L’insécurité alimentaire⁠1 au Québec semble atteindre des sommets et les banques alimentaires du Québec enregistrent une hausse historique de demandes. Certaines clament même manquer de denrées. Paradoxalement, nous n’avons jamais autant entendu parler de gaspillage alimentaire. Cela à un point tel que nos élus débattaient récemment de l’utilité de légiférer pour contribuer à le contrer.

Mission Bon Accueil est la plus grande porte d’entrée pour aider les Montréalais dans le besoin. À ce titre, elle exploite notamment deux épiceries gratuites situées à Montréal-Nord et à Saint-Henri, lesquelles desservent plus de 7000 personnes chaque semaine. Cela correspond à la distribution de plus de 1,5 million de tonnes de nourriture annuellement, dont 75 % sont constitués de produits périssables.

Bien sûr, une portion provient d’ententes avec des commerces pour la récupération des denrées. Cela constitue un maillon essentiel pour alimenter les services de dépannage d’urgence, en plus d’être favorable à l’environnement. Par ailleurs, une proportion importante est également achetée pour contribuer à répondre à l’ampleur des besoins, en temps requis.

Ainsi, ces chiffres impressionnants nous placent aux premières loges de cette réalité, de ses possibilités et de ses limites.

Je repose donc la question : projet de loi ou projet de société ?

Ce qui m’étonne d’abord est que cette association entre les deux enjeux ne fasse pas partie du débat.

Je me permets d’émettre l’hypothèse suivante : si on « organisait » davantage notre réseau de récupération\redistribution pour éviter le gaspillage tout en nourrissant adéquatement les besoins ? Tout d’abord, exploiter une banque alimentaire requiert une organisation et une infrastructure en soi. Au lieu de multiplier les petits efforts, voyons grand pour rendre disponible rapidement et en quantité suffisante la nourriture à ceux qui en ont besoin. Pour cela, favorisons un réseau articulé et approvisionné de façon à minimiser du même coup le gaspillage.

À l’heure actuelle, nos efforts sont malheureusement trop souvent aléatoires. Nous exploitons des centaines de comptoirs alimentaires au sein d’organisations communautaires pour lesquelles il s’agit d’activités complémentaires, et ce, parce que les personnes dans le besoin auxquelles ils viennent en aide sur d’autres fronts ont également parfois besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Il serait plus utile d’orienter ces personnes vers des organismes équipés pour fournir des épiceries gratuites et branchées sur des réseaux de récupération efficaces.

Cela étant dit, nous devons tout de même nous mettre collectivement en garde contre la pensée magique : si la récupération des denrées alimentaires et la prévention du gaspillage sont à la fois nobles et essentielles, la faim ne sera pas résolue en légiférant ou en organisant davantage les services. Par ailleurs, convenons que nous pouvons entre les deux faire mieux pour gaspiller moins et répondre aux besoins pressants de plus en plus nombreux.

Soulignons aussi que la pauvreté est à l’origine de l’insécurité alimentaire. Si nous parvenons à réduire la pauvreté, nous réduirons la faim. Il s’agit certes là d’un autre débat.

En attendant, je crois avoir trouvé en partie ma réponse : misons ensemble sur une meilleure conscience collective. Fournissons un appui conséquent aux organismes dont une partie centrale de leur mission est d’exploiter une banque alimentaire. Ce faisant, nous aurons certainement un projet de société plus efficace que de traiter nos enjeux en silos. Cela m’apparaît résolument garant de meilleurs résultats à long terme qu’un simple projet de loi.

⁠1 L’insécurité alimentaire correspond à un accès inadéquat ou incertain aux aliments sains et nutritifs, principalement en raison d’un manque de ressources financières. L’insécurité alimentaire est généralement de nature transitoire ou épisodique, mais elle peut être vécue de manière chronique ou régulière (ex. : chaque fin de mois) par certains ménages. Reflet de la pauvreté, l’insécurité alimentaire est reconnue comme un problème de santé publique et constitue une barrière importante à une alimentation équilibrée.

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