l’approche de l’été, plusieurs choisiront de voyager au Québec. Nous aurons ainsi l’occasion de constater de nos yeux pourquoi le réseau routier compte pour environ 60 % du DMA global des infrastructures au Québec. Bon été malgré tout !

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