À la petite école, on encourage les élèves à poser des questions en leur disant que les réponses aideront leurs camarades trop gênés pour lever la main. Le même principe s’applique quand les courriels que vous me transmettez se transforment en chronique. En voici trois qui ont retenu mon attention.

« Malgré des études supérieures jusqu’à la maîtrise, je suis financièrement complètement illettrée. Cela me cause beaucoup de frustrations et d’angoisses, car j’ignore comment prendre en main mes finances », m’a écrit une lectrice de 35 ans que j’appellerai Annick. Elle se cherche donc un planificateur financier. Jusqu’ici, elle a rencontré des candidats potentiels dans trois entreprises.

Mais elle ignore sur quels critères baser sa décision. « Dois-je fonder mon choix sur le savoir-faire ou le savoir-être ? Est-ce que je ne devrais pas plutôt être conseillée par un professionnel de ma banque, tout simplement ? »

D’entrée de jeu, il faut dire bravo à cette trentenaire qui souhaite prendre ses finances en main avec l’aide d’un planificateur financier. Ces professionnels sont les seuls à couvrir toutes les sphères de notre vie financière : assurances, fiscalité, placements, retraite, alouette. Tout au long de sa vie, Annick devra prendre des décisions importantes qui exigeront des conseils judicieux. Elle doit donc pouvoir bâtir une relation à long terme, dans un climat de confiance exempt de jugement.

Même si ça demande du temps, l’idée de rencontrer des candidats potentiels est excellente. Il faut que ça clique !

Puisque le niveau de littératie financière d’Annick est faible, elle devrait porter une attention particulière à la capacité de vulgarisation de l’information des professionnels qu’elle évalue. Elle devrait aussi demander à voir un exemple de relevés, car certains sont difficiles à déchiffrer. La rémunération doit être abordée, et pourra être négociée.

Le gros hic, c’est qu’il faut détenir des actifs assez importants pour avoir accès à ce type de service personnalisé. Une option, pour une personne relativement jeune comme Annick, est de voir si le planificateur financier de ses parents pourrait la prendre sous son aile. Les comptes seraient gérés de façon séparée, mais tous les actifs s’additionneraient pour calculer les frais de gestion.

Dans les succursales bancaires, tout le monde peut obtenir des conseils. Mais là aussi, il faut parfois détenir une somme minimum pour obtenir les services de planificateurs financiers en bonne et due forme.

Sinon, les conseillers qui détiennent d’autres titres (conseiller en sécurité financière, représentant en épargne collective, etc.) peuvent recommander des placements.

« La plupart des planificateurs financiers sont associés à une enseigne. Alors la question importante à poser est : êtes-vous un travailleur autonome, êtes-vous rémunéré par l’institution financière et cette institution peut-elle décider des produits à recommander aux clients ? », croit Simon Houle, planificateur financier indépendant et membre du conseil d’administration d’ÉducÉpargne, un OSBL dont la mission est le développement et le maintien des bonnes habitudes d’épargne.

Les professionnels indépendants (qui paient une enseigne pour utiliser sa plateforme technologique) ont accès à toute la gamme des produits financiers. Ils ne doivent pas privilégier les fonds communs de leur employeur qui peuvent être très bien, mais pas forcément idéaux.

Consultez ce guide pour bien choisir un professionnel

La belle-mère de Luc est une veuve de 93 ans au train de vie assez frugal qui vit dans un condo payé. Un courtier en valeurs mobilières s’occupe de ses placements qui totalisent environ 1 million de dollars. Luc a examiné ses états de compte des 10 dernières années pour constater que son courtier n’y faisait aucune transaction, outre les retraits obligatoires des sommes de son FERR. Les frais de gestion sont basés sur un pourcentage des actifs, ce qui équivaut à environ 10 000 $ par année.

« Je trouve cela chèrement payé pour aussi peu de travail, étant donné qu’aucune transaction n’a lieu dans son compte », confie Luc. Même s’il est d’accord avec l’idée de n’effectuer aucune transaction, il se demande : « est-ce que le niveau de frais que son courtier lui charge est normal pour aussi peu de travail et existe-t-il une solution de rechange pour éviter ces frais ? »

Des frais de gestion de 1 %, ce n’est pas inhabituel. C’est même assez bon marché.

En revanche, l’absence de transactions pendant toute une décennie fait sourciller Simon Houle, planificateur financier indépendant et membre du conseil d’administration d’ÉducÉpargne. Serait-il temps de rééquilibrer le portefeuille ? Il faudrait comprendre ce qui explique un aussi long statu quo. Luc pourrait poser des questions, si sa belle-mère le souhaite. Il pourrait aussi tenter de négocier un meilleur tarif.

Quelles sont les autres options ? Elles ne sont pas nombreuses.

Pour réduire la facture de 10 000 $ de frais, Simon Houle évoque la possibilité de recourir aux services d’un conseiller-robot qui va créer un portefeuille avec des fonds négociés en Bourse (FNB) très peu coûteux. « Mais le niveau de service ne sera pas le même », prévient-il, notamment au décès de la nonagénaire.

PHOTO CHARLES WILLIAM PELLETIER, ARCHIVES COLLABORATION SPÉCIALE

Simon Houle, planificateur financier indépendant et membre du conseil d’administration d’ÉducÉpargne

Si l’argent était transféré dans une banque, la facture pourrait être pire. Les fonds communs suggérés coûteront de 1 à 3 % en frais de gestion, avec une moyenne d’environ 2 %.

Reste l’option du compte de courtage à escompte, mais Luc s’est fait dire que sa belle-mère n’y était pas admissible, car ses connaissances financières sont trop minces. Et ce, même si elle signait une procuration. Des notions approfondies en investissement et une grande autonomie sont effectivement requises, mais certaines banques m’ont assuré qu’elles étaient plus flexibles (que d’autres) en pareilles circonstances.

Luc ne mentionne pas quel a été le rendement annuel moyen des placements de sa belle-mère depuis 10 ans. En comparant les gains enregistrés aux sommes payées en frais de gestion, peut-être serait-il moins irrité par la facture.

Guy a récemment recommandé à son gestionnaire de placements un ami ayant plus de 350 000 $ à placer « à cause de son insatisfaction envers son gestionnaire actuel ». Quelle ne fut pas sa surprise d’apprendre que cet ami de 78 ans n’intéressait pas le gestionnaire. « La politique du gestionnaire était du placement à long terme, et il n’y voyait pas d’intérêt pour lui. Peut-on refuser le service en fonction de l’âge ? »

Il est difficile de croire qu’un professionnel des placements ait levé le nez sur 350 000 $, mais c’est bon signe. Simon Houle rappelle que le gestionnaire a une « responsabilité fiduciaire envers ses clients », ce qui signifie qu’il doit agir avec honnêteté et bonne foi. « Si le gestionnaire croit que son type de gestion n’est pas bon pour le client, son devoir est de lui dire non. »

Selon toute vraisemblance, ce sont donc les objectifs de placement et non l’âge de l’ami qui ont justifié le refus. D’autres professionnels seront assurément ravis de le servir.