Être endetté peut-il rendre malade ? À l’inverse, sommes-nous plus endettés lorsque nous sommes malades ?

L’Observatoire québécois des inégalités s’est intéressé au lien entre la santé – et la maladie – et les dettes dans une note publiée ce mercredi. Leur diagnostic, en cinq points clés.

Inégaux devant les dettes

Déjà, en introduction, les auteurs de cette analyse réaffirment que les dettes sont vectrices d’inégalité : elles avantagent une partie de la population qui les utilise pour réaliser des projets porteurs – comme acheter une maison ou poursuivre des études supérieures – et appauvrissent les autres, qui ne joignent plus les deux bouts, expliquent Geoffroy Boucher et Sandy Torres.

On sait aussi que plus les revenus d’une famille sont faibles, plus la proportion des dettes à la consommation est importante dans l’ensemble de l’endettement. La proportion s’inverse plus les revenus augmentent, les nantis ayant surtout des dettes hypothécaires, liées à un actif, et peu de dettes à la consommation, proportionnellement parlant.

Plus endetté, en moins bonne forme

« L’endettement peut vraiment avoir une incidence négative sur la santé », dit l’économiste Geoffroy Boucher, qui précise que cela peut avoir un effet sur la tension artérielle et l’obésité, notamment.

C’est le stress causé par l’endettement qui engendre d’autres problèmes de santé physique et psychologique chez certains emprunteurs, cite le rapport, qui s’appuie sur des études externes.

« Plus les personnes ont de la difficulté à rembourser leurs dettes, plus leur niveau de stress va être élevé, précise l’économiste. Et plus cela va avoir des incidences négatives sur leur santé. On voit que cette incidence-là est particulièrement forte chez les personnes moins nanties. »

Les dettes compensatoires particulièrement néfastes

Les gens qui ont recours à du crédit « compensatoire » s’estiment aussi en moins bonne santé que la moyenne de la population.

« Ils s’endettent pour pallier un manque de revenus et combler leurs besoins de base », précise l’auteur de l’étude.

En effet, 25 % des personnes qui se sont endettées dans ces circonstances estiment que leur santé est passable ou mauvaise. L’écart est significatif avec les gens qui ne doivent pas emprunter pour régler leurs dépenses courantes, puisque c’est 11 % dans ce cas qui décrit sa santé comme passable ou mauvaise.

La maladie qui endette

Si les dettes peuvent mener à des soucis de santé, l’inverse serait aussi vrai, puisque 11 % des Québécois ayant contracté une dette l’ont fait parce qu’ils avaient, à l’origine, un problème de santé, selon des données de 2022.

« Personne n’est à l’abri de la maladie, mais ce qu’on voit, c’est que les personnes moins nanties subissent vraiment davantage de conséquences économiques de la maladie, précise Geoffroy Boucher. Toutes proportions gardées, les personnes à faibles revenus sont quatre fois plus nombreuses à s’endetter pour des problèmes de santé que celles qui sont au sommet de la distribution des revenus. »

Pratiquement 40 % des gens qui ont contracté des dettes parce qu’ils avaient à la base un problème de santé ont aussi un niveau de stress élevé. Si vous avez des dettes, mais qui n’ont pas été causées par un souci de santé, votre niveau de stress oscillerait davantage autour de 9 %.

Geoffroy Boucher précise que ces données sont surprenantes pour le Québec, qui a un système universel de santé. « On se rend compte, dit-il, qu’il n’est pas complètement universel, ce système-là. »

« Toute une série de situations personnelles découle des problèmes de santé, ajoute l’économiste. Perte d’emploi, perte de revenus. Tout cela crée une spirale de difficultés qui génère du stress. Et le stress, à son tour, a une incidence négative sur la santé. La situation peut s’envenimer assez rapidement. »

Différents emprunteurs

L’étude s’appuie sur plusieurs enquêtes, dont celle de l’Institut national de la recherche scientifique (INRS) sur l’endettement des ménages publiée en 2022 et qui traçait certains profils d’endettement. On y apprenait que les gens dont la dette est liée aux études ou qui ont une hypothèque ont moins de difficulté à faire leurs remboursements que les autres.

Sans surprise, les gens qui ont recouru au crédit pour faire face à une perte d’emploi ou à une maladie ont plus de difficulté à respecter les remboursements.

En faisant cette recherche, l’Observatoire s’intéressait au lien entre patrimoine et inégalités sociales. Il a beaucoup travaillé avec les données de l’Enquête sur l’endettement des ménages québécois 2022 de l’INRS, menée par Maude Pugliese, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les expériences financières des familles et les inégalités de patrimoine.

En savoir plus
  • 1,45 $
    L’année dernière, pour chaque dollar de revenu (après impôts), les ménages québécois devaient 1,45 $.
    source : Statistique Canada
    85 %
    La valeur moyenne de la dette des familles a augmenté de 85 % en 20 ans au Québec.
    source : Statistique Canada