Le monde doit passer au zéro émission nette. C’est impératif. Le Canada fait son devoir pour contribuer au ralentissement des changements climatiques. En effet, dans son plus récent budget, le gouvernement fédéral prévoit 21 milliards de dollars en crédits d’impôt pour stimuler l’investissement dans des technologies à faibles émissions de carbone. Ce volet de la politique canadienne sur les changements climatiques est solide.

Cependant, le financement en matière d’adaptation aux phénomènes météorologiques extrêmes est insuffisant. Et ce, bien qu’il soit urgent d’agir. Pensons aux inondations, aux incendies de forêt, à la chaleur extrême et à une dizaine d’autres évènements qui bouleversent la vie des gens et l’économie.

En un an, le Québec a été frappé par plusieurs évènements météo extrêmes, dont un derecho en mai 2022, une tempête de pluie verglaçante en avril 2023 et des inondations ce printemps. Ces derniers jours, ce sont plus de 150 incendies de forêt qui terrassent la province. L’Alberta et la Nouvelle-Écosse brûlent aussi. Rappelons que les incendies qui avaient frappé Fort McMurray en 2016 ont causé près de 9 milliards de dollars en dégâts à eux seuls. Ces catastrophes montrent l’urgence pour les gouvernements d’investir davantage pour protéger les gens.

Dans le budget fédéral, environ 25 millions de dollars par année sont destinés à aider les Canadiens et les entreprises à s’adapter aux changements climatiques. Ces fonds serviront principalement à établir un programme d’assurance contre les inondations à coût modique pour protéger les résidants exposés à des risques élevés, ainsi qu’à moderniser l’aide fédérale aux provinces après des inondations.

Mais le budget ne prévoit pratiquement rien pour les incendies de forêt et la chaleur extrême. C’est surprenant considérant qu’en 2021 seulement, le Québec a été frappé par 16 vagues de chaleurs extrêmes et a enregistré 149 décès liés à la chaleur.

Le financement prévu au budget s’ajoute au 1,6 milliard de dollars annoncé dans la Stratégie nationale d’adaptation de 2022 pour les mesures d’adaptation. La Stratégie constitue un engagement important de la part du gouvernement fédéral, et, à ce titre, il mérite des félicitations. Cela dit, même si ce financement – que le ministre de la Protection civile, Bill Blair, a qualifié d’« acompte » – est un pas dans la bonne direction pour le Canada, le financement pour l’adaptation aux changements climatiques demeure largement insuffisant.

Des disparités avec les États-Unis

Non seulement y a-t-il un manque de financement au Canada pour la résilience climatique, tous risques confondus, mais il y a aussi des disparités importantes avec ce que font les États-Unis, notre plus grand partenaire commercial. L’an dernier, l’Inflation Reduction Act a alloué quelque 30 milliards de dollars américains à l’adaptation, en finançant le développement de pratiques agricoles, la protection contre les incendies de forêt et le renforcement des côtes. De plus, le budget 2023 du président Biden prévoit encore 18 milliards de dollars américains pour des programmes de résilience et d’adaptation aux changements climatiques.

En examinant ces chiffres, on constate que le gouvernement canadien investit de trois à quatre fois moins par habitant que le gouvernement américain.

À ce déséquilibre s’ajoute un autre problème : le Canada se réchauffe trois fois plus rapidement que les États-Unis, ce qui augmente fortement l’intensité et le coût des intempéries partout au pays.

Les conditions météorologiques extrêmes continuent de montrer des failles dans nos chaînes d’approvisionnement, nos réseaux d’électricité, nos axes de transport et nos réseaux de communication – sans compter les nombreuses interdépendances des infrastructures. Cela entraînera assurément des conséquences disproportionnées sur le PIB du Canada par rapport à l’économie américaine, plus résiliente.

Donc : où le Canada devrait-il investir ses fonds pour « rattraper » ce retard et combler les lacunes au chapitre de l’adaptation aux changements climatiques ?

Premièrement, dès cette année, il faut augmenter de 1 milliard de dollars sur cinq ans le financement accordé à l’Initiative canadienne pour des maisons plus vertes de Ressources naturelles Canada. Actuellement, ce programme accorde des subventions pour améliorer l’efficacité énergétique des maisons. De nouveaux fonds devraient être réservés aux mesures d’adaptation afin de créer un guichet unique pour aider les gens à améliorer l’efficacité énergétique de leur maison, mais aussi à la protéger contre les inondations.

Deuxièmement, il faut augmenter le financement du Fonds d’atténuation et d’adaptation en matière de catastrophes (FAAC) à 10 milliards de dollars sur cinq ans dès 2023. Ce programme d’Infrastructure Canada appuie des projets d’infrastructures publiques conçus pour réduire les catastrophes naturelles et les risques liés aux changements climatiques comme les inondations, les incendies de forêt et les sécheresses.

Ces engagements financiers peuvent sembler colossaux. Il faut plutôt les voir comme un investissement pour protéger notre économie. On entend souvent dire qu’investir dans l’adaptation coûte cher. C’est faux. En fait, des études réalisées par la Global Commission on Adaptation (dont le Canada est un membre fondateur), le World Resources Institute, le Bureau d’assurance du Canada et le Centre Intact pour l’adaptation au climat démontrent que chaque dollar investi dans l’adaptation génère, au minimum, de 3 à 8 $ en pertes évitées par décennie.

Le temps presse. Il est urgent que le gouvernement fédéral et le secteur privé investissent ensemble pour limiter le coût des phénomènes météo extrêmes. Le « budget de réduction des gaz à effet de serre » du printemps 2023 doit être complété d’un « énoncé économique sur l’adaptation aux changements climatiques » à l’automne. Réduire l’écart permettra au Canada de protéger sa population et son économie alors que le climat continuera de représenter un défi de plus en plus grand, alimenté par des changements irréversibles.

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