La fabrication de nouvelles capacités de production d’énergie renouvelable est en voie d’être surmultipliée aux États-Unis grâce aux généreuses subventions de l’Inflation Reduction Act (IRA) du président Biden. Un programme qui profite aussi par ricochet à l’entreprise montréalaise 5N Plus, spécialisée dans la production de semiconducteurs et de matériaux de haute performance.

Les subventions de l’IRA pour la construction d’usines de batteries pour véhicules électriques ont forcé les gouvernements du Canada, du Québec et de l’Ontario à garantir des milliards de fonds publics aux fabricants pour être concurrentiels avec les États-Unis. On en a pour des années avant d’espérer un jour retrouver notre mise.

Les subventions à l’implantation de nouvelles unités de fabrication de panneaux solaires n’ont pas eu le même effet de surenchère et ont permis à l’entreprise 5N Plus de considérablement asseoir son emprise dans le marché des cellules solaires.

C’est que 5N Plus est le fournisseur exclusif pour les États-Unis de cellules solaires du fabricant américain First Solar, le plus gros fabricant de panneaux solaires terrestres à base de cadmium-tellure au monde.

À la différence des panneaux solaires à base de silicium que produit la Chine, les panneaux utilisant des cellules solaires au cadmium-tellure sont recyclables une fois leur fin de vie utile atteinte, après 25-30 ans d’usage.

Les panneaux solaires à base de silicone des producteurs chinois doivent être détruits et ensevelis lorsqu’ils ne peuvent plus être utilisés.

First Solar, qui est un acteur mondial, fabriquait ses panneaux solaires au Viêtnam, en Inde et en Malaisie, mais depuis l’adoption de l’IRA, l’entreprise américaine a ouvert un site de fabrication en Ohio et ouvrira cette année deux nouvelles usines en Louisiane et en Alabama, créant ainsi plus de 5000 nouveaux emplois « bien payés », comme le veut la formule.

Pour 5N Plus, c’est le pactole. L’entreprise montréalaise a doublé en deux ans ses revenus dans la fabrication des cellules solaires et a investi 20 millions dans ses usines de Montréal et Francfort pour augmenter ses capacités de production.

5N Plus vient de reprendre les baux des entreprises entourant ses installations à Saint-Laurent et augmentera de 20 % la superficie de sa production manufacturière.

De la matière première au produit fini

Il y a deux ans, j’ai raconté l’histoire de 5N Plus, une entreprise montréalaise méconnue qui était au départ l’unité de valorisation des résidus de la raffinerie de cuivre de la fonderie Noranda à Montréal qui a été rachetée par ses cadres au début des années 2000⁠1.

À partir de résidus de cuivre et de zinc, 5N Plus raffine et produit des métaux purs, principalement du cadmium, du tellure, du zinc, du bismuth, du germanium et de l’indium, des métaux qui servent à la fabrication de semiconducteurs, de cellules photovoltaïques et même de produits pharmaceutiques, qu’elle produisait sous forme de lingots ou de poudre.

L’entreprise a toutefois pris un virage commercial et a entrepris de fabriquer elle-même ses semiconducteurs qu’elle vend à ses clients selon leurs spécifications.

5N Plus a des usines à Montréal, en Utah, trois en Allemagne et une plus petite en Chine. Elle emploie 850 personnes dans le monde, dont près de 200 à Montréal.

« On fait des matériaux de semiconducteurs de cellules solaires pour les panneaux terrestres de First Solar, mais on fait de plus en plus des matériaux de semiconducteurs de cellules solaires spatiales pour les satellites. Notre carnet de commandes a doublé en deux ans.

« On a le tiers du marché mondial des cellules solaires spatiales pour satellites et on vient d’augmenter de 35 % nos capacités de production », souligne Gervais Jacques, le PDG de 5N Plus, qui a œuvré durant 30 ans chez Alcan et Rio Tinto Alcan, où il a succédé à Jacynthe Côté.

Les semiconducteurs des cellules solaires qui permettent à la sonde spatiale Clipper de la NASA de se rendre jusqu’à Jupiter sont fabriqués par 5N Plus.

L’entreprise vient d’ailleurs de profiter elle-même des largesses de l’IRA, puisque le ministère de la Défense des États-Unis lui a octroyé une subvention de 14,4 millions pour le développement de matériaux destinés à la fabrication de cellules solaires qualifiées pour l’espace à son usine de St. George en Utah.

L’entreprise montréalaise réalise 90 % de ses revenus à parts égales aux États-Unis et en Europe, le reste provenant de différents pays comme le Japon et l’Inde.

La vente de métaux de haute pureté sous forme de poudre ou de lingots ne représente plus que 15 % des revenus de 5N Plus, alors que ses semiconducteurs spécialisés génèrent 85 % de son chiffre d’affaires.

Outre les semiconducteurs pour panneaux solaires terrestres et spatiaux, 5N Plus fabrique des composantes électroniques en imagerie et détection.

« Les fabricants de scanneurs médicaux et IRM comme Samsung, Sony, GE ou Philips utilisent nos détecteurs de fréquences qui sont installés tout autour des scanneurs cylindriques », souligne Gervais Jacques.

Il y a moyen au Québec de valoriser nos matières premières, et 5N Plus en est la parfaite illustration.

1. Relisez la grande entrevue de Gervais Jacques, PDG de 5N Plus : « Produits critiques pour industries critiques ».