Mélissa* et Carl*, tous deux âgés de 49 ans et parents d’élèves de 16 et 18 ans, sont des professionnels dans le secteur bancaire qui envisagent un projet de retraite après leur 55e anniversaire. Or, une perte d’emploi récente remet le projet en question.

La situation

En préparation de ce projet de retraite hâtive, Mélissa et Carl ont su bénéficier au fil des ans de leurs bons revenus et d’un train de vie confortable mais bien géré pour se constituer un important actif financier pour la retraite.

Mais une récente perte d’emploi subie par Carl a provoqué une remise en question de leur capacité financière à réaliser ce projet.

« C’est la première fois que mon conjoint se retrouve sur l’assurance-emploi, avec un revenu de prestations qui s’annonce inférieur des deux tiers (30 000 $ annualisé) par rapport à son revenu d’emploi antérieur de 95 000 $ par année, indique Mélissa.

« Même si on estime avoir accumulé une bonne somme en épargne-retraite [1,6 million], on se questionne maintenant sur notre capacité financière à prendre une retraite hâtive après 55 ans, au lieu de 60 ou 65 ans. »

Mélissa sait que la future rente viagère de son régime de retraite – le seul du couple – qu’elle obtiendrait à 55 ans serait réduite de moitié autour de 70 000 $ par année par rapport au plein montant qu’elle obtiendrait à 65 ans.

Aussi, Mélissa et Carl projettent que leur train de vie en début de retraite hâtive pourrait être réduit de quelques dizaines de milliers de dollars par rapport à son niveau actuel d’environ 140 000 $ par année.

Cette réduction de train de vie proviendrait surtout de la fin des paiements d’hypothèque et sur le prêt auto (46 000 $ par année en tout), ainsi que la fin des débours de soins d’orthodontie et de cotisations maximales au REEE de leur enfant de 16 ans, qui totalisent 10 000 $ par année.

Par ailleurs, parmi leurs projets de retraite, Mélissa et Carl souhaitent pouvoir réhabiliter leur budget de voyages aux environs de 20 000 $ par année. Ce budget a été sabré depuis la perte d’emploi de Carl.

Aussi, Mélissa et Carl envisagent la vente de leur maison après quelques années de retraite, lorsque leurs deux enfants auront quitté le nid.

« Nous prévoyons utiliser le capital de cette vente pour l’achat d’une petite maison en région de villégiature et d’un pied-à-terre en ville », indique Mélissa.

Mais pour le moment, son conjoint et elle cherchent conseil sur la faisabilité de leur projet, en dépit de la perte de revenu subie par Carl pour une durée indéterminée.

Le cas échéant, comment le couple pourrait-il ajuster ses priorités durant les prochaines années avant le début de la retraite ?

La situation a été soumise à André Lacasse, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Services financiers Lacasse, à Saint-Hubert sur la Rive-Sud.

Les chiffres

Mélissa, 49 ans

Revenu : 220 000 $

Actifs financiers :

– REER : 525 000 $
– CELI : 115 000 $
– Placement non enregistré : 277 000 $

Carl, 49 ans

Revenu : de 30 000 $ à 85 000 $ (selon son retour en emploi)

Actifs financiers :

– REER : 260 000 $
– CELI : 16 000 $
– CRI : 402 000 $

– Placement non enregistré : 48 000 $

Actif commun :

– Résidence familiale : 900 000 $

Passif commun :

– Dette hypothécaire : env. 294 000 $

Revenu familial : de 250 000 $ à 300 000 $ (selon le retour en emploi de Carl)

Principaux débours familiaux : 140 000 $ par année (66 000 $ liés à la résidence, 60 000 $ liés au style de vie, 13 000 $ de contributions en REEE, REER et CELI)

Les conseils

André Lacasse constate que le projet apparaît « financièrement viable » en fonction des revenus et du train de vie prévus à la retraite du couple.

« Grâce à leurs bonnes habitudes d’épargne et à leur train de vie raisonnable malgré leur revenu familial relativement élevé, ils ont pu accumuler près de 1,6 million en guise d’épargne-retraite, explique M. Lacasse.

« En ajout du bon régime de retraite de Mélissa, un tel montant d’actif en épargne-retraite, s’il est bien géré et décaissé au fil de leur retraite, devrait leur permettre de soutenir jusqu’à un âge très avancé le train de vie qu’ils prévoient autour de 125 000 $ par année. »

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

André Lacasse, planificateur financier et conseiller en sécurité financière chez Services financiers Lacasse

Malgré ce diagnostic favorable de prime abord, André Lacasse apporte quelques bémols au projet.

En attendant que Carl retrouve un revenu comparable au précédent, André Lacasse signale le grand écart de revenu et d’actif en épargne-retraite entre les conjoints.

« En tant que conjoints de fait, même de longue date, c’est très important pour Carl en particulier que le couple tienne à jour son contrat de vie commune et ses documents successoraux auprès d’un notaire », rappelle M. Lacasse.

En second lieu, considérant l’énorme réduction de la rente de retraite de Mélissa en cas de retraite à 55 ans, André Lacasse suggère au couple de bien considérer les coûts à long terme de leur projet de retraite hâtive.

« D’après le relevé du régime de retraite de Mélissa, sa rente viagère à partir de 55 ans serait d’environ 67 000 $ par année, alors qu’elle serait de l’ordre de 89 000 $ à partir de 60 ans et autour de 115 000 $ après 65 ans, explique André Lacasse.

« Autrement dit, pour devancer sa retraite de quelques années, disons de 60 à 55 ans, Mélissa se priverait de presque 30 000 $ par année en revenu de retraite. Et ce, jusqu’à la fin de ses jours ! C’est un manque à gagner considérable qu’ils doivent bien analyser avant de confirmer leur projet. »

Vérification faite auprès de Mélissa : « Nous y réfléchissons après avoir vu l’ampleur de cette réduction de ma rente de retraite. Pour le moment, nous ne sommes pas fermés à l’idée de retarder notre projet de quelques années », indique Mélissa.

Entre-temps, souligne André Lacasse, Mélissa et Carl ont encore de cinq à dix ans devant eux pour peaufiner leur préparation financière.

Dans le cas de Mélissa, M. Lacasse lui suggère de canaliser sa capacité d’épargne en priorité vers son CELI plutôt que son REER.

« On sait déjà que Mélissa aura des revenus de rente de retraite assez élevés. Or, d’y ajouter des retraits de REER qui seront imposables plutôt que des retraits de CELI non imposables pourrait déclencher un “impôt de recouvrement” lié aux versements de la pension fédérale [PSV] », résume André Lacasse.

Dans le cas de Carl, qui n’a pas de régime de retraite avec son employeur, mais qui possède une bonne somme en épargne-retraite autonome, M. Lacasse lui suggère de diriger sa capacité d’épargne retrouvée avec son prochain emploi vers son REER plutôt que vers son CELI.

« Durant ces quelques années avant sa retraite, Carl n’aura pas le temps d’accumuler beaucoup d’actifs dans un nouveau régime de retraite d’employeur. Par contre, il serait en mesure d’optimiser les avantages fiscaux liés aux contributions en REER durant ses dernières années de revenu d’emploi pleinement imposable », résume André Lacasse.

Quant à l’optimisation de son CELI, Carl aurait un avantage fiscal rapide à y transférer l’actif dans son compte de placement non enregistré (48 000 $). Cet actif financier passerait ainsi d’un rendement imposable à un rendement non imposable en CELI.

Enfin, après le début de leur retraite, et à l’approche de leur 65e anniversaire, André Lacasse suggère à Mélissa et à Carl d’envisager ces deux autres éléments importants.

D’une part, considérant leur confort financier au début de leur retraite, ils devraient s’abstenir de demander leurs prestations de rente publique avant 70 ans.

« Un tel report de quelques années suffit à rehausser beaucoup le montant des prestations à vie, ce qui peut s’avérer très utile à un âge avancé, en cas de perte d’autonomie », rappelle André Lacasse.

D’autre part, 65 ans est l’âge d’admissibilité de Mélissa à un fractionnement de son revenu de rente imposable en faveur de son conjoint Carl.

« Le fractionnement du revenu imposable est particulièrement efficace sur le plan fiscal pour des conjoints aînés avec un grand écart de revenu », explique André Lacasse.

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.

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