Patricia* vient de prendre sa retraite sur un coup de tête et doit faire vivre son conjoint. Y arrivera-t-elle ?

La situation

À la suite de l’embauche d’un nouveau directeur avec lequel elle avait des divergences d’opinions, Patricia en a eu assez. Après 25 ans de loyaux services, elle a décidé de partir à la retraite.

« C’est une décision que j’ai prise spontanément », écrit-elle.

« Je sais que j’ai un très petit portefeuille. J’aimerais quand même l’utiliser de la meilleure façon possible », poursuit-elle.

En 25 ans, le REER collectif chez son employeur, une institution importante au Canada, lui a rapporté 85 000 $. Patricia a accumulé 60 000 $ dans un REER personnel, 18 000 $ dans un CELI et 7000 $ dans un compte d’épargne non enregistré chez Épargne Placement Québec.

Âgée de 66 ans, Patricia retire sa rente du Régime de rentes du Québec (RRQ), qui s’élève à 625 $, et la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) du Canada de 649 $.

Son mari est un peu plus jeune, il a 63 ans. Pascal* n’a aucun revenu ni placement, car il n’a jamais vraiment travaillé à cause de son problème de santé mentale. Il retire une somme mensuelle de 398 $ du RRQ.

Le couple n’a aucun enfant.

« J’ai fait une demande pour le Supplément de revenu garanti (SRG) au début décembre en espérant y avoir droit, puisque je n’ai pas d’autres revenus que la SV et le RRQ. »

« En attendant de savoir si je le recevrai, je comble mes fins de mois à l’aide de mon compte d’épargne. »

En plus des sommes des deux gouvernements, Patricia estime qu’elle aurait besoin d’environ 1000 $ additionnels par mois « pour garder un mode de vie acceptable », dit-elle. Selon ses calculs, les dépenses fixes mensuelles de la famille sont de 986 $ et varient jusqu’à 1300 $.

« J’ai très peu de connaissances en finances, je suis une investisseuse moyennement prudente, je ne veux pas prendre de mauvaises décisions et payer trop d’impôts, explique-t-elle. Vos conseils seraient tellement appréciés ! »

« Qu’est-ce qui serait le plus avantageux pour moi ? demande-t-elle. Décaisser mes REER graduellement ou me prendre une rente d’environ 1000 $ par mois ? »

Les chiffres

Patricia*, 66 ans

  • SV : 658 $  
  • RRQ : 718 $  
  • REER collectif : 85 000 $
  • REER personnel : 61 500 $
  • CELI : 18 000 $
  • Compte d’épargne non enregistré : 7000 $
  • Maison libre d’hypothèque : valeur de 275 000 $

Pascal*, 63 ans

  • RRQ : 398 $
  • SV à 65 ans : 651 $
  • REER : aucun
  • CELI : aucun

L’analyse

Brigitte Felx, planificatrice financière et première directrice régionale, stratégie de distribution entreprise, gestion mondiale d’actifs à la Banque Royale du Canada (RBC), a fait l’analyse de la situation du couple.

Comme Pascal n’a qu’un revenu mensuel de 398 $ provenant du Régime de rentes du Québec (RRQ), il est dépendant financièrement de Patricia. La planificatrice financière a donc tenté de maximiser le plus possible les revenus du couple et d’alléger les impôts.

Patricia affirme qu’elle a un profil d’investisseur prudent. Or quand on regarde la diversification de son portefeuille, elle est plutôt dans des portefeuilles équilibrés, observe la planificatrice financière.

Brigitte Felx a donc utilisé les normes de l’Institut de planification financière en fonction d’un portefeuille équilibré, qui est de 4,38 %, tandis que l’indexation des revenus est estimée à 2,1 %. « On fait les projections jusqu’à 95 ans étant donné qu’elle se dit en santé », précise la planificatrice financière.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Brigitte Felx, planificatrice financière et première directrice régionale, stratégie de distribution entreprise, gestion mondiale d’actifs à la Banque Royale du Canada

Pour ce qui est de l’aspect fiscal, Brigitte Felx a regardé les montants personnels de base et a analysé les flux de revenus de Patricia d’une année à l’autre. « Je peux affirmer qu’à partir d’aujourd’hui jusqu’à ses 85 ans, il n’y aura aucun impôt de perçu. Elle est toujours avec des revenus qui sont au-dessous des montants personnels de base, que ce soit au fédéral ou à Québec. »

Le scénario de décaissement

En 2024, le montant personnel de base au Québec est de 18 056 $. Celui au fédéral est de 14 158 $ à 15 705 $. Si Patricia obtient le Supplément de revenu garanti (SRG), ce revenu supplémentaire n’affectera pas ses impôts, car il est non imposable. La planificatrice estime qu’elle aura droit à une somme annuelle d’environ 3780 $.

Pour cette année, Patricia aura comme entrée de fonds le RRQ, la SV, le SRG et une somme qui provient de son compte d’épargne non enregistré chez Épargne Placement Québec. Brigitte Felx suggère d’y retirer 2364 $.

« Ça lui fait un revenu “familial” total de 27 432 $ sur lequel elle ne paiera pas d’impôts. Et ça concorde avec les dépenses qu’elles nous avaient nommées. Elle avait besoin de 986 $ à 1300 $ par mois. »

Pour 2025, la planificatrice a fait le même scénario en indexant les pensions des gouvernements et le SRG. Elle a ajouté 2414 $ puisés dans son compte d’épargne. Ses rentrées de fonds annuelles s’élèvent à 28 008 $, ce qui couvre encore une fois ses dépenses.

En 2026, le portrait change, parce que Pascal atteint 65 ans. Il peut alors demander la pension de la Sécurité de la vieillesse (SV) du Canada. Cependant, l’argent disponible dans le compte d’épargne de Patricia commence à s’épuiser. « Il ne reste que 200 $, mais monsieur va chercher environ 7821 $. »

Avec les RRQ, SV et le SRG, le revenu « familial » annuel s’élève à 34 330 $. « Elle a même un petit surplus par rapport aux dépenses qu’elle nous a données. Encore une fois, elle ne paie pas d’impôts. »

Jusque-là, Patricia n’a pas besoin de ses REER.

En 2026 et 2027, la planificatrice ne fait pas de changement. Patricia arrive toutefois à 71 ans et doit convertir ses REER en FERR. Elle commence à percevoir le versement minimum établi par le gouvernement, soit de 9500 $.

Avec cette somme, le Supplément de revenu garanti baisse, mais Patricia a plus d’argent qu’il ne lui en faut pour combler ses besoins. Ses entrées de fonds annuelles s’élèvent à 43 700 $ alors que ses besoins ne sont que de 30 436 $.

Et elle n’a pas encore touché à son CELI ni à sa maison.

Le choix des actifs à décaisser est important pour minimiser l’impôt, mais aussi le fractionnement de revenus, précise la planificatrice.

Les FERR sont fractionnables entre les conjoints, explique-t-elle. Comme Pascal n’a presque pas de revenus, Patricia a tout avantage à fractionner ses revenus avec lui lors de ses déclarations de revenus. De cette façon, le couple descend ses revenus sous le montant personnel de base et ne paie pas d’impôts.

La décision de Patricia

Avec une projection de rendements à 4,38 %, Patricia peut retirer toute sa vie une somme équivalant au montant minimum de ses FERR et avoir des revenus suffisants jusqu’à 95 ans. Sans toucher à sa maison. À partir de 69 ans, elle dégagera même un surplus qui peut garnir son CELI.

Est-ce qu’elle devrait acheter une rente viagère ou décaisser graduellement ses FERR ?

En sachant que la sexagénaire a assez d’argent pour subvenir à ses besoins et à ceux de son mari jusqu’à 95 ans avec ses liquidités actuelles, la planificatrice financière lui suggère d’aller rencontrer un conseiller avec une licence spécialisée dans ce type de produit pour vérifier en détail l’option de la rente viagère.

La rente est une somme fixe versée à vie ou sur une période déterminée dans un contrat.

Le prix d’achat de la rente dépend du montant des versements que Patricia veut obtenir, de la durée des versements et des taux d’intérêt. Quand les taux d’intérêt sont élevés, c’est le bon moment pour fixer une rente.

Une fois la rente achetée, la somme qui a servi à son achat ne vous appartient plus, rappelle le site de l’Autorité des marchés financiers (AMF). L’avantage, c’est que Patricia n’aurait plus à gérer ses placements et sa rente serait toujours du même montant, peu importe la fluctuation des marchés.

Consultez l’outil de calcul de rente

* Bien que le cas mis en lumière dans cette rubrique soit réel, les prénoms utilisés sont fictifs.