Les données sur les ventes au détail de Statistique Canada révèlent l’évolution du comportement des consommateurs dans l’industrie canadienne de l’alimentation au détail pendant et après la pandémie. Mais est-ce que la hausse du prix des aliments nous incite à acheter moins de nourriture ?

Nous avons appris récemment que le taux d’inflation des aliments en mars avait ralenti pour le deuxième mois consécutif, à 8,9 %. Cependant, les prix dans les magasins d’alimentation ont augmenté de 9,7 % d’une année à l’autre. Alors que les prix ont augmenté de 0,3 % en un mois, le pourcentage le plus bas jusqu’à présent en 2023, l’écart entre le taux d’inflation alimentaire et celui de l’inflation générale a atteint 4,6 %, un sommet depuis 2009. Même si le Canada a toujours le troisième taux d’inflation le plus bas au sein du G7, après le Japon et les États-Unis, un taux d’inflation alimentaire obstinément élevé par rapport à celui des autres secteurs économiques ne fait qu’effrayer les consommateurs.

Plusieurs se demandent quand les prix reviendront au niveau d’avant 2022. En fait, ce souhait a peu de chances de se réaliser. Avec une main-d’œuvre qui coûte plus cher et des coûts d’emballage et d’énergie en hausse, le prix des denrées alimentaires ne baissera tout simplement pas. Certaines entreprises alimentaires augmenteront les salaires de près de 10 % au cours des trois prochaines années dans le but de retenir les employés. Il devient très difficile de recruter des salariés pour de nombreuses entreprises agroalimentaires éloignées et le travail peut parfois être physiquement exigeant. Les épiciers paient donc davantage pour les marchandises, comme le montrent leurs états financiers depuis plusieurs mois.

Notre meilleur espoir serait de voir le taux d’inflation alimentaire baisser. Un taux d’inflation alimentaire plus faible s’accompagne d’une meilleure prévisibilité pour l’industrie.

De nombreux ménages consacrent un pourcentage plus important de leur budget total aux achats alimentaires – ou le font-ils vraiment ?

Les ventes au détail publiées par Statistique Canada au cours des dernières années nous fournissent un portrait intéressant. En janvier 2017, les Canadiens dépensaient 16 % de leur budget au détail en alimentation. Le « détail » comprend les meubles, vêtements, voitures et autres biens, mais exclut tous les services et le logement. Cette donnée était similaire avant le début de la pandémie. En mars et avril 2020, ce taux a grimpé à 23 % et à 27 % respectivement pour des raisons évidentes – presque rien n’était ouvert. Aujourd’hui, 15 % de l’argent dépensé pour les biens de détail se destine à l’alimentation, excluant l’alcool et le cannabis. Il s’agit donc d’une diminution du pourcentage de nos dépenses consacrées à la nourriture, et non une hausse.

Les données semblent contre-intuitives, mais peuvent en fait suggérer certaines choses. D’abord, bien que cela signifie que l’inflation a un effet sur tous les aspects de nos vies, les données nous révèlent que les Canadiens continuent de dépenser et d’acheter autre chose que de la nourriture.

Mais ces mêmes données nous offrent aussi un autre indicateur préoccupant. En fait, de janvier 2022 à janvier 2023, les ventes au détail alimentaires n’ont augmenté que de 2,2 % au Canada, un pourcentage nettement en deçà de l’inflation pour une population qui compte environ 1 million de consommateurs supplémentaires. On remarque qu’entre mai 2022 et juillet 2022, la situation a été particulièrement difficile pour les consommateurs. En février 2022, le Canadien moyen dépensait 255 $ au détail par mois pour son alimentation. Un an plus tard, malgré l’inflation, c’était à peu près la même chose.

Au moment où l’inflation explosait, les ventes alimentaires reculaient. Ces données suggèrent donc que les Canadiens dépensent moins à l’épicerie et achètent peut-être même moins en volume, au détail.

Encore une fois, ces données ne fournissent pas un portrait complet de la vente au détail puisqu’elles n’incluent pas les services, mais elles suggèrent que même si la taille de notre marché de détail continue d’augmenter, les ventes alimentaires au Canada stagnent. Même si les revenus des grandes entreprises de la distribution augmentent toujours, cela veut peut-être dire que les indépendants en arrachent davantage.

Il est fort probable aussi que de nombreux ménages dépensent tout simplement moins et sont plus économes en matière d’achats alimentaires en période de difficultés financières. Ils peuvent également gaspiller moins de nourriture et porter davantage attention aux réserves d’aliments qu’ils ont à la maison. Mais cela suscite des inquiétudes quant aux nombreux compromis nutritionnels faits par les consommateurs en raison de la hausse des prix alimentaires. Nous pouvons voir à quel point cette augmentation des prix à l’épicerie peut avoir des effets à long terme sur la santé des individus et des familles, en particulier des enfants.

Sans peut-être le savoir, les Canadiens sortent d’une époque où la nourriture était très abordable. En fait, les gens affrontent les mêmes défis, pas seulement au Canada. Heureusement, la situation se rétablit lentement au sein de l’industrie alimentaire, ce qui lui donnera une marge de manœuvre bien nécessaire et permettra aux détaillants alimentaires d’offrir aux consommateurs des rabais plus intéressants dans les mois qui viennent. Patience.