Il vous faudrait épargner entre « 70 et 80 % de votre revenu actuel » pour prendre votre retraite à 60 ans. Oubliez le CELIAPP et le RAP pour l’achat d’une première maison, ils n’existent pas. Et il est souhaitable de rééquilibrer ses placements au moins une fois par année.

Ne vous précipitez pas tout de suite chez un planificateur financier : il y a du vrai, du faux et un large spectre entre les deux dans les conseils précédents. Ils proviennent des réponses à 16 questions de finances personnelles que La Presse a posées à une intelligence artificielle (IA) générative. Nous avons choisi pour l’occasion la version payante de Gemini, le tout nouvel agent conversationnel de Google.

Nous avons ensuite recueilli les commentaires de deux planificateurs financiers, Raphaël Hainault, chez fdp Gestion privée, et Benoit Chaurette, de Banque Nationale Gestion Privée 1859. Les deux avaient fourni 12 des 16 questions. Nous en présentons six en détail, avec les réponses de Gemini, dans l’écran suivant.

Entre pertinence et bourdes

Premier constat : l’IA a commis des erreurs grossières, surtout avec des questions très précises. Elle a notamment affirmé qu’on pouvait recevoir la pension de la sécurité de la vieillesse à partir de 60 ans, ou qu’un dividende encaissé aux États-Unis est imposable à 50 % au Canada. Elle a parfois omis des détails importants, comme l’existence du compte d’épargne libre d’impôt pour l’achat d’une première propriété (CELIAPP), et carrément inventé un « Ordre des planificateurs financiers du Québec ».

Mais Gemini s’est montré plutôt pertinent quand il s’agissait de conseils très généraux sur le comportement financier, comme la répartition des actions selon la tolérance au risque ou la préparation à la retraite.

Et il a osé, de façon très téméraire et avec une pertinence discutable, nous donner cinq recommandations d’achat d’actions d’entreprises canadiennes bien précises.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Raphaël Hainault, conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille adjoint fdp Gestion privée.

Alors, votre verdict, messieurs ? « Je constate que Gemini saisit les grandes lignes des questions et les réponses sont souvent appropriées, mais elles manquent parfois de justesse », dit Raphaël Hainault.

L’intelligence artificielle répond simplement aux questions qu’on lui pose, mais ne peut aller plus loin en suggérant parfois des choses auxquelles le client n’a peut-être même pas pensé, faute de connaissances.

Raphaël Hainault, conseiller en gestion de patrimoine et gestionnaire de portefeuille adjoint fdp Gestion privée

C’est un travers que connaît bien Benoit Chaurette, qui n’en était pas à ses premières expérimentations avec l’IA. C’est d’ailleurs lui qui a déculotté le plus sévèrement Gemini avec l’exemple fictif de « Marie et Jean » recevant un dividende de 300 $ US (voir écran suivant).

« Sur des questions de nature très générale, il répond des choses très intéressantes. En 100 mots, ce qu’on lui demandait, il fait un résumé très honnête. Mais plus on entre dans des cas précis, plus il s’emballe et arrive parfois à des conclusions fausses. J’étais par moments agréablement surpris, d’autre fois déçu. »

Nuances recherchées

Un des défauts de Gemini, tout comme de ChatGPT, est de ne pas dévoiler ses sources d’information. Il a beau ajouter des liens pour des compléments d’information à la fin de ses réponses, on ignore d’où il tire ses conclusions. En ce qui concerne les recommandations d’achats d’actions, par exemple, « a-t-il fait une réelle analyse, ou l’a-t-il copiée ? demande M. Chaurette. Elles datent de quand ? Sont-elles toujours d’actualité ? On ne sait pas ce qui se cache sous le capot ».

PHOTO FOURNIE PAR BENOIT CHAURETTE

Benoit Chaurette, conseiller principal chez Banque Nationale Gestion privée 1859

Gemini a par exemple répondu avec aplomb à une question sur « le coût d’un enfant », 250 000 $ en moyenne de la naissance à 18 ans, selon lui. « J’aimerais comprendre la façon dont Gemini calcule ces dépenses et les sources d’information, rétorque M. Hainault. Par exemple, selon moi le coût du logement n’augmente pas nécessairement avec l’arrivée d’un enfant, à moins de déménager dans plus grand pour l’accueillir. Même chose pour l’éducation qui, au Québec, est peu onéreuse. Par contre, d’autres postes sont possiblement sous-estimés, comme les loisirs. »

Les deux experts, manifestement, sont peu inquiets de voir des IA génératives comme Gemini et ChatGPT les remplacer.

« Si on pose des questions sur l’anatomie humaine par exemple, il y aura des réponses précises : un bras est un bras et un orteil est un orteil, que l’on soit en Europe ou au Québec, explique M. Chaurette. Si on pose des questions fiscales, il y a beaucoup de législations différentes et des environnements différents, l’outil est tout mélangé. »

« Ça demeure un algorithme, sans toutes les nuances qui font parfois toute la différence, rappelle M. Hainault. Je crois qu’il y a encore un chemin à faire pour amalgamer toutes les données disponibles et en faire quelque chose de cohérent qui amène des suggestions précises, plutôt que des généralités. »